Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 juillet 2015, MmeB..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1403126 du 10 février 2015 du tribunal administratif de Nancy ;
2°) d'annuler la décision contestée devant le tribunal administratif ;
3°) d'enjoindre à l'administration de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer un récépissé pendant l'instruction de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Me C...d'une somme de1 800 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 313-11 7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention des droits de l'enfant ;
- l'obligation de quitter le territoire français viole le principe général de droit de l'union européenne du droit de la défense et de la bonne administration ;
- elle est entachée d'erreur de droit de l'article 6 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation et viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2016, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 mai 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Stefanski, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., de nationalité arménienne a déclarée être entrée irrégulièrement en France le 22 novembre 2011 accompagnée de son fils mineur. Le statut de réfugié lui a été refusé par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée par la Cour nationale du droit d'asile. Un titre de séjour lui a ensuite été refusé par l'arrêté préfectoral contesté du 17 mars 2014.
Sur le refus de titre de séjour :
2. La décision par laquelle le préfet a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme B... n'est pas, contrairement à ce que soutient la requérante, exprimée en termes stéréotypés sans faire état de sa situation personnelle à laquelle le préfet fait des références précises. Ainsi que l'indique elle-même la requérante, elle ne pouvait se prévaloir de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012. Dans ces conditions, il ne peut être reproché au préfet une insuffisance de motivation en droit pour défaut de mention de cette circulaire qui attesterait de l'absence d'examen incomplet de tous les éléments de son dossier. Si le préfet ne mentionne pas le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention des droits de l'enfant, il résulte des termes de la décision contestée, qui mentionne que la requérante a un enfant mineur, que la présence de cet enfant n'a pas été ignorée et a été prise en compte. Ainsi le refus de titre de séjour est suffisamment motivé au regard des dispositions de la loi susvisée du 11 juillet 1979.
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. (...) ".
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Mme B...soutient qu'elle remplit les conditions légales pour se voir attribuer un titre de séjour, qu'elle ne vit pas en état de polygamie, qu'elle est en France depuis trois ans, qu'elle fait des efforts d'intégration en suivant de manière assidue des cours de français et en ayant des activités bénévoles, qu'elle a développé des liens sociaux et amicaux avec des français ainsi qu'avec des membres de sa communauté, que son fils de 16 ans est scolarisé, progresse très bien et a été admis en 2ème année de CAP de cuisine pour l'année 2015-2016, qu'il parle bien français, fait très régulièrement des compétitions d'échec et qu'il vit dans un environnement sécurisé alors qu'il n'a jamais vécu en Arménie.
6. Cependant, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée est entrée en France de façon irrégulière, selon ses déclarations en 2011, âgée de 51 ans et qu'elle a passé l'essentiel de sa vie hors de France. Par ailleurs, Mme B...n'établit pas être dépourvue de liens familiaux dans son pays d'origine. Même si elle a des activités de bénévolat, elle n'a pas de famille en France où elle vit avec son seul fils arrivé en même temps qu'elle. En conséquence, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, Mme B...n'est pas fondée à soutenir qu'en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. Mme B...fait état des mêmes considérations pour faire valoir que la décision contestée méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention des droits de l'enfant. Le refus de titre de séjour n'indiquant pas de pays de destination, le moyen tiré de ce que l'enfant de Mme B...ne pourrait repartir en Arménie où il n'aurait jamais vécu, est inopérant. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que rien ne s'oppose à ce que l'enfant de la requérante quitte la France avec elle et qu'il ne pourrait poursuivre sa scolarité en Arménie.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
8. Si, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant.
9. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. Ainsi, la seule circonstance que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'ait pas, en l'espèce, préalablement à l'édiction de la mesure d'éloignement, de sa propre initiative, expressément informé Mme B...qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, elle serait susceptible d'être contrainte de quitter le territoire français en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité, n'est pas de nature à permettre de regarder la requérante comme ayant été privée de son droit à être entendue.
10. Mme B...soutient qu'en application de l'article L. 511-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le préfet disposait d'un large pouvoir d'appréciation qu'il n'a pas mis en oeuvre. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est estimé lié par la décision portant refus de titre de séjour ou n'aurait pas examiné les conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme B...et de son enfant avant de prendre l'obligation de quitter le territoire français. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 et des objectifs qu'elle poursuit est inopérant.
11. En se bornant à soutenir que le préfet n'a pas vérifié qu'elle était dans un des cas protégés par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui fixe les cas dans lesquels un étranger ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, Mme B...ne précise pas suffisamment son moyen pour permettre à la cour de se prononcer.
12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés auparavant, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention des droits de l'enfant.
Sur la décision fixant le pays de destination :
13. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que cette décision doit être annulée en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français, ne peut être accueilli.
14. L'arrêté contesté mentionne que Mme B...n'a pas établi être exposé à des peines ou traitement dégradants en cas de retour dans le pays dont elle déclare avoir la nationalité, à savoir l'Arménie. Ainsi, la décision fixant le pays de destination comme l'Arménie ou tout autre pays pour lequel Mme B...établirait être légalement admissible, est suffisamment motivée.
15. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales rappelé par l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
16. MmeB..., dont la demande d'admission au statut de réfugié a d'ailleurs été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile, fait valoir qu'elle est née au Haut-Karabagh, qu'il n'est pas établi qu'elle est de nationalité arménienne, qu'elle n'a vécu que quelques semaines en Arménie en 1991 et a passé quelques années en Russie où elle a été menacée et a dû se réfugier en Sibérie, qu'en raison des origines azéries du père de son fils, elle craint pour sa sécurité et celle de son enfant. Toutefois, la requérante ne produit aucun élément probant à l'appui de ses allégations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
17. Il ressort des pièces du dossier que rien ne s'oppose à ce que l'enfant de la requérante quitte la France avec elle et qu'il ne pourrait poursuivre sa scolarité dans un autre pays. Ainsi, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant et n'a pas méconnu les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention des droits de l'enfant.
18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et à fin d'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, en conséquence, qu'être écartées.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 15NC01529