Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 février et 27 novembre 2018, M. B..., représenté par Me D...A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1619868/2-1 du 12 décembre 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration ne pouvait régulièrement engager un examen contradictoire de sa situation fiscale dès lors que la règle du double n'était pas respectée ; en effet, c'est à tort qu'a été prise en compte, pour caractériser cette règle, une somme de 300 000 euros qui correspondait à l'appréhension de fonds d'une SCI dont il est associé et à laquelle il avait fait des avances qui lui ont ainsi été remboursées, cette somme résultant de la cession d'un bien ;
- dès lors qu'à l'issue du contrôle dont il a fait l'objet au titre des années 2014 et 2015 le vérificateur a admis les déficits fonciers reconstitués à partir de 2010, il y a lieu d'admettre qu'il était également titulaire de déficits fonciers en 2010 et 2011 et que les sommes de 14 646 euros
et 32 130 euros ont été imposées à tort au titre respectivement de 2010 et 2011 comme revenus fonciers ;
- les crédits bancaires imposés par l'administration correspondent à des revenus non imposables.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance et au rejet du surplus de la requête.
Il soutient que :
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 13 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au
28 novembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Appèche,
- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M.B..., l'administration a procédé à la taxation d'office de celui-ci à l'impôt sur le revenu au titre des années 2010 et 2011 au motif qu'il n'avait pas déposé ses déclarations de revenus des années en cause malgré l'envoi de mises en demeure. Pour déterminer le montant de ses revenus imposables, elle a examiné les crédits de ses comptes bancaires et a imposé diverses sommes dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, dans celle des revenus de capitaux mobiliers et dans la catégorie des revenus fonciers. M. B..., après avoir en vain demandé au Tribunal administratif de Paris de le décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux ainsi que des pénalités et intérêts de retard y afférents auxquelles il a été assujetti en conséquence au titre des années 2010 et 2011, relève appel du jugement n° 1619868/2-1 du 12 décembre 2017 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.
Sur l'étendue du litige :
2. Par décision du 11 juillet 2018, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris a prononcé un dégrèvement des impositions litigieuses, au titre de l'année 2010, à concurrence de 3 285 euros en droits et 1 683 euros en pénalités. Les conclusions de la requête de M. B... relatives à cette imposition sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Contrairement à ce que soutient M.B..., l'engagement par l'administration d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle d'un contribuable n'est pas subordonné à la condition que l'administration réunisse au préalable des éléments permettant d'établir que celui-ci peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés. Par suite, le moyen tiré de ce que, faute de respecter la règle dite du double, l'administration ne pouvait procéder à un tel examen, ne peut qu'être écarté ;
4. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable en l'espèce : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications au sujet de sa situation et de ses charges de famille, des charges retranchées du revenu net global ou ouvrant droit à une réduction d'impôt sur le revenu en application des articles 156 et 199 septies du code général des impôts, ainsi que des avoirs ou revenus d'avoirs à l'étranger / (...) Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés (...) ". Aux termes de l'article L. 69 du même livre : " (...) sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ". Il résulte de ces dispositions que l'administration peut demander au contribuable des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que celui-ci peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés et le taxer d'office à l'impôt sur le revenu s'il s'est abstenu de répondre à cette demande ou s'il ne produit pas de justifications suffisantes.
5. Si M. B...a entendu soutenir que l'administration aurait irrégulièrement mis en oeuvre la procédure de taxation d'office, en se fondant sur les dispositions rappelées ci-dessus, ce moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant dès lors qu'il résulte de l'instruction que la taxation d'office ayant conduit aux rectifications litigieuses est intervenue non pas en application de ces dispositions mais de celles de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, M. B...s'étant abstenu de souscrire des déclarations de revenus au titre des années 2010 et 2011 en dépit de mises en demeure en date du 17 janvier 2013 réceptionnées par lui le 26 janvier suivant.
Sur le bien-fondé des impositions restant en litige :
6. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : 1° à l'impôt sur le revenu, les contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai légal la déclaration d'ensemble de leurs revenus (...) ". Aux termes de l'article L. 193 du même code : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ". Les impositions en litige ayant été établies selon la procédure de taxation d'office, M. B...supporte la charge de la preuve de l'exagération de ses bases d'imposition.
En ce qui concerne les revenus fonciers :
7. En se bornant à se prévaloir de ce que le contrôle dont il a fait l'objet au titre des années 2014 et 2015, n'a pas donné lieu à des rectifications dans la catégorie des revenus fonciers, M. B..., qui supporte la charge de la preuve, ne démontre pas l'existence des déficits fonciers dont il fait état dans des déclarations souscrites tardivement au titre des années 2010 et 2011. Le courrier que lui a adressé l'administration, dans le cadre du contrôle opéré au titre des années 2014 et 2015, ne saurait valoir prise de position formelle de celle-ci sur le montant des revenus fonciers perçus et des déficits fonciers imputables au titre des années 2010 et 2011.
