Par un jugement n° 1703479/4-1 du 19 juin 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme E...A...-C....
Par un jugement n° 1703480/4-1 du 19 juin 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. G... A...-C....
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête enregistrée le 20 août 2018 sous le n° 18PA02843 et un mémoire complémentaire enregistré le 31 octobre 2018, Mme E... A...-C..., représentée par la société civile professionnelle Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, demande à la Cour :
1°) de joindre les requêtes n°s 18PA02843 et 18PA02844 ;
2°) d'annuler le jugement n° 1703479/4-1 du 19 juin 2018 du tribunal administratif de Paris ;
3°) d'annuler la décision du garde des sceaux, ministre de la justice du 26 décembre 2016 ;
4°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de réexaminer sa requête en changement de nom dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier car dépourvu des mentions permettant de vérifier que la composition de la juridiction était la même lors de l'audience et du délibéré ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il dénature les motifs de la décision du garde des sceaux du 26 décembre 2016 ;
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- elle justifiait d'un intérêt légitime à changer de nom au sens de l'article 61 du code civil ;
- le refus de changement de nom porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 décembre 2018, la garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme E...A...-C... ne sont pas fondés.
II. Par une requête enregistrée le 20 août 2018 sous le n° 18PA02844 et un mémoire complémentaire enregistré le 5 novembre 2018, M. G... A...-C..., représenté par la société civile professionnelle Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, agissant en son nom et au nom de son fils mineurD..., demande à la Cour :
1°) de joindre les requêtes n°s 18PA02843 et 18PA02844 ;
2°) d'annuler le jugement n° 1703480/4-1 du 19 juin 2018 du tribunal administratif de Paris ;
3°) d'annuler la décision du garde des sceaux, ministre de la justice du 26 décembre 2016 ;
4°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de réexaminer sa requête en changement de nom dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier car dépourvu des mentions permettant de vérifier que la composition de la juridiction était la même lors de l'audience et du délibéré ;
- il est insuffisamment motivé ;
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- le garde des sceaux n'a pas procédé à un examen complet des éléments versés au dossier ;
- il justifiait d'un intérêt légitime à changer de nom au sens de l'article 61 du code civil ;
- le refus de changement de nom porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 décembre 2018, la garde des Sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. G... A...-C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le décret n° 94-52 du 20 janvier 1994 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Legeai,
- les conclusions de Mme Nguyên Duy, rapporteur public,
- et les observations de Me Chauvin, avocat des consorts A...-C....
Considérant ce qui suit :
1. Par décision du 8 septembre 2014, le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté la demande présentée par M. G...A...-C..., né en 1954, agissant tant en son nom personnel qu'au nom de ses enfants alors mineurs E...etD..., nés en 1998 et 2003, afin d'être autorisé à substituer à leur nom celui de " A...deC... ". Par requête publiée le 10 mai 2015 au Journal officiel de la République française et courrier du 26 juin 2015, M. G... A...-C... a demandé au garde des sceaux, ministre de la justice, en son nom et celui de ses enfants mineurs, le changement de son nom en " deC... ". Sa fille devenue majeure, E..., a confirmé sa demande par courrier du 23 juin 2016. Par deux décisions du 26 décembre 2016, la garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté ces demandes. Mme E...A...-C... et M. G... A...-C..., en son nom et au nom de son fils mineur, font appel des jugements du 19 juin 2018 par lesquels le tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes d'annulation de ces décisions de refus.
2. Les requêtes de Mme E...A...-C... et de M. G...A...-C... présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.
Sur la régularité des jugements :
3. En premier lieu, le premier alinéa de l'article L. 10 du code de justice administrative dispose : " Les jugements sont publics. Ils mentionnent le nom des juges qui les ont rendus ". Les jugements attaqués, signés, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du même code, par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience, énoncent qu'ils ont été délibérés à l'issue de l'audience du 5 juin 2018 et mentionnent le nom des juges ayant siégé à cette audience, sans qu'aucun élément ne permette de soupçonner que la composition de la formation de jugement aurait été modifiée entre l'audience et le délibéré. Par suite, le moyen tiré du vice de forme allégué doit être écarté.
