Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 décembre 2015, M. D... C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 24 novembre 2015 ;
2°) l'arrêté du 20 novembre 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, son conseil renonçant dans cette hypothèse à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridique.
Il soutient que :
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- la réponse du jugement au moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte est entachée de contradiction ;
- l'arrêté n'a pas été signé par M. A..., mais a été signé par une personne ayant imité sa signature ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation de sa situation de santé au regard de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 5ème alinéa de l'article L. 513-2 de ce code ainsi que des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme te des libertés fondamentales, dès lors que premièrement le traitement pour sa pathologie n'est pas disponible dans son pays d'origine et deuxièmement qu'il ne dispose pas d'un accès effectif aux soins y existant ;
S'agissant de la décision de placement en rétention :
- elle est illégale du fait de l'illégalité entachant l'obligation de quitter le territoire français ;
- il bénéficiait de garanties de représentation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 29 février 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Portail en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique.
- le rapport de M. Argoud,
- et les observations de Me B... représentant M. C....
1. Considérant que par des décisions du 20 novembre 2015, le préfet des Bouches-du-Rhône a obligé M. C..., de nationalité tunisienne, à quitter le territoire français sans délai et l'a notamment placé en rétention ; que M. C... relève appel du jugement du 24 novembre 2015, par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif a rejeté sa demande d'annulation de ces deux décisions ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " ;
3. Considérant que le requérant soutient que la réponse apportée par le tribunal administratif au moyen qu'il avait soulevé tiré de ce que le signataire de l'acte attaqué ne serait pas celle de la personne mentionnée par l'attache de signature serait contradictoire ; que toutefois il résulte de la lecture du jugement attaqué que le magistrat désigné a écarté ce moyen au point 2 en indiquant que " si M. C... allègue qu'il est patent que la signature apposée sur la décision attaquée n'est pas celle de M. A..., ce qui ne sera d'ailleurs pas sérieusement contesté en défense, d'une part, le préfet conteste cette assertion et, d'autre part, M. C... ne l'établit pas en produisant différents documents signés par M. A... ; que, dès lors, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une vérification d'écriture sur le fondement de l'article R. 624-1 du code de justice administrative, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté comme manquant en fait ;" ; que cette mention ne recelant pas de contradiction, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
4. Considérant, en premier lieu, que le requérant reprend le moyen qu'il avait invoqué devant le tribunal administratif tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ; que le tribunal administratif a écarté ce moyen ainsi qu'il a été indiqué au point précédent ; que le requérant n'apportant aucun élément de nature à remettre en cause cette appréciation, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption du motif retenu par le premier juge ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 de ce code : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C... a bénéficié d'un titre de séjour temporaire valable du 11 février 2013 au 10 août 2013 en qualité d'étranger malade et que sa demande de renouvellement déposée le 22 novembre 2013 a fait l'objet d'un refus assorti d'une obligation de quitter le territoire français le 2 juin 2014 ; qu'un recours dirigé contre ces décisions a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 octobre 2014 ; que M. C... n'a pas déposé de nouvelle demande de titre de séjour ; que le médecin de l'agence régionale de santé, saisi le 20 novembre 2015 par le préfet des Bouches-du-Rhône et par le médecin du centre de rétention, a indiqué dans un avis du même jour que l'état de santé de M. C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il existait un traitement approprié dans son pays d'origine et qu'il pouvait voyager sans risque vers ce pays ; que M. C... produit un certificat médical du 13 mai 2015 établi à sa demande par le médecin qui le suit à l'hôpital de la Timone selon lequel il n'existe pas de prise en charge dans son pays d'origine et que l'absence de traitement pourrait être responsable de conséquences graves en cas de reprise évolutive de son infection chronique, ainsi que des articles de presse des 27 février et 13 septembre 2013 l'hépatite C n'est pas correctement prise en charge en Tunisie ; que toutefois ces éléments, qui indiquent notamment que le requérant n'est susceptible d'être exposé à des conséquences graves que si sa pathologie évoluait défavorablement, ne remettent pas en cause l'appréciation portée par le médecin de l'ARS ; qu'il n'est donc pas fondé à soutenir que le préfet aurait inexactement apprécié son état de santé au regard des dispositions précitées de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par voie de conséquence, il n'est pas non plus fondé à soutenir qu'il serait exposés à des traitements inhumains et dégradants du fait de son état de santé et que la décision contestée méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de la décision de placement en rétention administrative :
7. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré par la voie de l'exception de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français doit être écartée par voie de conséquence de ce qui vient d'être dit ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; " ; qu'aux termes de l'article L. 551-2 du même code : " La décision de placement est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger et, le cas échéant, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée (...) " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 561-1 du même code : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, par dérogation à l'article L. 551-1, dans les cas suivants :/ 1° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai ou si le délai de départ volontaire qui lui a été accordé est expiré (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 de ce code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 554-1 de ce code : " Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet. " ; qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle entend mettre à exécution une des décisions d'éloignement visées à l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prise à l'égard d'un étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français, d'apprécier, au regard des circonstances propres à l'intéressé, notamment au regard du risque que celui-ci tente de se soustraire à la mesure d'éloignement et aux garanties de représentation effectives dont il dispose, s'il peut le laisser en liberté, l'assigner à résidence, ou le placer en rétention administrative ;
9. Considérant, d'une part, que M. C... séjourne en France sans titre de séjour ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier, que M. C... a manifesté sa volonté de ne pas se soumettre à une obligation d'éloignement et qu'il ne dispose pas d'un logement personnel ; que, dans ces conditions, en estimant M. C... ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes et propres à éviter le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire et en le plaçant en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, le préfet des Bouches-du-Rhône, dont il ressort de la lecture de la décision en litige qu'il a procédé à un examen complet de la situation de M. C..., n'a pas inexactement apprécié la situation de l'intéressé en décidant de la placer en rétention ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le magistrat désigné du tribunal administratif a rejeté sa demande ; que par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 17 juin 2016, où siégeaient :
- M. Portail, président-assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Busidan, premier conseiller,
- M. Argoud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er juillet 2016.
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N° 15MA04751