Par un jugement n° 1204689 du 16 octobre 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 7 novembre 2014, 21 avril 2015, 20 novembre 2015 et 4 janvier 2016, Mme A..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 octobre 2014 ;
2°) de faire droit à ses demandes de première instance ;
3°) d'enjoindre à la commune de Marseille de lui accorder la protection fonctionnelle et de la réaffecter sur le site de l'école de La Sauvagère ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a été victime de faits de harcèlement sur son lieu de travail ;
- la mutation sur le site de Saint Loup Castel Joli lui a été imposée ;
- ce changement d'affectation a entraîné un changement d'attributions ;
- ce changement d'affectation constitue une sanction déguisée intervenue sans respect de la procédure adéquate ;
- l'administration a commis une faute en lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 30 octobre et 11 décembre 2015, la commune de Marseille, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable ;
- aucun des moyens soulevés par l'appelante n'est fondé.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pena,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me D... représentant Mme A...et de Me E..., substituant MeB..., représentant la commune de Marseille.
1. Considérant que Mme A..., adjoint technique de la ville de Marseille, exerce ses fonctions depuis 2002 en qualité d'agent des écoles élémentaires à l'école de La Sauvagère ; qu'à compter du 30 mars 2010, elle a été affectée sur le site de l'école Saint-Loup Castel Joli ; que s'estimant victime de harcèlement moral, elle a demandé, par deux courriers du 2 mai 2012, l'indemnisation du préjudice qu'elle considérait avoir subi de ce fait ainsi que le bénéfice de la protection fonctionnelle ; que, cette demande ayant été implicitement rejetée, Mme A... a alors saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande d'annulation de cette décision de rejet ainsi que de la décision l'affectant à l'école Saint-Loup Castel Joli, d'une demande indemnitaire et d'une demande d'injonction ; que, par un jugement du 16 octobre 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête ; que Mme A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires et sollicite, en outre, la condamnation de la commune de Marseille à lui verser la somme de 2 211,36 euros au titre de la perte de nouvelle bonification indiciaire subie entre 2011 et 2014 du fait de son changement d'affectation, en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de protection fonctionnelle et de la décision l'affectant à l'école Saint-Loup Castel Joli de Marseille, et en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'injonction à la commune de Marseille de lui accorder la protection fonctionnelle et de la réaffecter sur le site de l'école de La Sauvagère ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ;
Sur les conclusions aux fins de versement de la somme correspondant au montant estimé de la perte de nouvelle bonification indiciaire subie entre 2011 et 2014 :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A... n'a pas présenté, en première instance, de conclusions tendant au versement de la somme de 2 211,36 euros au titre de la perte de nouvelle bonification indiciaire subie entre 2011 et 2014 du fait de son changement d'affectation ; que de telles conclusions, présentées pour la première fois en appel, ne sont pas recevables, et ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
Sur les conclusions aux fins d'indemnisation des faits de harcèlement moral :
3. Considérant qu'en vertu de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983, issu de l'article 178 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, aucun fonctionnaire ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ;
4. Considérant que, pour soutenir qu'elle a été victime de harcèlement moral depuis le début de l'année 2009 à l'origine de son état dépressif, Mme A... fait valoir que ses conditions de travail se sont dégradées dès cette période, qu'elle a été physiquement menacée par un agent d'entretien et a subi des pressions psychologiques de divers ordres ; qu'elle se plaint également de n'avoir pu bénéficier des règles normales d'attribution des postes lors de son changement d'affectation et ainsi d'avoir été mutée, contre son gré, et contre l'avis du corps médical, à l'école Saint Loup Castel Joli ; qu'elle indique que l'administration se serait en quelque sorte " acharnée " à la maintenir sur ce site, ce changement d'affectation s'étant, selon elle, accompagné d'une modification dans l'exercice de ses fonctions ; qu'elle reproche enfin à l'administration d'avoir refusé, dans un premier temps, de reconnaître l'accident de service dont elle a été victime le 5 mai 2011 comme étant imputable au service ;