4. En deuxième lieu, les premiers juges ont suffisamment répondu, aux points 6 à 8 de leurs jugements, tant au moyen tiré de ce que les requérants justifieraient de " circonstances exceptionnelles " pour changer de nom afin d'affirmer leur lien de filiation avec la famille maternelle naturelle présumée de M. B...A...-C..., grand-père de M. G... A...-C..., qu'à celui tiré de l'existence d'un " motif affectif ", tenant à leur attachement à cette famille, qui justifierait ce changement de nom.
5. En troisième lieu, Mme A...-C... soutient que le tribunal a dénaturé la décision du 26 décembre 2016 la concernant, car il l'a citée, dans sa réponse au moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de cette décision, en commettant des erreurs sur les dates qu'elle mentionne. Toutefois une telle erreur, si elle est susceptible d'affecter le bien-fondé du jugement, est sans incidence sur sa régularité.
6. Il résulte de ce qui précède que les consorts A...-C... ne sont pas fondés à soutenir que les jugements attaqués seraient entachés d'irrégularité.
Sur le bien-fondé des jugements :
7. L'article 61 du code civil dispose : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. Le changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré. Le changement de nom est autorisé par décret ". L'article 2 du décret du 20 janvier 1994 relatif à la procédure de changement de nom prévoit que la demande de changement de nom adressée au garde des sceaux, ministre de la justice, expose, " à peine d'irrecevabilité " " les motifs sur lesquels elle se fonde " et l'article 6 du même décret dispose : " Le refus de changement est motivé (...) ".
8. En premier lieu, les deux décisions contestées citent l'article 61 du code civil, puis énoncent que la demande de changement de nom était fondée sur l'usage du nom " deC... " et que l'usage d'un nom ne peut être considéré comme un intérêt légitime que s'il est " constant, ininterrompu et s'est étendu sur une durée suffisamment longue ", selon la décision concernant E...A...-C..., ou remplit des " conditions de constance et d'ancienneté " selon la décision concernant G...et D...A...-C.... Les deux décisions énoncent ensuite qu'en l'espèce les pièces correspondant au nom de " deC... " produites, couvrant diverses années qu'elles listent, sont insuffisantes pour démontrer un usage répondant à ces exigences. Ces décisions sont suffisamment motivées en droit comme en fait au regard des motifs exposés dans la demande, alors même qu'elles ne précisent pas en quoi les pièces produites ne sont pas suffisantes. Si le garde des sceaux et le tribunal administratif de Paris avaient précédemment noté, à l'occasion de l'examen de la légalité de la décision du 8 septembre 2014 rejetant la demande tendant à l'attribution du nom " A...deC... ", que la plupart des pièces produites pour en revendiquer l'usage ne faisaient apparaitre que le nom " deC... ", un tel constat est en tout état de cause sans influence sur le caractère suffisant de ces mêmes pièces pour établir l'usage du nom " deC... " et n'obligeait donc le garde des sceaux, ministre de la justice, à aucune motivation particulière de sa décision, qui ne contredit en rien la précédente.
9. En deuxième lieu, il ne ressort ni de la motivation de la décision litigieuse concernant M. G...A...-C... ni des autres pièces du dossier que, comme le soutient celui-ci, le garde des sceaux n'aurait examiné que certaines des pièces versées à l'appui de sa demande.
