Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2014, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 5 juin 2014 portant rejet du surplus de ses conclusions ;
2°) d'annuler la décision du 3 avril 2012 portant retrait de la NBI dont il bénéficiait ;
3°) de condamner le centre hospitalier intercommunal du Pays d'Aix à lui verser la somme totale de 91 000 euros en réparation de préjudices consécutifs à la discrimination syndicale qu'il soutient avoir subie depuis 1995 ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal du Pays d'Aix la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a subi un retard dans le déroulement de sa carrière, des conditions de travail différentes de celles données aux autres responsables de service, qui ne peuvent s'expliquer que par une discrimination syndicale ;
- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 3 avril 2012, qui était directement consécutive au changement d'affectation, au seul motif qu'il annulait cette dernière décision pour un motif de légalité externe ;
- la suppression du service intérieur était un motif inexact en fait ;
- en tout état de cause, l'annulation de la décision d'affectation au standard, y compris pour un vice de procédure, doit le replacer dans la situation antérieure, à savoir celle où il avait droit à la NBI du fait des responsabilités exercées ;
- l'annulation de la fusion des établissements hospitaliers d'Aix et Pertuis par le tribunal administratif de Marseille, confirmée par la présente Cour le 20 février 2014, entraîne l'annulation de la décision du 3 avril 2012, fondée sur le motif tiré de cette fusion ;
- la discrimination qu'il a subie du fait de son engagement syndical se manifeste au long de son parcours professionnel et en particulier dans les décisions du 3 et 4 avril 2012, et cette discrimination a affecté son état de santé ;
- l'évaluation du préjudice financier subi, en comparant avec une carrière " normale " et en tenant compte du non versement pendant 13 ans de la NBI attachée aux fonctions de responsable de service, doit être évalué à 86 000 euros ;
- son préjudice moral peut être évalué à 5 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2015, le centre hospitalier intercommunal Aix-Pertuis, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête, et à ce que soit mis à la charge de l'appelant le versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- l'argumentation selon laquelle l'illégalité au fond de la décision d'affectation devrait entraîner l'illégalité de la décision de suppression de la NBI est infondée ;
- M. C... ne pouvait prétendre au maintien de la NBI, dès lors qu'il avait effectivement cessé d'exercer les fonctions qui y donnaient droit ;
- l'opposition manifestée par M. C... au projet de fusion concernait le directeur de l'Agence Régionale de Santé, auteur de la décision de fusion, et non le directeur du centre hospitalier, qui n'avait aucune animosité à l'égard de l'intéressé ;
- le principal et premier motif de l'absence de promotion de M. C... réside dans la circonstance qu'il n'existait pas, au sein des effectifs du centre, de poste d'agent technique d'entretien correspondant au grade souhaité par l'intéressé ;
- il avait obtenu de la Direction départementale des Affaires sanitaires et sociales (DDASS) de Vaucluse l'attribution d'un poste d'agent technique d'entretien pour une nomination au choix, et il a promu M. C... à ce poste, alors que la commission administrative paritaire locale avait donné un avis favorable à la promotion d'un autre agent, bénéficiant d'une ancienneté et d'une notation supérieures à celles de l'intéressé ;
- M. C... a toujours été bien noté ;
- M. C... ne rapporte pas la preuve de ses affirmations selon lesquelles un poste de responsable du service de salubrité aurait été vacant au centre hospitalier, qui est erronée ;
- le concours d'agent de maîtrise publié le 29 août 2012 a été reporté pour des raisons organisationnelles et budgétaires ;
- des entretiens ont été prévus entre l'intéressé et la direction auxquels l'intéressé ne s'est pas rendu pour raison de santé, étant précisé qu'une demande de placement en congé longue maladie a fait l'objet d'un avis défavorable de la part du comité médical ;
- s'il a pu reprendre des fonctions d'encadrement, ce n'est pas sur le poste qui existait précédemment ;
- les moyens matériels n'ont jamais été refusés à M. C... qui ne les a jamais demandés ;
- en outre, le budget de l'établissement ne permet pas de doter tous les chefs de service d'un ordinateur et d'une photocopieuse ;
- en l'absence de comportement discriminatoire et donc de faute commise de ce chef, les préjudices allégués ne sont pas avérés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public relevé d'office, tiré de ce que la décision du 3 avril 2012 devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de mutation de M. C..., dont elle serait une mesure d'application.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le décret n° 91-45 du 14 janvier 1991 portant statuts particuliers des personnels ouvriers, des conducteurs ambulanciers et des personnels d'entretien et de salubrité de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Busidan,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant M. C....
