Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 31 juillet 2013 et un mémoire enregistré le 11 mars 2014, M. A..., représenté par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1200340 du 25 avril 2013 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires auxquelles il a été assujetti ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 300 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevables les conclusions en décharge concernant les années 2008 et 2010 dès lors qu'il a acquitté ces impositions supplémentaires ; la décision du 19 octobre 2012 vise expressément les impositions des années 2008, 2009 et 2010 ;
- le foyer fiscal est le lieu où le contribuable habite avec son conjoint et ses enfants, ce qui implique une certaine stabilité voire un caractère permanent ; les critères du domicile fiscal doivent être appréciés au regard de chacune des personnes composant le foyer fiscal ; de juillet 2008 à juillet 2012, sa résidence permanente était située à Wallis et Futuna ; dès lors, le domicile familial des époux A...à Dumbéa ne saurait constituer un foyer d'habitation permanent ;
- son détachement et son affectation ont justifié l'attribution par l'Etat d'un logement de fonction, d'une indemnité de résidence et d'une indemnité d'éloignement ; il a ainsi transféré sa résidence à Wallis et Futuna, territoire devant être regardé comme un territoire étranger ; il ne saurait par conséquence être imposé en Nouvelle-Calédonie ;
- il a perçu des revenus versés par l'Etat en qualité de fonctionnaire territorial détaché au sein de la fonction publique d'Etat ; sa résidence fiscale n'étant pas située en Nouvelle-Calédonie et ses revenus d'origine étatique perçus pendant son séjour à Wallis et Futuna n'étant pas de source territoriale, le code des impôts de Nouvelle-Calédonie ne lui est pas opposable ;
- il ne saurait être considéré comme résident à Wallis et Futuna en ce qui concerne le rattachement de ses enfants pour le calcul de l'impôt sur le revenu et, dans le même temps, résident en Nouvelle-Calédonie pour l'établissement de l'impôt ;
- par ailleurs, les suppléments de rémunération perçus pendant son séjour à Wallis et Futuna, qui s'élèvent à 1 000 000 francs CFP, ne sauraient être pris en compte dans le calcul des impositions mises à sa charge ;
- le fait d'assujettir l'intégralité des revenus du couple A...à l'impôt en Nouvelle-Calédonie leur ouvre droit au bénéfice de la demi-part supplémentaire prévue par l'article 133 du code des impôts ;
- il a notifié aux services des impôts de la Nouvelle-Calédonie sa situation fiscale de manière claire et précise ; l'administration fiscale doit être regardée comme ayant donné son accord tacite lorsqu'elle n'a pas répondu à un contribuable lui indiquant le transfert de sa résidence fiscale.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 janvier 2014, la Nouvelle-Calédonie, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et demande le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les impositions au titres des années 2008 et 2010 n'avaient pas encore été mises en recouvrement lors du dépôt de la réclamation ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée relative à la Nouvelle-Calédonie ;
- le code des impôts de la Nouvelle-Calédonie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Cheylan, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public.
