Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 1er août 2017, l'association chrétienne de Marne-la-Vallée, représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 7 juin 2017 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 11 avril 2016 par lequel le maire de la commune de Noisiel a prononcé la fermeture de son centre évangélique ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Noisiel le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté du maire de la commune de Noisiel est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'elle a respecté les dispositions du code de la construction et de l'habitation ainsi que le règlement d'urbanisme applicable ;
- il méconnaît la liberté de culte garantie par les stipulations de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que par les stipulations de l'article 18 de la déclaration universelle des droits de l'homme ;
- il est, compte tenu de son activité de librairie, entaché d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2018, la commune de Noisiel, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement d'une somme de 3 000 euros soit mis à la charge de l'association chrétienne de Marne-la-Vallée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable dès lors qu'elle se borne à reprendre les écritures de première instance ;
- les moyens soulevés par l'association chrétienne de Marne-la-Vallée ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 19 avril 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 mai 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Niollet,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour la commune de Noisiel.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 11 avril 2016, le maire de la commune de Noisiel a prononcé la fermeture du centre évangélique de l'association chrétienne de Marne-la-Vallée en raison du non respect par ce lieu de culte des prescriptions du code de la construction et de l'habitation et du règlement d'urbanisme applicable. L'association chrétienne de Marne-la-Vallée demande l'annulation du jugement du 7 juin 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 11 avril 2016 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. L'arrêté attaqué du maire de la commune de Noisiel énonce les éléments de fait et de droit qui en constituent le fondement, et satisfait ainsi aux prescriptions des dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration. La circonstance qu'il n'indique pas quels articles du code de la construction et de l'habitation sont applicables n'est pas de nature à caractériser une insuffisance de motivation. Par suite, le moyen doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 111-8-3 du code de la construction et de l'habitation : " L'ouverture d'un établissement recevant du public est subordonnée à une autorisation délivrée par l'autorité administrative après contrôle du respect des dispositions de l'article L. 111-7. / Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article. ". Aux termes de l'article R. 111-19-29 de ce code : " L'autorisation d'ouverture prévue à l'article L. 111-8-3 est délivrée au nom de l'Etat par l'autorité définie à l'article R. 111-19-13 : / a) Au vu de l'attestation établie en application de l'article R. 111-19-27, lorsque les travaux ont fait l'objet d'un permis de construire ; / b) Après avis de la commission compétente en application de l'article R. 111-19-30, lorsque l'établissement n'a pas fait l'objet de travaux ou n'a fait l'objet que de travaux non soumis à permis de construire. La commission se prononce après visite des lieux pour les établissements de la première à la quatrième catégorie au sens de l'article R. 123-19 ; / c) Après avis de la commission de sécurité compétente, en application des articles R. 123-45 et R. 123-46./ L'autorisation d'ouverture est notifiée à l'exploitant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. / Lorsque l'autorisation est délivrée par le maire, celui-ci transmet copie de sa décision au préfet. ". Aux termes de l'article R. 111-19-13 de ce code : " L'autorisation de construire, d'aménager ou de modifier un établissement recevant le public prévue à l'article L. 111-8 est délivrée au nom de l'Etat par :/ a) Le préfet, lorsque celui-ci est compétent pour délivrer le permis de construire ou lorsque le projet porte sur un immeuble de grande hauteur ;/ b) Le maire, dans les autres cas. ".
5. Il ressort des pièces du dossier que l'association chrétienne de Marne-la-Vallée reçoit dans ses locaux, du public. Par un courrier du 2 février 2016, le maire de Noisiel a mis en demeure l'association de régulariser sa situation en demandant l'autorisation d'ouverture prévue aux articles L. 111-8 et R. 111-19-13 et suivants du code de la construction et de l'habitation. Ce courrier étant resté sans suite, le maire a prononcé la fermeture des locaux de l'association en raison de la non-conformité de ce lieu de culte aux prescriptions du code de la construction et de l'habitation. Si l'association soutient qu'elle a respecté la règlementation applicable, ni le courrier du 2 septembre 2009 de la société JPB Ingénierie Prévention Protection de l'Environnement lui indiquant qu'elle était intervenue auprès du service de l'urbanisme de la commune de Noisiel, et qu'elle donnait son accord pour effectuer les travaux d'aménagement intérieur en respectant la règlementation en vigueur, ni l'extrait d'un rapport d'audit de sécurité, ni l'avenant au contrat de bail de l'association, produits au dossier, ne permettent d'établir que l'intéressée aurait obtenu une telle autorisation. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
6. En troisième lieu, pour décider la fermeture des locaux de l'association chrétienne de Marne-la-Vallée, le maire de la commune de Noisiel s'est également fondé sur le non respect des prescriptions du règlement d'urbanisme applicable. L'article Q1 de la section 1 du titre III du règlement de la zone d'aménagement concertée de Champs-Noisiel-Torcy, zone dans laquelle se situent les locaux de l'association, fixe en effet une liste d'établissements autorisés, laquelle ne comprend pas les lieux de culte. Si l'association soutient qu'elle exploite également une librairie, la réalité de cette activité, qui ne constitue pas son principal objet, n'est pas établie. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. / 2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 18 de la déclaration universelle des droits de l'homme : " Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites. ".
8. D'une part, l'association ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 18 de la déclaration universelle des droits de l'Homme qui ne figure pas au nombre des traités ou accords ayant été ratifiés ou approuvés dans les conditions de l'article 55 de la Constitution.
9. D'autre part, si l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, garantit la liberté de pensée, de conscience et de religion, cette liberté peut faire l'objet, ainsi que le stipule ce même article, de restrictions prévues par la loi comme nécessaires pour la protection de la sécurité et de l'ordre publics, de la santé et de la morale publiques, ou des droits et libertés d'autrui. L'arrêté en litige, qui se fonde notamment sur la non-conformité de ce lieu de culte aux prescriptions du code de la construction et de l'habitation, a pour objet la protection de l'ordre public, et notamment la sécurité du public accueilli. Par suite, le maire de la commune de Noisiel n'a pas porté une atteinte disproportionnée à la liberté de culte.
10. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la commune de Noisiel, l'association chrétienne de Marne-la-Vallée n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Noisiel, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que l'association chrétienne de Marne-la-Vallée demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Noisiel présentées sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'association chrétienne de Marne-la-Vallée est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Noisiel, présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association chrétienne de Marne-la-Vallée et à la commune de Noisiel.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur, premier conseiller,
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 janvier 2019.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
T. ROBERT
La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA02707