Procédure devant la Cour :
Par une lettre et des mémoires enregistrés les 21 février 2017, 30 octobre 2018 et
20 novembre 2018, M.E..., représenté par la SCP Lyon-Caen Thiriez, a saisi la Cour, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, d'une demande tendant à obtenir l'exécution du jugement n° 1504933/5-2 du 29 septembre 2016 du Tribunal administratif de Paris. Il demande à la Cour :
1°) à titre principal, d'enjoindre à la Banque de France d'une part, de requalifier son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter
du 15 décembre 2009, sinon au plus tard au 9 décembre 2011, d'autre part, de le réintégrer à compter du 14 décembre 2014 sur le même emploi ou, à tout le moins, sur un emploi identique ou équivalent et enfin, de reconstituer sa carrière et ses droits sociaux à compter du 14 décembre 2014 jusqu'à sa réintégration juridique et ce, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
2°) à titre subsidiaire :
- d'enjoindre avant dire droit à la Banque de France de communiquer toutes décisions ou dispositions applicables à son personnel relatives à la rupture du contrat de travail ;
- de condamner la Banque de France à lui verser une somme de 7 798,78 euros à titre d'indemnité de requalification, la somme de 15 297,56 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, la somme de 1 559,76 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents au préavis, la somme de 8 058,74 euros à titre d'indemnité légale de licenciement, la somme
de 68 515 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 46 792,68 euros en réparation de l'atteinte à sa réputation professionnelle et à son image et la somme de 795 475 euros en réparation de la perte de chance de conserver son emploi.
3°) en toute hypothèse, de mettre à la charge de la Banque de France une somme de
5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- à titre principal, l'annulation de la décision implicite de rejet de la demande de requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée impliquait sa réintégration dans les effectifs de la Banque de France ;
- à titre subsidiaire, si la Cour estimait que le jugement n° 1504933/5-2 du
29 septembre 2016 du Tribunal administratif de Paris n'impliquait pas sa réintégration, la rupture du contrat de travail doit être regardée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sorte qu'il est fondé à solliciter diverses indemnités en réparation de cette éviction illégale.
Par une ordonnance du 20 septembre 2018, le président de la Cour a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vue d'obtenir l'exécution du jugement n° 1504933/5-2
du 29 septembre 2016.
Par des mémoires en défense enregistrés les 12 octobre et 19 novembre 2018, la Banque de France, représentée par la SCP C...-Trichet, conclut au rejet de la requête et demande qu'il soit mis à la charge de M. E...la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les conclusions indemnitaires présentées par M. E...sont irrecevables en l'absence de chiffrage et de réclamation préalable ;
- elle a parfaitement exécuté le jugement n° 1504933/5-2 du 29 septembre 2016 du Tribunal administratif de Paris, lequel n'impliquait ni la réintégration de M.E..., ni le versement à son profit de diverses indemnités.
Par ordonnance du 20 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au
5 décembre 2018.
En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées de ce que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que les conclusions indemnitaires présentées par M. E...sont irrecevables dès lors qu'elles soulèvent un litige distinct de celui faisant l'objet de sa requête.
Un mémoire en réponse au moyen d'ordre public, enregistré le 29 novembre 2018, a été présenté pour M.E....
Un mémoire en réponse au moyen d'ordre public, enregistré le 3 décembre 2018, a été présenté pour la Banque de France.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code monétaire et financier,
- le code du travail,
- le statut du personnel de la Banque de France,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jimenez,
- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,
- et les observations de Me D...A..., représentant M.E..., et de
MeC..., représentant la Banque de France.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution./ Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel./ Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. / Le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut renvoyer la demande d'exécution au Conseil d'Etat. ".
2. M. E...a été recruté le 15 décembre 2009 par contrat à durée déterminée par la Banque de France en qualité de chargé de mission sur un poste de gestionnaire de portefeuille senior. Par avenant du 14 décembre 2011, ce contrat a été prorogé jusqu'au
14 décembre 2014 inclus. Par lettre du 11 décembre 2014, M. E...a sollicité la requalification de ce contrat de travail en contrat à durée indéterminée. Il a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision par laquelle la Banque de France a implicitement refusé de requalifier son contrat de travail en contrat à durée indéterminée. Par un jugement
n° 1504933/5-2 du 29 septembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision implicite et mis à la charge de la Banque de France la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le 21 février 2017, M. E...a saisi la Cour, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, d'une demande tendant à obtenir l'exécution de ce jugement. Par un arrêt n° 16PA03501 du 4 octobre 2017, la Cour a rejeté l'appel interjeté par la Banque de France contre ce jugement. Par une ordonnance du 20 septembre 2018, le président de la Cour a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vue d'obtenir l'exécution du jugement
n° 1504933/5-2 du 29 septembre 2016.
