Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 février 2014, Mme A...demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement susvisé du 5 décembre 2013 ;
2°) de condamner l'État à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice matériel et 35 000 euros au titre de son préjudice moral, imputables à l'illégalité de la relation contractuelle qui l'a liée à l'État durant plus de huit années ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- elle a travaillé à temps plein et de manière permanente pour l'Etat entre le 24 juin 2002 et le 9 septembre 2011 ;
- son statut doit donc s'analyser comme étant celui d'un agent contractuel et non d'un vacataire ;
- l'État a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité en la privant du bénéfice des dispositions applicables aux agents contractuels de droit public ;
- elle aurait dû bénéficier d'une régularisation de son contrat sous la forme d'une requalification en un contrat à durée indéterminée ;
- elle aurait dû bénéficier des garanties attachées au décret du 15 février 1988 s'agissant des congés annuels et de la procédure de licenciement ;
- elle a en outre droit à la réparation de son préjudice matériel du fait de la précarité de sa situation, à la perte de chance subie durant sa carrière et à ses difficultés de logement ;
- le préjudice moral dont elle a souffert ne peut être seulement réparé par la somme de 6 000 euros accordée par le tribunal, en raison du stress et des troubles dans ses conditions d'existence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2014, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut au rejet de la requête de Mme A.... Il soutient que :
- la requête de Mme A...se bornant à reproduire les moyens de première instance est irrecevable ;
- à supposer même que l'administration ait commis une faute, l'intéressée ne disposait pas d'un droit à titularisation, ni à requalification de son contrat ;
- elle n'a été privée d'aucun droit et sa situation ne pouvait être qualifiée de précaire ;
- elle n'établit pas le refus de prise en compte d'arrêts de travail pour maladie ;
- les documents produits ne permettent pas de relever une différence entre la rémunération perçue en tant que vacataire et celle d'un agent contractuel ;
- le préjudice lié à l'absence de congés annuels demeure incertain ;
- l'intéressée n'établit pas la souffrance morale et les troubles dans les conditions d'existence dus à sa qualité de vacataire durant huit ans, non plus que son éviction alléguée des formations ou de l'accès aux concours.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire dans la fonction publique ;
- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique ;
- la directive 1999/70/CE du Conseil de l'Union européenne du 28 juin 1999 concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée ;
- la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;
- les décrets n° 85-1148 du 24 octobre 1985 et n° 85-1250 du 26 novembre 1985 ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 modifié relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'Etat ;
- le décret n° 97-604 du 30 mai 1997 fixant les modalités de recours à des personnes étrangères à l'administration pour l'exécution des enquêtes statistiques du ministère de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 14 juin 2016 :
- le rapport de M. Privesse, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Cantié, rapporteur public.
1. Considérant que la requête de Mme A...doit être interprétée comme tendant exclusivement à l'indemnisation des conséquences préjudiciables de la situation d'agent vacataire dans laquelle elle a été maintenue au ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, entre le 24 juin 2002 et le 9 septembre 2011 ; que l'intéressée a sollicité, par un courrier du 27 juillet 2012 reçu le 31 juillet suivant, le versement d'une indemnité globale de 85 000 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices ; que cette demande a été rejetée implicitement ; que Mme A...relève appel du jugement du
5 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a limité à 6 000 euros le montant de cette condamnation au titre de son seul préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A...a occupé de manière continue et à plein temps, du 24 juin 2002 au 9 septembre 2011, un emploi à caractère permanent qui répondait à un besoin permanent en matière de statistiques publiques au sein de la DRIEA-IF du ministère chargé de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ; que, par suite, elle aurait dû bénéficier d'un contrat d'agent non titulaire sur le fondement de l'article 4 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat et du décret du 17 janvier 1986 susvisé modifié relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'Etat ; que l'Etat a donc commis une faute en la maintenant sous le régime d'agent vacataire, pendant une durée de plus de 9 ans, à travers plus de 40 actes d'engagements successifs, pris sur le fondement du décret n° 97-604 du 30 mai 1997 fixant les modalités de recours à des personnes étrangères à l'administration pour l'exécution des enquêtes statistiques du ministère de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme ;
