Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2016, Mme B..., représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du Tribunal administratif de Paris n° 1520795/8 du 7 janvier 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 9 décembre 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens de l'instance.
Elle soutient que :
- le délai de recours à l'encontre de l'arrêté contesté ne peut lui être opposé dès lors que sa notification a été irrégulière car elle a été effectuée sans la présence et la lecture d'un interprète ;
- l'arrêté contesté a été pris par une autorité incompétente ;
- il est entaché d'un vice de procédure et a méconnu l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, l'article 41.2 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 6 de la directive 2008/115 et le principe général des droits de la défense dès lors que le préfet ne l'a pas mise en mesure de présenter des observations, écrites ou orales, avant de prendre cet arrêté de maintien en rétention ;
- le préfet a méconnu le droit d'être assisté d'un avocat et l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 11 décembre 2014 dès lors qu'il ne l'a pas informée de son droit d'être assistée d'un conseil juridique préalablement à l'édiction de l'arrêté contesté ;
- l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure et a méconnu les dispositions des articles R. 777-2-2 et R. 777-2-4 du code de justice administrative dès lors qu'elle n'a pas été invitée à signer le procès-verbal de notification de l'arrêté contesté ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, d'une erreur de fait et a méconnu les dispositions de l'article L. 446-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'est fondé sur aucun critère objectif justifiant le maintien en rétention
- l'arrêté contesté est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et a été émis à la suite d'une procédure déloyale dès lors que l'arrêté contesté a été pris moins de deux heures après sa demande d'asile.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique
- Le rapport de Mme d'Argenlieu,
- et les conclusions du rapporteur public.
1. Considérant que, par un arrêté du 1er décembre 2015, le préfet du Val-de-Marne a obligé MmeB..., ressortissante congolaise (Brazzaville), née le 26 novembre 1959, à quitter le territoire français sans délai et a assorti sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans ; que, par un arrêté du 5 décembre 2015, le préfet du
Val-de-Marne a décidé de la placer en rétention administrative ; que Mme B...a sollicité, le
9 décembre 2015 à 7 heures 20, son admission au séjour au titre de l'asile ; que, par l'arrêté contesté du 9 décembre 2015, le préfet du Val-de-Marne a maintenu son placement en rétention administrative pendant le temps strictement nécessaire à l'examen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, en cas de décision de rejet ou d'irrecevabilité de celui-ci, dans l'attente de son départ ; que Mme B...fait appel de l'ordonnance du 7 janvier 2016 par laquelle le magistrat désigné du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger placé en rétention en application de l'article L. 551-1 présente une demande d'asile, l'autorité administrative peut, si elle estime, sur le fondement de critères objectifs, que cette demande est présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement, maintenir l'intéressé en rétention le temps strictement nécessaire à l'examen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, en cas de décision de rejet ou d'irrecevabilité de celui-ci, dans l'attente de son départ, sans préjudice de l'intervention du juge des libertés et de la détention. La décision de maintien en rétention est écrite et motivée. A défaut d'une telle décision, il est immédiatement mis fin à la rétention et l'autorité administrative compétente délivre à l'intéressé l'attestation mentionnée à l'article L. 741-1. / L'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de maintien en rétention dans les quarante-huit heures suivant sa notification. Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue après la notification de la décision de l'office relative au demandeur, dans un délai qui ne peut excéder soixante-douze heures, dans les conditions prévues au III de l'article L. 512-1 du présent code. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 777-2-1 du code de justice administrative : " Conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 556-1 du même code, le délai de recours est de quarante-huit heures. Ce délai court à compter de la notification à l'étranger de cette décision. Il n'est susceptible d'aucune prorogation. (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'ordonnance attaquée que, pour rejeter la requête de
Mme B...comme étant tardive, le premier juge s'est fondé sur la circonstance que la notification de l'arrêté susmentionné du 9 décembre 2015, qui comportait l'indication des voies et délais de recours ouverts à son encontre, ayant été effectuée par voie administrative le 9 décembre 2015 à 13 heures 10, l'intéressée était irrecevable à saisir le tribunal administratif le 21 décembre 2015 ;
4. Considérant que la circonstance que la notification de l'arrêté maintenant Mme B...en rétention administrative a été uniquement faite en français et non en langue lingala, qui est sa langue maternelle, n'a pu faire obstacle au déclenchement du délai de recours contentieux à son encontre, alors, par ailleurs, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose qu'elle fût informée dans une langue qu'elle comprend des voies et délais de recours existant contre l'arrêté litigieux ; que, toutefois, il ressort des termes de cet arrêté du 9 décembre 2015, que le préfet du
