Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 20 juillet 2015, 11 et 16 février 2016, et 9 juin 2016, M.B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1411514 du 18 mai 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2010 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les investissements productifs n'ont pas été réalisés à la fin de l'année 2010 dès lors qu'il résulte tant du 1er alinéa de l'article 95 Q de l'annexe II au code général des impôts que de la doctrine administrative 5 B-2-07 du 30 janvier 2007, que le droit à réduction d'impôt naît de la livraison effective du bien et non de l'exploitation effective de celui-ci ; l'administration, a ainsi ajouté des conditions quant à la détermination du fait générateur de la réduction d'impôt ;
- les centrales photovoltaïques en cause ont été livrées aux sociétés exploitantes avant le 31 décembre 2010 et, dès lors, les investissements étant réalisés, la réduction d'impôt devait être pratiquée au titre de l'année 2010 ;
- la doctrine administrative 5 B-2-07 du 30 janvier 2007 n'examine la notion " d'investissement productif " que sous l'angle de l'acquisition de la " propriété " d'un bien et non de sa mise en service ;
- les centrales photovoltaïques sont productives dès leur livraison ;
- faire du dépôt " du dossier complet " de raccordement à Electricité de France et de la certification Consuel le fait générateur de la réduction fiscale, alors notamment que le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 a suspendu l'obligation d'achat d'électricité par Electricité de France pour une durée de 3 mois, porte atteinte à la sécurité juridique qui doit s'attacher à la mise en oeuvre des dispositions fiscales ;
- l'administration ne prend pas en considération les modifications induites par la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 et méconnaît ainsi le principe constitutionnel de lisibilité et d'effet utile d'une loi ;
- il satisfait aux conditions de la réponse ministérielle faite à MmeD..., n° 31108, publiée au Journal officiel du 24 juin 2014, dès lors que toutes les demandes de raccordement des SNC exploitantes ont été déposées le 11 mars 2011, soit avant le 31 mars 2011, date butoir qui doit être admise par l'administration.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 janvier 2016 et 1er mars 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Larsonnier,
- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., pour M.B....
1. Considérant que M. et Mme B...ont porté dans la déclaration de revenus qu'ils ont souscrite au titre de l'année 2010, le montant de la réduction d'impôt dont ils pensaient pouvoir bénéficier sur le fondement du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts à raison des investissements que les sociétés en participation Sunra 124, Sunra 125, Sunra 126, Sunra Fluide 1001, Sunra Fluide 1002 et Sunra Fluide 1003, dont M. et Mme B... étaient les associés, avaient déclaré avoir réalisés dans le département de La Réunion et qui consistaient en l'acquisition de panneaux photovoltaïques ensuite donnés en location à des exploitants locaux ; qu'à l'issue du contrôle sur pièces de la déclaration de M. et MmeB..., l'administration fiscale a remis en cause la réduction d'impôt pratiquée par les contribuables, au motif que les centrales photovoltaïques mises à la disposition des sociétés exploitantes n'étaient pas, à la date du 31 décembre 2010, raccordées au réseau électrique et qu'elles n'avaient pas reçu l'attestation de conformité du comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité (CONSUEL), de sorte que les investissements correspondants ne pouvaient être regardés comme ayant été réalisés au sens du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts ; que M. B...fait appel du jugement du 18 mai 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2010 en conséquence de la reprise de cette réduction d'impôt ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ; qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent ; que cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les seuls renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications ;
3. Considérant que si M. B... entend soutenir qu'il n'a pas pu obtenir les informations recueillies par l'administration dans le cadre de son droit de communication, il résulte des termes mêmes de la proposition de rectification du 20 avril 2013 que lui a adressée le service, que l'administration a exercé son droit de communication auprès d'Electricité de France afin d'obtenir des informations sur les dates de dépôt des demandes complètes de raccordement au réseau d'électricité, de réception du certificat du comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité et de mise en production effective des centrales photovoltaïques acquises par les sociétés en participation dont M. et Mme B...sont les associés ; que ces éléments d'information mentionnés dans la proposition de rectification, qui comportaient l'identité du tiers ayant communiqué à l'administration les renseignements considérés et étaient d'une précision suffisante, ont été portés à la connaissance du contribuable, dès lors que les réponses et attestations d'Electricité de France étaient annexées à la proposition de rectification ; que, par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que pour établir les motifs et le montant des redressements contestés, l'administration aurait eu recours à d'autres éléments ni qu'elle aurait utilisé d'autres documents obtenus de tiers, en particulier de la société Diane ; que, par suite, l'administration s'est acquittée de ses obligations d'information, tant en ce qui concerne l'origine que la teneur des renseignements utilisés, et de communication auxquelles elle est tenue en application des dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (... ), dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. (...) " ; qu'aux termes de l'article 95 Q de l'annexe II à ce code : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée (...) " ; qu'aux termes de l'article 95 K de cette annexe : " Les investissements productifs neufs réalisés dans les départements d'outre-mer, (...) qui ouvrent droit à la réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts sont les acquisitions ou créations d'immobilisations corporelles, neuves et amortissables, affectées aux activités relevant des secteurs éligibles en vertu des dispositions du I de cet article " ;