En ce qui concerne les crédits bancaires taxés par l'administration comme revenus d'origine indéterminée :
8. En premier lieu, concernant un crédit porté sur son compte bancaire en 2010 pour un montant de 300 000 euros à la suite de l'encaissement d'un chèque provenant de la société civile immobilière (SCI) ECHO, M. B... soutient que cette somme correspond au produit de la vente d'un bien immobilier appartenant à cette SCI et lui a été versée en remboursement de son compte courant dans cette société relevant de l'article 8 du code général des impôts et dans laquelle il est associé. Toutefois, sa qualité d'associé de la SCI ne peut suffire à justifier le versement d'une partie du prix de vente d'un bien appartenant à cette société sur un compte bancaire personnel du requérant, alors qu'au demeurant aucune concordance ne peut être établie entre le produit de cette vente et le montant du chèque en cause. Si M. B...soutient, d'autre part, que la somme litigieuse constituait un remboursement du compte courant détenu par lui dans la comptabilité de cette société, il ne produit pas les écritures comptables de la SCI ni aucun document suffisamment probant démontrant l'existence dudit compte courant, du solde créditeur de celui-ci et du remboursement qu'il invoque. La seule attestation en date du 16 avril 2015 d'un chargé de mission d'une société d'expertise comptable ne permet pas d'établir le remboursement de compte courant invoqué, à défaut de tout autre élément émanant de la société. Par suite, M. B...n'établit pas que cette somme ne constitue pas un revenu imposable.
9. En deuxième lieu, M. B...soutient que le crédit porté sur son compte bancaire en 2010 pour un montant de 2 111,60 euros correspond au remboursement, par un locataire, de travaux effectués suite à un dégât des eaux. Cependant, il ne produit à l'appui de cette allégation qu'un état de frais non daté et non signé, faisant état d'une somme de 2 264,70 euros ne correspondant pas au crédit en cause.
10. En troisième lieu, concernant les crédits portés sur son compte bancaire en 2010 pour des montants de 6 000 et 22 000 euros, M. B...soutient qu'ils proviennent de la SCI Loire et Bascule dont il est associé et se prévaut de ce que cette société, régie par les dispositions de l'article 8 du code général des impôts, n'était pas tenue de déposer des comptes sociaux. Toutefois, la circonstance que cette SCI aurait été soumise à des obligations minimales en matière de tenue de comptabilité ne saurait dispenser le requérant de démontrer la provenance et le caractère non imposable des sommes en cause. Si M. B...produit un relevé du compte bancaire de la SCI faisant apparaître un débit correspondant à un chèque de 6 000 euros, un bordereau de remise de chèque et un relevé de son propre compte bancaire faisant apparaître un crédit correspondant à l'encaissement d'un chèque de même montant, ces document ne suffisent à établir la nature du versement opéré et le caractère non imposable de la somme portée sur son compte. De même le relevé du compte bancaire de M. B...produit devant le tribunal administratif faisant apparaître au crédit un virement de 22 000 euros assorti de la mention " Vir internet remboursement " ne suffit pas à démontrer que cette somme provient de la SCI Loire et Bascule et constituerait effectivement un remboursement.
11. En quatrième lieu, si M. B...soutient que les crédits portés sur son compte bancaire pour des montants de 4 000 euros en 2010 et de 500 euros et 10 000 euros en 2011 correspondent à des remboursements de prêts consentis par lui à une Mme B. il n'en justifie pas par les pièces produites par lui devant le tribunal administratif et en appel. En effet, le document sous seing privé, versé au dossier, qui est dépourvu de date certaine, ne saurait démontrer, à lui seul, la réalité d'un prêt consenti par le requérant, d'autant que ce document mentionne un prêt de Mme. B. à M. B... et non l'inverse, d'un montant global de 36 000 euros, et ayant donné lieu à plusieurs versements en 2010 et 2011, sans en préciser les dates et les montants. Il en va de même pour les crédits portés sur son compte bancaire pour des montants de 26 000 euros en 2010 et de 1 556 euros et 7 000 euros en 2011, dont il allègue qu'ils correspondent à des remboursements de prêts, mais ne l'établit pas en se bornant à produire une reconnaissance de dette dépourvue de date certaine et deux courriers pour le premier prétendu remboursement, un relevé de compte pour le deuxième, et deux courriers faisant état de difficultés de recouvrement pour le troisième.
12. En cinquième lieu, M. B...en produisant un bordereau bancaire non daté ne démontre pas que le crédit porté sur son compte bancaire en 2010 pour un montant de 135 euros correspond au remboursement de frais professionnels qu'il invoque. Il ne justifie pas davantage par le document qu'il produit, qui fait au demeurant état d'un versement de dividendes, du caractère non imposable de la somme de 423,58 euros correspondant selon lui à un versement effectué dans le cadre du plan de redressement de la société GL Distribution.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a refusé de lui accorder la décharge des impositions restant en litige. Les conclusions de sa requête tendant à l'annulation du jugement et à la décharge des impositions maintenues à sa charge doivent, par suite, être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, les conclusions de M. B...présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. B...à hauteur du dégrèvement accordé en cours d'instance.
Article 2 : Le surplus de la requête de M. B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- Mme Jimenez, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 janvier 2019.
Le rapporteur,
S. APPECHELe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA00576