Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 10 et 12 novembre 2014, Mme C...A..., représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1401880/6-2 du 20 mai 2014 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2013 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait injonction de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 20 euros par jour de retard, ou, à défaut, d'enjoindre au préfet de police de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 20 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme A...soutient que :
- le jugement de première instance est irrégulier en ce qu'il n'est pas suffisamment motivé ;
- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour en ce qu'elle justifiait pouvoir bénéficier d'un titre de séjour ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa demande ;
- l'arrêté n'est pas suffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas examiné sa situation au regard de la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- le préfet a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;
- la décision méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celles de l'article 2-2° et 3-1° de la convention internationale des droits de l'enfant en ce qu'il existe un risque d'excision pour sa fille en cas de retour en Côte d'Ivoire.
Par un mémoire enregistré le 2 juin 2016, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 7 juin 2016, Mme A...persiste dans ses précédentes écritures.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2014/031264 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 25 septembre 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Julliard a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeA..., ressortissante ivoirienne née le 21 octobre 1981 et entrée sur le territoire français le 1er janvier 2007 selon ses déclarations, a fait l'objet, le 1er décembre 2011, d'une décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour ; que cette décision préfectorale a été annulée par jugement du Tribunal administratif de Paris du 5 mars 2013 ; qu'en exécution de ce jugement, l'intéressée a été mise en possession d'une autorisation provisoire de séjour, conformément à l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que sa situation administrative a été réexaminée sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par une décision du 4 octobre 2013, le préfet de police a opposé un refus à sa demande et l'a assorti d'une obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de destination ; que, par un jugement en date du 20 mai 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme A...tendant à l'annulation dudit arrêté ; que Mme A...relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ;
3. Considérant que Mme A...soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé ; qu'il résulte, toutefois, de l'examen dudit jugement, qu'il vise les textes dont il fait application et répond de manière circonstanciée à chacun des moyens développés par la requérante, en estimant, notamment, qu'elle ne justifie pas de l'atteinte portée à sa vie privée et familiale ni des menaces à l'encontre de sa fille en cas de retour en Côte d'Ivoire ; que, par suite, les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement ;
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
4. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué, qui vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il fait mention de ce que Mme A...n'atteste pas de l'intensité d'une vie privée et familiale, qu'elle est célibataire et que le fait d'être mère de deux enfants ivoiriens ne lui confère aucun droit au séjour au regard de la législation en vigueur ; qu'ainsi, il comporte l'ensemble des considérations de fait et de droit sur lesquelles il s'appuie ; que, par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de MmeA... ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;
6. Considérant, en troisième lieu, que la circulaire en date du 28 novembre 2012 a été adressée aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation des étrangers en situation irrégulière ; que, par suite, Mme A...ne saurait utilement soutenir que le défaut de référence à ladite circulaire qui n'a, en outre, pas de caractère règlementaire, révèlerait un défaut d'examen de sa situation personnelle de la part du préfet de police ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;
8. Considérant que Mme A...fait valoir qu'elle est mère de deux enfants nés en 2010 et 2013 en France où elle soutient résider depuis 2007 ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'elle est célibataire, que son père, sa mère, ses deux frères et ses deux soeurs résident en Côte d'Ivoire où elle a elle-même vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans ; que le préfet soutient sans être contredit que deux autres de ses enfants résident en Côte d'Ivoire ; que, dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de Mme A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris ; qu'il ne méconnaît, par suite, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article
L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M.A... ;
9. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 de ce code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer (...) une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12 ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) " ; que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non du cas de tous les étrangers qui se prévalent du bénéfice de ces dispositions ;
10. Considérant que MmeA..., qui ne justifie pas résider en France depuis 2007 et ne peut prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande ;
11. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
12. Considérant que Mme A... soutient qu'elle a fait l'objet d'une excision et que sa fille Namizara, née le 26 mars 2013, se fera exciser en cas de retour en Côte d'Ivoire ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté la demande d'asile déposée au nom de sa fille par une décision du 29 avril 2011 dans laquelle il est rapporté qu'elle a précisé que ni ses deux filles aînées nées et résidant en Côte d'Ivoire, ni ses nièces n'ont subi de mutilations sexuelles, la pratique de l'excision ayant cessé dans sa famille ; que Mme A...n'a pas contesté cette décision devant la Cour nationale du droit d'asile comme elle en avait la possibilité ; que, devant la Cour, Mme A... n'apporte pas d'éléments supplémentaires permettant d'établir ses allégations ; que, dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
13. Considérant, en septième lieu, qu'aux termes de l'article 2-2 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Les Etats parties prennent toutes mesures appropriées pour que l'enfant soit effectivement protégé contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par la situation juridique, les activités, les opinions déclarées ou les convictions de ses parents, de ses représentants légaux ou des membres de sa famille " ; que ces stipulations, qui créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés, ne peuvent utilement être invoquées par MmeA... ;
14. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la même convention : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants, notamment en le protégeant de toutes formes de discrimination, dans toutes les décisions le concernant ;
15. Considérant que si Mme A...soutient qu'elle a subi une excision et qu'elle veut éviter ce risque de mutilation et ses graves conséquences à sa fille, ainsi qu'il a été dit au point 12, elle n'apporte aucun élément circonstancié permettant d'établir la réalité du risque allégué ; que le préfet de police n'a ainsi pas méconnu l'intérêt primordial de l'enfant de MmeA... ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 16 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Polizzi, président assesseur,
- Mme Julliard, première conseillère,
Lu en audience publique, le 30 juin 2016.
La rapporteure,
M. JULLIARDLe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
N. ADOUANE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 14PA04547