Sur les préjudices :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 13 de la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire dans la fonction publique : " I. - Lorsque l'agent, recruté sur un emploi permanent, est en fonction à la date de publication de la présente loi ou bénéficie, à cette date, d'un congé, en application des dispositions du décret mentionné à l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, le renouvellement de son contrat est soumis aux conditions prévues aux quatrième, cinquième et sixième alinéas de l'article 4 de la même loi. / Lorsque, à la date de publication de la présente loi, l'agent est en fonction depuis six ans au moins, de manière continue, son contrat ne peut, à son terme, être reconduit que par décision expresse et pour une durée indéterminée. / II. - Le contrat est, à la date de publication de la présente loi, transformé en contrat à durée indéterminée, si l'agent satisfait, le 1er juin 2004 ou au plus tard au terme de son contrat en cours, aux conditions suivantes : 1° Etre âgé d'au moins cinquante ans ; 2° Etre en fonction ou bénéficier d'un congé en application des dispositions du décret mentionné à l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée ; 3° Justifier d'une durée de services effectifs au moins égale à six ans au cours des huit dernières années ; 4° Occuper un emploi en application de l'article 4 ou du premier alinéa de l'article 6 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, dans les services de l'Etat ou de ses établissements publics administratifs " ;
4. Considérant que si Mme A...entend soutenir qu'elle aurait dû bénéficier d'un contrat à durée indéterminée, elle ne peut invoquer le bénéfice des dispositions de cet article 13 de la loi du 26 juillet 2005 sus-rappelées, dès lors qu'ayant été recrutée à compter du 24 juin 2002, elle ne pouvait justifier à la date de publication de cette loi, le 27 juillet 2005, d'une durée de service de plus de six ans et n'était pas âgée de 50 ans au moins ; qu'elle ne peut davantage invoquer le bénéfice de l'article 47 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 susvisée dès lors que son dernier contrat avait pris fin le 9 septembre 2011 et que cette loi ne s'applique qu'aux contrats en cours à la date de sa publication ; qu'ainsi, le maintien en fonction de Mme A...durant plus de neuf années en qualité d'agent vacataire n'a pas eu pour effet de donner naissance à un contrat à durée indéterminée et à rendre applicables les formalités de licenciement énoncées par les articles 46 et 47 du décret du 17 janvier 1986 ; que l'intéressée ne peut donc solliciter la condamnation de l'État à lui verser une somme représentative des indemnités dues en cas de licenciement d'un agent contractuel ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'en produisant ses états liquidatifs de rémunérations en qualité de vacataire au titre de la période en litige, Mme A...n'établit pas qu'elles n'incluaient pas une compensation pour les congés payés, ni que l'administration aurait omis de rémunérer des heures supplémentaires effectuées ;
6. Considérant, en troisième lieu, que ni la directive susvisée du 28 juin 1999 susvisée, ni le principe d'équivalence entre agents non titulaires et fonctionnaires énoncé par l'article 7 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, n'ont pour effet de conférer aux agents non titulaires le droit à des rémunérations et à un déroulement de carrière identique à celui des fonctionnaires titulaires ; que, par suite, les conclusions de Mme A...tendant à l'indemnisation de ces préjudices doivent être rejetées ;
7. Considérant, enfin, qu'en ayant été irrégulièrement pendant plus de neuf ans dans la situation précaire d'un agent vacataire, Mme A...n'a pu bénéficier des droits reconnus aux agents non titulaires de la fonction publique de l'Etat et a donc effectivement subi un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence ; qu'en évaluant ce préjudice à la somme de 6 000 euros, les premiers juges ont procédé à sa juste appréciation ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée à la requête d'appel, que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Paris a limité à 6 000 euros au titre de son seul préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence le montant de l'indemnité allouée à l'intéressée et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au bénéfice de Mme A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : L'État versera à Mme A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, et à la ministre du logement et de l'habitat durable.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- M. Privesse, premier conseiller,
- M. Dellevedove, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 juin 2016.
Le rapporteur,
J-C. PRIVESSE
Le président,
B. EVEN
Le greffier,
A-L. CALVAIRE
La République mande et ordonne à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, et à la ministre du logement et de l'habitat durable en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA00624