1. Considérant que M.A..., chef technicien de la météorologie " filière instruments et installations " du cadre territorial de Nouvelle-Calédonie, a été placé en position de détachement auprès de Météo France entre 2008 et 2012 ; que, dans le cadre de ce détachement, il a été affecté en qualité de chef de la météorologie des îles Wallis et Futuna ; que lors d'un contrôle sur pièces de son dossier fiscal, la direction des services fiscaux de Nouvelle-Calédonie a constaté que les déclarations de revenus déposées au titre des années 2008, 2009 et 2010 ne mentionnaient pas les traitements perçus par M. A...après son affectation à Wallis et Futuna ; que le service a en outre estimé qu'eu égard au séjour en dehors du territoire de M.A..., les contribuables ne pouvaient pas bénéficier de la majoration d'une part de quotient familial pour leurs enfants à charge poursuivant leurs études en métropole ; que, par une notification de redressements du 22 décembre 2011, l'administration a notifié à M. et MmeA..., suivant une procédure de redressement contradictoire, les rehaussements en matière d'impôt sur le revenu en résultant ; que M. A...relève appel du jugement du 25 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires auxquelles il a été assujetti à la suite de ce contrôle ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1105 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation aux services fiscaux. " ; que l'article 1108 du même code dispose : " Toute réclamation doit, à peine d'irrecevabilité : / (...) d. être accompagnée soit de l'avis d'imposition, d'une copie de cet avis ou d'un extrait du rôle, soit de l'avis de mise en recouvrement ou d'une copie de cet avis, soit, dans le cas où l'impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou d'un avis de mise en recouvrement, d'une pièce justifiant le montant de la retenue ou du versement. / La réclamation peut être régularisée à tout moment par la production de l'une des pièces énumérées au d. " ;
3. Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle Calédonie a rejeté comme irrecevables les conclusions de M. A...tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu qui lui avaient été assignées au titre des années 2008 et 2010, au motif que seule l'imposition concernant l'année 2009 avait été mise en recouvrement à la date de la réclamation ; qu'il ressort toutefois de l'examen du dossier de première instance, en particulier de la lettre de rappel du 23 juillet 2012 et du bordereau de situation fiscale du 12 octobre 2012 que l'imposition supplémentaire notifiée à M. A...au titre de l'année 2010 a été mise en recouvrement avant l'intervention du jugement attaqué ; que l'administration indique dans son mémoire en défense que le supplément d'impôt au titre de l'année 2008 a été mis en recouvrement le 31 octobre 2012, date antérieure à celle du jugement attaqué ; que dans sa décision du
19 octobre 2012 qui mentionne les années 2008 et 2010, l'administration a rejeté la réclamation pour des motifs de fond ; que dès lors, le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevables ses conclusions en décharge concernant les années 2008 et 2010 ;
4. Considérant qu'il y a lieu en conséquence d'annuler partiellement le jugement en tant qu'il rejette les conclusions aux fins de décharge des impositions supplémentaires assignées à M. A...au titre des années 2008 et 2010 et de statuer immédiatement sur celles-ci par la voie de l'évocation ; qu'il convient de statuer par la voie de l'effet dévolutif sur les conclusions relatives à l'année 2009 ;
Sur les conclusions à fin de décharge relatives à l'année 2009 :
En ce qui concerne la domiciliation fiscale de M.A... :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 47 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie : " Les personnes qui ont en Nouvelle-Calédonie leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus, sauf dispositions contraires des conventions ou accords relatifs aux doubles impositions. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de Nouvelle-Calédonie sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source territoriale. " ; que l'article 48 du même code dispose : " Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en Nouvelle-Calédonie : / a) les personnes qui ont en Nouvelle-Calédonie leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / b) celles qui exercent en Nouvelle-Calédonie une activité professionnelle salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; / c) celles qui ont en Nouvelle-Calédonie le centre de leurs intérêts économiques. (...) " ; que, pour l'application des dispositions du a de l'article 48, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles ; que le lieu du séjour principal du contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme A...ont mentionné sur leurs déclarations communes de revenus souscrites au titre des années 2008, 2009 et 2010 une adresse à Dumbéa en Nouvelle-Calédonie ; que cette adresse correspond à celle d'une villa dont ils sont propriétaires et qu'occupait Mme A...pendant la période en litige ; que l'administration fait valoir, sans être contredite sur ce point, que Mme A...exerçait pendant cette période les fonctions de cadre infirmière territoriale au centre hospitalier Albert Bousquet à Nouméa ; qu'ainsi, M. A...doit être regardé comme ayant son foyer en Nouvelle-Calédonie au sens des dispositions précitées du a de l'article 48, alors même qu'il exerçait son activité professionnelle à Wallis et Futuna et quelle qu'ait été la durée de son séjour sur ce territoire ; que ces dispositions sont applicables en l'absence de convention fiscale relative aux doubles impositions ; qu'au demeurant, tout risque de double imposition est écarté, l'attestation établie le 8 mars 2012 par le service des contributions du territoire des îles Wallis et Futuna indiquant qu'il n'existe pas d'impôt sur le revenu des personnes physiques sur ce territoire ; que la circonstance que M. A...ait été placé en détachement auprès d'un corps de la fonction publique d'Etat n'a aucune incidence sur le bien-fondé de l'imposition en litige ; que par suite, c'est à bon droit que l'administration a considéré que