1. Considérant que, par une décision annoncée par courrier du 14 mars 2012 et formalisée le 4 avril 2012, M. C..., agent de maîtrise en fonction au sein du centre hospitalier intercommunal du Pays d'Aix et, par ailleurs, représentant du personnel depuis 1997 au sein d'instances consultatives de l'établissement, a été muté, à compter du 1er avril 2012, du service intérieur du centre hospitalier de Pertuis, dont il assurait la responsabilité, au service du standard du même établissement ; qu'à compter du 1er avril 2012, le directeur du centre hospitalier a supprimé, par décision du 3 avril 2012, le versement à M. C... de la nouvelle bonification indiciaire de 15 points qui lui était attribuée précédemment, " compte tenu de son changement d'affectation du service intérieur au service du standard " ; que, par réclamation préalable reçue le 24 juillet 2012 par le centre hospitalier, M. C... a demandé en vain au centre hospitalier le versement d'une indemnité totale de 91 000 euros en réparation des préjudices consécutifs à la discrimination syndicale qu'il estime avoir subie ; qu'il a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation des décisions précitées des 4 et 3 avril 2012 ainsi que la condamnation de l'administration à lui verser l'indemnité précitée ; que, par jugement du 5 juin 2014, le tribunal administratif de Nîmes, après avoir joint les demandes de M. C..., a annulé la décision du 4 avril 2012 mais rejeté le surplus des conclusions de l'intéressé ; que, dans cette mesure, M. C... relève appel de ce jugement ;
Sur les conclusions en annulation :
2. Considérant qu'en raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé ; qu'il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale ; qu'il incombe au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi de conclusions recevables dirigées contre de telles décisions consécutives, de prononcer leur annulation par voie de conséquence, le cas échéant en relevant d'office un tel moyen qui découle de l'autorité absolue de chose jugée qui s'attache à l'annulation du premier acte ;
3. Considérant, d'une part, que l'annulation de la décision du 4 avril 2012 mutant M. C... au service du standard était revêtue de l'autorité absolue de la chose jugée dès son prononcé par le tribunal administratif de Nîmes ; qu'en outre, elle est désormais définitive, dès lors que ce jugement n'a pas été contesté dans le délai d'appel devant la présente Cour ; que, d'autre part, la décision de supprimer le versement de la NBI servie à M. C... avant son changement d'affectation est une décision qui, comme il a été exposé au point 1 du présent arrêt, a été prise en application de la décision de mutation ; que, dans ces conditions, la décision du 3 avril 2012 doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la mutation de M. C..., qui doit être regardée comme n'étant jamais intervenue ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens soulevés par M. C..., l'appelant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 avril 2012 ; qu'il y a lieu, dans cette mesure, d'annuler ce jugement et la décision du 3 avril 2012 ;
Sur les conclusions indemnitaires :
4. Considérant que, de manière générale, il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction ; que cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes ; que, s'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
5. Considérant que, selon M. C..., la discrimination continue qu'il aurait subie depuis 1995, et qui tiendrait aux activités syndicales exercées au sein du centre hospitalier de Pertuis, se serait manifestée par un retard dans son avancement de carrière, par l'absence de mise à disposition de certains moyens matériels pour l'exercice de ses fonctions de chef de service, et par les décisions précitées des 4 et 3 avril 2012 ;
6. Considérant, en premier lieu, que M. C... a été nommé en qualité d'agent d'entretien spécialisé stagiaire le 1er février 1993, a été titularisé dans ce grade le 1er février 1994, reclassé le 27 février 2006 au grade d'agent d'entretien qualifié, puis promu au choix au grade d'agent de maîtrise le 1er mars 2008 ; qu'alors que l'article 12 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée dispose que " le grade est distinct de l'emploi ", le seul fait que M. C... a occupé les fonctions de chef du service intérieur de l'hôpital dès sa période de stage ne pouvait autoriser le centre hospitalier à s'affranchir des règles fixées pour l'accès aux promotions revendiquées par M. C... ; qu'à cet égard, il ne résulte pas de l'instruction qu'une promotion au grade d'agent d'entretien qualifié ou au grade d'agent technique d'entretien aurait pu intervenir plus tôt, compte tenu notamment des postes vacants dans ces grades à l'effectif de l'hôpital ; qu'il ne résulte pas non plus de l'instruction que d'autres agents placés dans une situation comparable à la sienne auraient bénéficié d'un déroulement de carrière plus favorable, alors que, bien au contraire, sa promotion au grade d'agent de maîtrise est intervenue en dépit d'un avis de la commission administrative paritaire compétente qui avait été favorable à un agent plus ancien et mieux noté que lui ; que les affirmations très générales de M. C..., selon lesquelles " l'évolution de carrière des autres agents en fonction à l'hôpital de Pertuis est beaucoup plus rapide en terme de qualification, d'indice et de salaire ", et qui ne sont corroborées par aucun élément versé au dossier, ne suffisent pas à regarder comme anormale son absence de promotion de grade avant et après 2008 ; que, dans ces conditions, cette cadence de promotion ne