Procédure contentieuse devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 décembre 2015, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1504852/5-2 du 1er octobre 2015 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris ;
Il soutient que :
- les premiers juges n'ont pas visé l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- ils ont estimé à tort, par le jugement attaqué, que l'ensemble de la situation de M. B... justifiait l'annulation de son arrêté pour méconnaissance de l'article L 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où la présence en France de M. B...représente à la date de l'arrêté attaqué une menace à l'ordre public.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2016, M.B..., représenté par Me Stambouli, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que le moyen du préfet n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation du jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme d'Argenlieu,
- et les observations de Me Stambouli, avocat de M.B....
1. Considérant que M.B..., de nationalité marocaine, né le 30 juillet 1973 et entré en France en juillet 1984, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en application des dispositions énoncées par l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet de police, qui a, par un arrêté du 4 février 2015, refusé de faire droit à cette demande, relève appel du jugement n° 1504852/5-2 du 1er octobre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que l'article R. 741-2 du code de justice administrative dispose : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...). Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application " ;
3. Considérant que la circonstance que les premiers juges ont fondé leur jugement sur les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'ils ont pris soin de viser, sans mentionner l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué au regard des dispositions précitées de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...)7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;
6. Considérant qu'il appartient à l'autorité administrative de délivrer, lorsqu'elle est saisie d'une demande en ce sens, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui remplit les conditions prévues par les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d asile ; qu'elle ne peut opposer un refus à une telle demande que pour un motif d'ordre public suffisamment grave pour que ce refus ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du demandeur ; qu'elle peut prendre en compte, sur un tel fondement, le fait qu'un demandeur a été impliqué dans des crimes graves contre les personnes et que sa présence régulière sur le territoire national, eu égard aux principes qu'elle mettrait en cause et à son retentissement, serait de nature à porter atteinte à l'ordre public ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...a fait l'objet de quatre condamnations pénales, notamment pour des faits de vol et d'escroquerie ; qu'il a ainsi été condamné le 18 février 1999 par la Cour d'assises des Hauts-de-Seine à neuf années d'emprisonnement pour avoir commis des faits de vols avec arme et arrestation, séquestration ou détention arbitraire ; qu'il a été condamné, en avril 2006, à deux mois d'emprisonnement pour conduite sans permis et refus d'obtempérer à une sommation de s'arrêter ; qu'il a été condamné, le 23 mai 2012, à quatre mois de prison pour vol dans un local d'habitation ; qu'enfin, il a été condamné, le 26 mars 2013, par le tribunal correctionnel de Nanterre, à deux ans d'emprisonnement, dont un an avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pendant deux ans, pour des faits d'escroquerie commis notamment sur une personne vulnérable, remontant aux années 2007 et 2008 ; qu'il a toutefois été placé en régime de semi liberté dès le 6 janvier 2014 afin d'être en mesure de travailler auprès de la société Prim Bat ; que si la gravité de ces faits, ainsi que leur répétition ne saurait être mise en doute, il apparaît toutefois que M. B...est entré en France en 1984, à l'âge de 11 ans et y demeure depuis prés de trente années, auprès de sa mère, titulaire d'une carte de résident et de sa soeur de nationalité française ; qu'il a lui-même été titulaire d'une carte de résident, dès sa majorité, qui a été régulièrement renouvelée jusqu'en 2011 ; qu'il a effectué sa scolarité en France et y a obtenu, en dernier lieu, un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) en carrosserie automobile ; qu'il a travaillé en qualité de peintre, au sein de la société Prim Bat, durant la période allant du 2 juin 2012 au 31 mai 2014 ; que sur la base de l'ensemble de ces éléments tenant à l'ancrage en France de la vie privée et familiale de M.B..., la commission d'expulsion, le 14 novembre 2013, puis la commission du titre de séjour, le 18 décembre 2014, ont respectivement émis un avis défavorable à l'expulsion de l'intéressé et un avis favorable à la délivrance d'un titre de séjour autorisant M. B..." (...) à travailler pour lui permettre de faire la preuve d'un comportement stable et conforme à la loi " ; que, dans ces conditions, le motif d'ordre public invoqué par le préfet de police ne parait pas suffisamment grave pour justifier le refus en litige lequel porte une atteinte disproportionnée au droit de M. B...de mener une vie privée et familiale ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 4 février 2015 ;
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...B....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- M. Privesse, premier conseiller,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 juillet 2016.
Le rapporteur,
L. d'ARGENLIEULe président,
B. EVENLe greffier,
A-L. CALVAIRE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA04442