5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B est la date de la livraison effective de l'immobilisation ou de sa création dans le département d'outre-mer ; que, dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise dispose matériellement de l'investissement productif et peut commencer son exploitation effective ; qu'il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, qu'un contribuable remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 199 undecies B du code général des impôts ;
6. Considérant que, pour l'application des dispositions précitées, l'exploitation effective d'une centrale photovoltaïque ne peut commencer que lorsque les panneaux qui la composent ont été livrés puis assemblés, et que la centrale a été raccordée au réseau public d'électricité ; qu'il résulte de l'instruction que, si les panneaux photovoltaïques en cause ont été livrés aux sociétés exploitantes situées dans le département de La Réunion avant le 31 décembre 2010, il n'est pas contesté, qu'à cette date, les installations en litige n'étaient pas raccordées au réseau public d'électricité et que, dès lors, leur exploitation par les entreprises locales ne pouvait commencer ; que, si le requérant entend soutenir que les dossiers de demande de raccordement ont été déposés avant le 31 décembre 2010 et qu'ils n'ont pas été instruits par la société Electricité de France avant qu'intervienne le moratoire de trois mois institué par le décret du 9 décembre 2010, il ressort toutefois des attestations établies par le chef du service commercial et clientèle d'Electricité de France Ile de la Réunion, reçues par l'administration fiscale en réponse à son droit de communication, et annexées à la proposition de rectification du 20 avril 2013 adressée à M.B..., que les demandes complètes de raccordement des centrales photovoltaïques acquises par les sociétés en participation Sunra 124, Sunra 125, Sunra 126, Sunra Fluide 1001, Sunra Fluide 1002 et Sunra Fluide 1003 n'ont été présentées à Electricité de France que le 11 mars 2011 ; que le requérant soutient que l'administration fiscale, en exigeant que les dossiers de raccordement aient été déposés avant le 31 décembre 2010, alors que les contribuables ne bénéficient pas du droit de communication auprès d'Electricité de France et ne sont pas en mesure de vérifier si les demandes de raccordement ont bien été présentées, se voient imposer, pour bénéficier de la réduction d'impôt, d'une condition dont la réalisation dépend d'un tiers ; que, toutefois, comme il vient d'être dit, il résulte des dispositions précitées que le bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts, est subordonné à la possibilité pour les centrales photovoltaïques d'être exploitées effectivement, ce qui implique nécessairement qu'elles soient raccordées au réseau ; que, contrairement à ce que soutient M. B..., l'administration fiscale, en relevant le défaut de raccordement au réseau au 31 décembre 2010 des centrales photovoltaïques acquises par les sociétés en participation Sunra 124, Sunra 125, Sunra 126, Sunra Fluide 1001, Sunra Fluide 1002 et Sunra Fluide 1003 et l'impossibilité qui en résultait de commencer leur exploitation, s'est bornée à mettre en oeuvre les conditions légales auxquelles sont soumis les investissements effectués par les sociétés dont M. et Mme B...étaient les associés afin de pouvoir être regardés comme étant réalisés au sens des dispositions précitées du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts et n'a ainsi pas ajouté à la loi ; que M. B...ne saurait ainsi soutenir que l'administration aurait porté atteinte au principe de sécurité juridique ; que, par suite, c'est à bon droit que le service a considéré que ces investissements n'étaient pas éligibles au titre de l'année 2010 à la réduction d'impôt prévue par ces dispositions ;
7. Considérant que M. B...n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 21 de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, modifiant le vingtième alinéa de l'article 199 undecies B du code général des impôts dont l'entrée en vigueur est postérieure à l'année d'imposition en litige ;
8. Considérant, enfin, que, si M.B..., en faisant valoir que les parties à l'instance sont dans une situation d'inégalité au sens des dispositions qui régissent le droit des parties à un procès équitable, entend soulever le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du paragraphe I de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au procès équitable, celles-ci ne peuvent être utilement invoquées pour contester des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu devant le juge de l'impôt, qui ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur des droits et obligations à caractère civil ;
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. " ;
10. Considérant que M. B...n'est pas fondé à invoquer l'instruction référencée 5 B-2-07 du 30 janvier 2007, en tant qu'elle concerne la livraison des investissements productifs, dès lors, qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, les centrales photovoltaïques ne peuvent être regardées comme étant réalisées au sens de l'article 199 undecies B du code général des impôts, et le bénéfice de la réduction d'impôt prévue par ces dispositions accordé, qu'une fois leur création sur place achevée ;
11. Considérant que M. B...entend se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle faite à Mme D..., députée, publiée le 24 juin 2014 ; que, toutefois, les contribuables ne sont en droit d'invoquer, sur le fondement du premier alinéa de cet article, lorsque l'administration procède à un rehaussement d'impositions antérieures que des interprétations antérieures à l'imposition primitive, ou sur le fondement du second alinéa de cet article, qu'il s'agisse d'impositions primitives ou supplémentaires, que des interprétations antérieures à l'expiration du délai de déclaration ; qu'en l'espèce, l'interprétation invoquée est postérieure tant à l'imposition primitive qu'au délai de déclaration ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé, en tout état de cause, à s'en prévaloir ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal Paris centre et services spécialisés).
Délibéré après l'audience du 16 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Coiffet, président,
- M. Platillero, premier conseiller,
- Mme Larsonnier, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 30 juin 2016.
Le rapporteur,
V. LARSONNIERLe président,
V. COIFFET
Le greffier,
S. JUSTINELa République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA02875