10. En troisième lieu, il ressort des pièces des dossiers que le grand-père de M. G... A...-C..., né B...A...en 1902 de parents non désignés dans son acte de naissance, a en 1949 demandé en vain à adjoindre à son nom celui de Romanov que portait la grande duchesse F...H..., E...Mikhailovna Romanov, qui l'avait élevé à Nice comme son fils jusqu'à son décès en 1922. Par décret du 14 avril 1958, M. B...A...a été autorisé à ajouter à son nom celui de " C... ", par lequel il était désigné notamment par les descendants et collatéraux de cette grande duchesse. Par décret du 8 mai 1974, Mme E...A..., sa fille, et M. G...A..., son petit-fils alors âgé de 20 ans, requérant dans la présente instance, ont été autorisés à prendre le même nom de " A...-C... ". Pour demander à nouveau un changement de nom, M. G...A...-C... et ses enfants allèguent l'usage constant qu'eux-mêmes et leurs aïeux auraient fait du nom " de C...". Toutefois, si les requérants produisent, sur quatre générations et de 1948 à 2017, environ deux cents pièces, il s'agit pour l'essentiel de pièces relatives à leur vie familiale et mondaine, enveloppes ou correspondances privées, faire-part d'événements familiaux, annuaires mondains, factures, invitations à des manifestations mondaines, billets de transport ou cartes de réduction de la SNCF qui peuvent être obtenus sur simple déclaration, inscription pour les enfants à certaines activités. M. G... A...-C..., qui a fait établir ses cartes de visite de directeur des relations extérieures de la société " France galop " et d'autres cartes de visite professionnelles au nom de " deC... ", justifie également être désigné sous ce nom lors de réunions de travail nationales ou internationales ou d'évènements hippiques. Toutefois, tant par leur nombre que par leur nature, ces pièces, qui ne permettent notamment pas de conclure à un usage habituel du nom " deC... " dans la vie courante, notamment dans le domaine scolaire pour les jeunes E...et D...ou dans les relations avec les administrations, sont insuffisantes pour établir un usage du nom " deC... " constituant, au sens de l'article 61 du code civil, un intérêt légitime à changer de nom.
11. En quatrième lieu, les consorts A...-C... soutiennent devant le juge qu'ils justifiaient de " circonstances exceptionnelles " à prendre le nom de " F...C... " afin d'établir de " façon simple et lisible " un lien de filiation naturelle avec la grande duchesse F...H..., dont ils allèguent sans l'établir qu'elle faisait usage de ce nom lors de ses séjours en France. Ils font de plus valoir que M. G...A...-C... n'ayant, pas plus que son grand-père, de filiation paternelle établie, l'affection qui les lie à la famille de leurs mères est particulièrement forte. Toutefois, et alors même qu'ils ne peuvent se prévaloir d'aucun lien de filiation naturelle légalement établi, ce à quoi un changement de nom ne saurait se substituer, l'attribution du nom de " A...-C... " à M. B... A...en 1958 lui a déjà permis de s'inscrire, comme ses descendants, dans cette histoire familiale particulière. Les moyens tirés d'un motif affectif et de circonstances exceptionnelles, qui n'avaient au surplus pas été explicitement invoqués dans la demande, doivent être écartés.
12. Enfin, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
13. M. G...A...-C... et ses enfants ne démontrent nullement que le nom " deC... " serait, comme ils l'allèguent, le " patronyme exact de leurs ancêtres allemands et russes " et du reste de la famille à laquelle ils disent appartenir. S'ils ont, comme dit au point 8, choisi de se faire désigner par ce nom, de préférence au nom " A...-C... " que M. G...A...a été autorisé à porter en 1974, la garde des sceaux, ministre de la justice, n'a pas en refusant d'autoriser le changement de nom porté au droit au respect de la vie privée et familiale des requérants garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte excessive au regard de l'intérêt public qui s'attache au respect des principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi.
14. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes. Leurs requêtes d'appel doivent être rejetées, y compris les conclusions à fins d'injonction et d'astreinte, et celles tendant à ce que l'Etat, qui n'est pas partie perdante, prenne en charge leur frais de procédure sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de Mme E...A...-C... et de M. G...A...-C... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...A...-C..., à M. G... A...-C... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 13 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Legeai, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 janvier 2019.
Le rapporteur,
A. LEGEAI La présidente,
S. PELLISSIER Le greffier,
A. LOUNIS
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°s 18PA02843-18PA02844