constitue pas un élément de fait susceptible de faire présumer une atteinte au principe de l'égalité de traitement des personnes ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que si M. C... déplore n'avoir bénéficié ni d'un ordinateur ni d'une photocopieuse, à la différence de tous les autres responsables de services, il n'établit pas avoir demandé au centre hospitalier de tels moyens matériels pour l'exercice de ses fonctions ; que le centre hospitalier ne peut donc être regardé comme ayant pratiqué de ce chef une discrimination à l'encontre de l'intéressé, alors que le centre hospitalier affirme par ailleurs que le budget de l'établissement ne permet pas de pourvoir chaque chef de service de ces outils ; que, dans ces conditions, le manque de moyens allégué ne peut pas davantage être regardé comme un élément de fait susceptible de faire présumer une atteinte au principe de l'égalité de traitement des personnes ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 7 du décret susvisé du 14 janvier 1991, le grade de M. C... lui donne vocation à exercer des " missions de travaux techniques comportant notamment le contrôle de la bonne exécution des travaux confiés à un groupe d'ouvriers ou à des entreprises ", qui ne correspondent pas à l'emploi au service du standard de l'établissement hospitalier, de nature administrative, auquel il a été affecté par la décision de mutation en litige ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction, et notamment de courriers datés des 13 et 24 avril 2012 échangés entre M. C... et la direction de l'hôpital, que deux agents ont continué d'exercer des fonctions liées à la salubrité qu'ils accomplissaient auparavant au sein du service intérieur dirigé par l'intéressé ; qu'enfin, M. C... est devenu, au retour de son congé maladie en 2013, le chef de l'équipe " hygiène et salubrité " sur le site de Pertuis ;
9. Considérant que si ces éléments de faits sont susceptibles de faire présumer un comportement discriminatoire de la part de l'administration à l'égard de M. C..., le centre hospitalier fait valoir que la mutation proposée à M. C..., à compter du 1er avril 2012, tenait à la réorganisation des services souhaitée par l'agence régionale de la santé dont le directeur général, par arrêté du 28 septembre 2011, avait décidé de fusionner le centre hospitalier du Pays d'Aix et le centre hospitalier de Pertuis en un seul établissement public de santé intercommunal à compter du 1er janvier 2012 ; que M. C... ne verse au dossier aucun élément corroborant son affirmation selon laquelle il aurait été affecté en surnombre au standard au sein duquel il a été muté ; que si, dès les courriers envoyés en avril 2012 à la direction du centre, M. C... réclamait d'être affecté sur un poste de responsable de la salubrité au sein du centre hospitalier d'Aix qu'il prétendait vacant et qui aurait correspondu aux fonctions qu'il avait jusqu'alors exercées, l'administration conteste qu'il ait jamais existé alors une telle vacance, et soutient, sans être démentie, qu'aucun avis de vacance concernant un tel poste n'a d'ailleurs été porté à la connaissance du personnel ; que, dans ces conditions, en admettant même qu'en dépit de la réduction drastique de son effectif l'ancien service intérieur dirigé par M. C... ait subsisté de sa mutation jusqu'au moment où il en a pris à nouveau la direction à la faveur d'un réaménagement de l'encadrement des services en charge de la sécurité et de l'hygiène, il résulte de l'ensemble de ces circonstances que la mutation au standard de M. C... repose sur des éléments objectifs tenant à la vaste réorganisation initiée dans le cadre de la fusion sus-évoquée, et n'a pas été prise pour des motifs entachés de la discrimination syndicale alléguée ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être exposé aux points 4 à 9 du présent arrêt, que le comportement de l'administration envers M. C... depuis 1995 ne peut être regardé comme ayant porté atteinte au principe de l'égalité des personnes ; qu'en l'absence de la faute alléguée par M. C..., tenant à la discrimination syndicale continue dont il aurait fait l'objet, ce dernier n'est pas fondé à rechercher la responsabilité du centre hospitalier intercommunal Aix-Pertuis, ni, par suite, à solliciter une quelconque indemnisation de cet établissement ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'appelant est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes, après avoir annulé la décision procédant à la mutation au standard de M. C..., n'a pas annulé également la décision par laquelle lui a été supprimé le versement de la NBI ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
12. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions que les deux parties présentent sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La décision du 3 avril 2012 supprimant à M. C..., eu égard à son changement de fonctions, le versement de la nouvelle bonification indiciaire dont il bénéficiait, est annulée.
Article 2 : Le jugement du 5 juin 2014 du tribunal administratif de Nîmes est réformé en ce qu'il est contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus de la requête est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier intercommunal Aix-Pertuis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C...et au centre hospitalier intercommunal Aix-Pertuis.
Délibéré après l'audience du 1er juin 2016, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président-assesseur,
- Mme Busidan, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 juin 2016.
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N° 14MA03400