Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 7 mai 2015, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1408993 du 4 mars 2015 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les autres moyens invoqués en première instance par Mme A...ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2015 et des pièces complémentaires enregistrées le 2 juin 2016, MmeA..., représentée par Me Berdugo, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois et à ce que le versement d'une somme de 2 000 euros soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués par le préfet de police n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier,
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 23 juin 2016 :
- le rapport de Mme Amat,
- et les observations de Me Berdugo, avocat de Mme A....
1. Considérant que MmeA..., ressortissante chinoise née le 22 août 1986, entrée en France le 22 septembre 2009 sous couvert d'un visa étudiant et titulaire d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étudiante régulièrement renouvelée jusqu'au 25 septembre 2013, a sollicité, le 18 avril 2014, un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par un arrêté du 9 mai 2014, le préfet de police a opposé un refus à cette demande ; que le préfet de police relève appel du jugement du 4 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté au motif qu'il méconnaissait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, où à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
3. Considérant qu'il est constant que Mme A...est entrée en France le 22 septembre 2009, sous couvert d'un titre de séjour portant la mention " étudiant ", régulièrement renouvelé depuis cette date jusqu'au 25 septembre 2013 et y a obtenu, notamment, un diplôme de niveau " master " ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...vit en concubinage avec M.C..., ressortissant français ; qu'elle démontre la réalité, l'ancienneté et l'intensité de sa communauté de vie avec son concubin depuis la fin de l'année 2010, en produisant notamment de nombreux justificatifs de domicile établissant son adresse personnelle chez son concubin tels que notamment une facture EDF du 30 décembre 2010 qui, si elle mentionne comme lieu de consommation son ancienne adresse à Sceaux, lui est adressée chez M. C...à Issy les Moulineaux, ainsi que ses relevés de compte bancaire pour l'année 2011 mentionnant également l'adresse de son concubin ; que, compte tenu notamment de la durée et de l'effectivité de la relation de concubinage de Mme A... avec un ressortissant français et de son insertion sociale et professionnelle, le préfet de police n'a pu sans porter une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et, par suite, méconnaitre les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales lui refuser la délivrance d'un titre de séjour et l'obliger à quitter la France ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 9 mai 2014 refusant à Mme A...la délivrance d'un titre de séjour, lui a enjoint de délivrer à Mme A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par MmeA... :
5. Considérant que le jugement du tribunal administratif confirmé par le présent arrêt impose au préfet de police de délivrer à Mme A...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il n'y a pas lieu de réitérer cette injonction régulièrement prononcée par le tribunal et à laquelle il appartient au préfet de police ou toute autre autorité compétente, s'il ne l'a déjà fait, de se conformer sans délai ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme A...pour sa défense en appel ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Mme A...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B...A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier , présidente de chambre,
- M. Diémert, président assesseur,
- Mme Amat, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 juillet 2016.
Le rapporteur,
N. AMATLa présidente,
S. PELLISSIER
Le greffier,
A. LOUNIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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15PA01854