5. Considérant qu'il résulte toutefois de l'instruction que Mme A... n'établit en rien avoir subi des pressions d'ordre psychologique de la part de la directrice du secteur D de l'école La Sauvagère, et pas davantage de son adjointe ; que s'il est constant que cette directrice lui a reproché, au cours d'une réunion du 29 mars 2009, notamment des bavardages ainsi qu'un manque de réserve avec les parents d'élèves, l'appelante ne démontre pas que les conditions dans lesquelles s'est déroulée cette réunion seraient la cause de l'arrêt de travail qu'elle a produit par la suite ; que, s'agissant de son changement d'affectation, il résulte des pièces produites qu'il s'inscrit dans un contexte particulier de mésentente généralisée au sein de l'équipe des agents municipaux alors en place, lesquels ont tous été invités à postuler sur d'autres lieux d'affectation afin que l'école de la Sauvagère puisse retrouver un fonctionnement normal ; que rien au dossier ne laisse suppose que la nouvelle affectation de Mme A... aurait été décidée en dehors des règles normales d'attribution des postes ; qu'il s'avère, en outre, que l'intéressée n'a occupé son poste à l'école Saint-Loup Castel Joli que pour une courte durée, puisqu'elle a été placée en congé de maladie à compter du 31 mars 2010, soit le lendemain de son changement d'affectation ; que, de nouveau placée en congé pour accident de service du 6 mai 2011 au 13 octobre 2013, elle a repris le travail sur le site de l'école de Saint Tronc la Rose à compter du 14 octobre 2013, conformément à sa fiche de voeux datée du 13 mai 2011 ; qu'enfin, et conformément à cette même fiche établie pour la rentrée 2015-2016, elle a été affectée sur le site Saint-Loup Gabriel Fauré ; que, par ailleurs, et contrairement à ses dires, le changement d'affectation opéré en 2011 ne s'est pas accompagné d'un changement dans l'exercice de ses fonctions, dès lors que les fonctions" d'agent territorial fonction agent des écoles élémentaires " correspondent bien à son grade d'adjoint technique de deuxième classe ; que Mme A... n'établit pas davantage qu'elle aurait fait savoir à son administration, avant cette affectation, que le site de l'école Saint-Loup Castel Joli l'éloignait de la clinique où elle devait se rendre régulièrement pour recevoir des soins d'oxygénothérapie ; que si elle reproche à l'administration d'avoir tardivement reconnu comme étant imputable au service, l'accident dont elle a été victime le 5 mai 2011 à la suite d'une chute provoquée par un élève, soit par un arrêté du 7 février 2014, pour la période allant du 6 mai 2011 au 13 octobre 2013, cette circonstance ne saurait nullement démontrer un quelconque acharnement de ses supérieurs hiérarchiques à son encontre, alors que, par ailleurs, les fiches de notations fournies, qui font état d'évaluations plutôt satisfaisantes, ne montrent aucune animosité de celle-ci à son égard ; que l'ensemble des certificats médicaux produits font par ailleurs état d'une fragilité psychologique de l'intéressée antérieure aux faits allégués, mentionnant notamment des événements traumatisants dans sa vie personnelle passée ; que, dans ces conditions, le harcèlement moral allégué ne pouvant être présumé à partir des éléments du dossier, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité de la commune de Marseille devrait être engagée à raison de ces faits ; que, dès lors, les conclusions indemnitaires présentées sur ce fondement ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions de Mme A... présentées à fin d'annulation du refus implicite d'octroi du bénéfice de la protection fonctionnelle et d'indemnisation de la faute née de ce refus, et présentées à fin d'injonction :
6. Considérant qu'il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence ;
7. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, les faits de harcèlement moral allégués n'étant pas établis par l'intéressée, ses conclusions tendant à l'annulation du refus implicite opposé à sa demande de protection fonctionnelle prévue par l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ainsi que celle tendant à l'indemnisation du préjudice né de ce refus, qui ne présente aucun caractère fautif, ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il en résulte que les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Marseille de lui accorder la protection fonctionnelle et de la réaffecter à l'école de la Sauvagère doivent être également rejetées ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision du 29 mars 2010 portant changement d'affectation d'école :
8. Considérant que le tribunal administratif a rejeté les conclusions susmentionnées présentées par Mme A... au motif que la décision de changement d'affectation contestée constitue une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours pour excès de pouvoir ; que Mme A... ne conteste pas le motif d'irrecevabilité retenu par les premiers juges ; que, par suite, ces conclusions d'appel doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Marseille, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions susmentionnées de la commune de Marseille ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Marseille présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A...et à la commune de Marseille.
Délibéré après l'audience du 21 juin 2016 où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. Renouf, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 12 juillet 2016.
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N° 14MA04479