Val-de-Marne a indiqué de manière erronée à l'intéressée qu'elle disposait d'un délai de deux mois pour contester sa légalité, alors que le délai prévu par l'article L. 556-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est de quarante huit heures ; que, par suite, en présence de mentions erronées, le délai de recours n'a pas pu commencer à courir ; que, dès lors, en rejetant la requête de Mme B...comme étant irrecevable, le premier juge, qui au demeurant s'est considéré à tort comme étant saisi de la légalité de l'arrêté initial du 5 décembre 2015 plaçant l'intéressée en rétention administrative, a entaché son ordonnance d'irrégularité ;
5. Considérant, par suite, qu'il y a lieu d'annuler l'ordonnance du 7 janvier 2016 et de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par Mme B...devant le premier juge ;
Sur l'arrêté contesté :
6. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté litigieux a été signé par Jean-Etienne Szollosi, directeur de l'immigration et de l'intégration, habilité pour ce faire par un arrêté préfectoral n° 2013/405 du 5 février 2013, publié au recueil spécial du 6 février 2013 du recueil des actes administratifs du département du Val-de-Marne ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le signataire de l'arrêté du 9 décembre 2015 n'aurait pas été titulaire d'une délégation régulière manque en fait et doit être écarté ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que, par les dispositions de l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises les décisions portant maintien en rétention administrative ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 est inopérant et ne peut qu'être écarté ;
8. Considérant, en troisième lieu, que, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour et de recourir à un conseil juridique pour bénéficier de l'assistance de ce dernier lors de son audition par cette autorité ; qu'il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision le maintenant en rétention pendant le temps strictement nécessaire à l'examen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, en cas de décision de rejet ou d'irrecevabilité de celui-ci, dans l'attente de son départ, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement ; qu'en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que Mme B...a été condamnée à une peine d'un mois d'emprisonnement par le Tribunal correctionnel de Créteil pour soustraction à l'exécution d'une mesure de refus d'entrée en France, recel de faux document administratif et a fait l'objet d'un arrêté d'obligation de quitter le territoire français le 1er décembre 2015 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée aurait été empêchée d'émettre des observations préalablement à cette décision l'obligeant à quitter le territoire français ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe fondamental du droit d'être entendu tel qu'il est énoncé au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté ;
9. Considérant, en quatrième lieu, que Mme B...ne peut utilement se prévaloir de l'article 6 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, tel qu'interprété par l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 11 décembre 2014 rendu dans le cadre de l'affaire n° C-249/13 " Boujleda " pour soutenir qu'elle aurait du pouvoir être entendue assistée d'un conseil juridique préalablement à l'édiction de la mesure litigieuse, dès lors que cette dernière mesure porte sur son maintien en rétention et non sur son éloignement ;
10. Considérant, en cinquième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 8 que le principe général des droits de la défense ne peut en tout état de cause être regardé comme ayant été méconnu ;
11. Considérant, en sixième lieu, que contrairement à ce que soutient la requérante, les dispositions des articles R. 777-2-2 et R. 777-2-4 du code de justice administrative n'imposent pas à l'administration de faire signer par l'intéressé le procès-verbal lui notifiant les décisions mentionnées au premier et deuxième aliénas de l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
12. Considérant, en septième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que MmeB..., qui s'est soustraite à une précédente mesure d'éloignement et a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage, n'a sollicité son admission au titre de l'asile qu'après avoir été retenue en centre de rétention administrative pendant presque quatre jours ; que, dès lors, en retenant que la demande d'asile de l'intéressée avait été présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement, le préfet du Val-de-Marne n'a pas entaché sa décision d'une erreur de fait, ni d'une erreur manifeste d'appréciation ;
13. Considérant, en huitième lieu, que Mme B...soutient que l'arrêté contesté a été édicté de manière déloyale puisqu'il est intervenu moins de deux heures après qu'elle a déposé sa demande d'admission au titre de l'asile ; que, toutefois, compte tenu des circonstances de l'espèce exposées aux points 8 et 12, il ne saurait être reproché à l'administration d'avoir agi de manière déloyale en décidant de maintenir l'intéressée en rétention administrative et de n'avoir pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 9 décembre 2015 doivent être rejetées ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que celles portant sur la mise à la charge de l'État des entiers dépens ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance du Tribunal administratif de Paris n° 1520795/8 du 7 janvier 2016 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- M. Privesse, premier conseiller,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 juillet 2016.
Le rapporteur,
L. d'ARGENLIEULe président,
M. EVEN Le greffier,
A-L. CALVAIRE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA00155