M. A...était fiscalement domicilié... ;
7. Considérant, par ailleurs, que les bases d'imposition initialement retenues sur la foi des déclarations du requérant, ne constituent pas, au regard des dispositions de l'article LP 983 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, une interprétation du texte fiscal ou une prise de position formelle qui serait opposable à l'administration et ferait obstacle à ce qu'elle notifie au contribuable les redressements qu'elle juge nécessaires après vérification desdites déclarations ;
En ce qui concerne les revenus imposables de M.A... :
8. Considérant que le requérant fait valoir que les revenus qu'il a perçus après son affectation à Wallis et Futuna n'avaient pas une source territoriale ; que toutefois, les dispositions de l'article 47 précité dont il se prévaut, qui limitent l'imposition aux revenus de source territoriale, visent les seuls contribuables dont le domicile fiscal est situé hors de Nouvelle-Calédonie ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 6, M. A...doit être regardé comme ayant son domicile fiscal en Nouvelle-Calédonie ; que le moyen doit dès lors être écarté ;
9. Considérant, par ailleurs, que si le requérant soutient qu'il " est constant " que les agents qui s'expatrient temporairement ne sont pas imposables sur les suppléments de rémunération perçus au titre d'une affectation à l'étranger, il n'apporte aucune précision au soutien de son moyen qui permettrait d'en apprécier le bien-fondé ; que ce moyen ne peut dès lors qu'être écarté ;
En ce qui concerne le quotient familial :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 133 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie : " Le nombre de parts à prendre en considération pour la division du revenu imposable prévue à l'article 132 2ème alinéa est fixé comme suit en fonction de la situation de famille : / (...)- mariés (...) sans enfant à charge : 2,0 ; / (...) Ce nombre est augmenté : / (...) d'une part par enfant à charge poursuivant des études hors de la Nouvelle-Calédonie à la condition que les parents aient séjourné toute l'année civile en Nouvelle-Calédonie (...) ; / - d'une demi-part pour tout autre enfant à charge (...) " ;
11. Considérant que M. A...a mentionné une part supplémentaire de quotient familial sur ses déclarations de revenus pour chacune de ses filles à charge poursuivant des études hors de la Nouvelle-Calédonie ; qu'il est constant que M. A...n'a pas séjourné pendant toute l'année civile en Nouvelle-Calédonie en 2009 ; que la circonstance que M. A...soit domicilié... ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutient le requérant, l'administration a pu sans se contredire estimer que le contribuable, même s'il était domicilié... ; que par suite, c'est par une exacte application des dispositions précitées que l'administration a refusé, pour le calcul de l'impôt sur le revenu au titre de l'année en litige, de porter la majoration du quotient familial à une part supplémentaire par enfant à charge poursuivant ses études hors du territoire ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande de décharge concernant l'année 2009 ;
Sur les conclusions à fin de décharge relatives aux années 2008 et 2010 :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la Nouvelle-Calédonie :
13. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 3, que les impositions supplémentaires notifiées à M. A...au titre des années 2008 et 2010 ont été mises en recouvrement avant l'intervention du jugement attaqué ; que dans sa décision du 19 octobre 2012, qui mentionne les années 2008 et 2010, l'administration a rejeté la réclamation pour des motifs de fond ; que par suite, la fin de non-recevoir tirée du caractère prématuré de la réclamation doit être écartée ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
14. Considérant que les moyens tirés de ce que M. A...n'était pas domicilié... ;
15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander la décharge des impositions supplémentaires auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 et 2010 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Nouvelle-Calédonie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la Nouvelle-Calédonie présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1200340 du 25 avril 2013 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de M. A...tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu assignées au titre des années 2008 et 2010.
Article 2 : Les conclusions tendant à la décharge des impositions supplémentaires assignées au titre des années 2008 et 2010 présentées par M. A...devant le tribunal administratif et ses conclusions en décharge concernant l'année 2009 devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la Nouvelle-Calédonie présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Driencourt, président de chambre,
- Mme Mosser, président assesseur,
- M. Cheylan, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 avril 2016.
Le rapporteur,
F. CHEYLAN Le président,
L. DRIENCOURT
Le greffier,
A-L. PINTEAU
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13PA03048