3. Il ressort des motifs du jugement du 29 septembre 2016 que le Tribunal administratif de Paris a jugé que le poste occupé par M. E...correspondait à un poste permanent, que la Banque de France avait méconnu les dispositions de l'article 114 du statut du personnel en procédant au renouvellement du contrat à durée déterminée de l'intéressé et que c'est à bon droit que celui-ci avait demandé la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée. En conséquence, le tribunal a annulé la décision par laquelle la Banque de France a implicitement refusé de faire droit à cette demande.
4. M. E...soutient que l'exécution de ce jugement implique d'enjoindre à la Banque de France, d'une part, de requalifier son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 15 décembre 2009, sinon au plus tard au 9 décembre 2011, d'autre part, de le réintégrer à compter du 14 décembre 2014 sur le même emploi ou, à tout le moins, sur un emploi identique ou équivalent, et enfin, de reconstituer sa carrière et ses droits sociaux à compter du 14 décembre 2014 jusqu'à sa réintégration juridique. Il demande à la Cour de prescrire ces mesures sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
5. Dès lors que M. E...devait être regardé comme titulaire d'un contrat à durée indéterminée, la rupture des relations contractuelles à l'initiative de son employeur s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, dont les conséquences sont encadrées par les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail. A cet égard, il résulte de l'instruction que la Banque de France, à la suite de l'intervention du jugement du
29 septembre 2016 dont l'exécution est demandée et de l'arrêt de la Cour du 4 octobre 2017 le confirmant, a reconnu que M. E...était titulaire d'un tel contrat à durée à durée indéterminée et qu'il avait été, par suite, licencié sans cause réelle et sérieuse. Dès lors, les conclusions tendant à ce qu'il lui soit enjoint sous astreinte de procéder à la requalification du contrat de travail de M. E...ne peuvent qu'être rejetées.
6. Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail : " Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. / Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9. ". Il résulte de ces dispositions que le salarié et l'employeur ont la possibilité de refuser la réintégration. Or, d'une part, M. E... n'a pas demandé sa réintégration dans les effectifs de la Banque de France au tribunal administratif et ce dernier, par conséquent, n'a pas enjoint une telle mesure, d'autre part, il résulte de l'instruction que la Banque de France refuse la réintégration de l'intéressé. Dans ces conditions, à la date du présent arrêt, la Cour ne peut que constater que le jugement n° 1504933/5-2 du 29 septembre 2016 du Tribunal administratif de Paris n'implique pas que soit ordonnée la réintégration de l'intéressé, sans qu'il soit besoin d'ordonner à la Banque de France, avant dire droit, la communication de toutes décisions ou dispositions applicables à son personnel relatives à la rupture du contrat de travail. Par voie de conséquence, les conclusions de M. E... tendant à ce que soit ordonnée sa réintégration et la reconstitution de sa carrière ne peuvent qu'être rejetées.
7. M. E... soutient, à titre subsidiaire, que l'exécution du jugement en cause impliquait le versement, à son profit, de diverses indemnités dues en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que l'octroi d'une indemnité destinée à réparer le préjudice qu'il a subi. Toutefois, l'intéressé n'avait pas présenté de conclusions indemnitaires devant le tribunal administratif de sorte que la Banque de France n'a pas été condamnée à lui verser une quelconque indemnité. M. E... a d'ailleurs saisi le Tribunal administratif de Paris d'une requête enregistrée sous le n° 1703123, actuellement en cours d'instruction, tendant notamment à la condamnation de la Banque de France à lui verser diverses indemnités. Les conclusions indemnitaires présentées par M. E... devant la Cour dans le cadre de la présente requête en exécution relèvent ainsi d'un litige distinct et doivent, par suite, être rejetées comme irrecevables. Au surplus, ainsi que le fait valoir la Banque de France, ces demandes indemnitaires, notamment en ce qu'elles tendent à la réparation du préjudice subi, n'ont pas été précédées d'une réclamation préalable.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. E... tendant à obtenir l'exécution du jugement n° 1504933/5-2 du 29 septembre 2016 du Tribunal administratif de Paris ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... une somme au titre des frais exposés par la Banque de France et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la Banque de France sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E...et à la Banque de France.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- Mme Jimenez, premier conseiller.
Lu en audience publique le 23 janvier 2019.
Le rapporteur,
J. JIMENEZLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 18PA03158