Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 1er septembre 2014, la société Edifis Promotion, représentée par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 130336 du 5 juin 2014 du Tribunal administratif de
Nouvelle-Calédonie ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes au titre des exercices 2009 et 2010 ;
3°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement qui a méconnu le principe du contradictoire est entaché d'irrégularité ;
- la procédure est irrégulière à défaut de signature manuscrite de la mise en demeure qui lui a été adressée ;
- les rehaussements sont dépourvus de fondement à raison de l'illégalité des articles
953 et 973 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie.
Par deux mémoires en intervention, enregistrés les 7 mai 2015 et 21 mars 2016, la
Selarl Mary Laure Gastaud, représentée par Me D...demande à la Cour de prendre acte de son intervention volontaire en qualité de mandataire liquidateur de la société Edifis Promotion et de ce qu'elle fait sienne la requête ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2015, le Gouvernement de la
Nouvelle-Calédonie, représenté par la Scp Delaporte, Briard, Trichet , conclut au rejet de la requête et à ce que le versement d'une somme de 6 000 euros soit mis à la charge de la société
Edifis Promotion sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le fait que la loi organique de 1999 ait prévue que dorénavant les mesures prises en matière d'assiette et de recouvrement, à l'exception du taux, doivent être adoptées selon la procédure réservée aux lois du pays, n'a pas rendu ipso facto illégaux les textes adoptés antérieurement par le Congrès ou l'assemblée territoriale, conformément aux lois statutaires ;
- l'absence de signature manuscrite de la mise en demeure n'est pas de nature à entacher la procédure d'irrégularité ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la réclamation préalable ;
- le code des impôts ;
- Vu la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 ;
- Vu loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mosser, président-assesseur,
- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,
- et les observations de Me C...de la Scp Delaporte, Briard, Trichet, avocat du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
1. Considérant que la société Edifis Promotion n'avait pas déposé ses déclarations de résultat imposable à l'impôt sur les sociétés relatives aux exercices clos en 2009 et 2010 ; qu'une mise en demeure de les produire lui a été adressée le 21 septembre 2011 ; que, faute pour la société d'avoir régularisé sa situation, le service lui a adressé une notification de redressement à l'impôt sur les sociétés concernant les exercices clos en 2009 et 2010, selon la procédure de taxation d'office ; que l'avis de recouvrement a été émis le 31 janvier 2013 ; que la société Edifis Promotion a déposé le
6 mai 2013 une réclamation contentieuse, qui a été rejetée par une décision du directeur des services fiscaux en date du 24 juillet 2013 ; que la société Edifis Promotion relève appel du jugement en date du 5 juin 2014 en tant qu'il a rejeté sa demande en décharge des impositions mises à sa charge à hauteur de la somme de 7 034 688 F CFP ; que par un jugement du tribunal de commerce de Nouméa du 23 février 2015, la société a été placée en liquidation judiciaire et la
Selarl Mary Laure Gastaud a été désignée liquidateur judiciaire de cette société, laquelle est désormais représentée devant la Cour par ce liquidateur ; que, dans ces conditions, le mémoire en intervention volontaire présenté par la Selarl Mary Laure Gastaud doit être regardé comme un nouveau mémoire ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 431-1 du code de justice administrative : " Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire(...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance qu'alors que la demande devant les premiers juges portait mention du nom de l'avocat représentant la société requérante, aucun des actes de procédure n'a été accompli à l'égard de ce mandataire ; que, par suite, la société Edifis Promotion est fondée à soutenir que les dispositions précitées ont été méconnues et par suite que la procédure devant les premiers juges est entachée d'irrégularité ; que dès lors, le jugement attaqué doit être annulé ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Edifis Promotion devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie dans la limite de ses conclusions et moyens d'appel ;
Sur les conclusions à fin de décharge :
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 973 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie : " Sont taxés d'office : (...)2°- à l'impôt sur les sociétés et activités métallurgiques ou minières, les personnes passibles de ces impôts qui n'ont pas déposé, dans le délai légal, leur déclaration de résultat (...) " ; qu'aux termes de l'article I de 975 du même code : " La procédure de taxation d'office prévue à l'article 973-2° et 3° n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une première mise en demeure. " ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'une mise en demeure établie le
21 septembre 2011 a été adressée à la société Edifis Promotion aux fins, notamment, de déposer sa déclaration de résultat imposable à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2010 ; que pour soutenir que la procédure de taxation d'office est entachée d'irrégularité, la société
Edifis Promotion se prévaut de la circonstance que la mise en demeure qui lui a été adressée n'était pas revêtue d'une signature manuscrite ;
7. Considérant, d'une part, qu'il est constant que la société Edifis Promotion n'a pas déposé ses déclarations de résultat dans les délais et qu'elle a bien reçu une mise en demeure de déposer ses déclarations qui porte le tampon du service et l'indication dactylographiée du nom de son auteur,
M. B...A..., ainsi que de ses fonctions, chef du service de la fiscalité professionnelle ; que le document qu'elle a reçu n'a pas pu ainsi la tromper sur l'origine et l'objet de la demande ; qu'ainsi l'absence de signature manuscrite ne l'a privée d'aucune garantie ;
8. Considérant, d'autre part, que la société Edifis Promotion ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions de l'article 4 de la loi 12 avril 2000 susvisée, dans sa version alors en vigueur, dès lors que la mise en demeure qui lui a été adressée ne constitue pas une décision ;
9. Considérant qu'il résulte des points 6 à 8 que la société Edifis Promotion n'est pas fondée à se prévaloir d'une irrégularité de la mise en demeure qui lui a été adressée pour soutenir que l'administration ne pouvait procéder à une taxation d'office de ses revenus ;
10. Considérant en second lieu que l'article 99 de la loi organique n° 99-209 du
19 mars 1999 prévoit une liste de domaines dans lesquelles les lois du pays interviennent en Nouvelle-Calédonie au titre desquels figurent l'assiette et le recouvrement de l'impôt ; qu'aux termes de l'article 222 de la même loi : " Les dispositions législatives et réglementaires en vigueur en Nouvelle-Calédonie à la date de la promulgation de la présente loi organique et qui ne lui sont pas contraires demeurent... " ; qu'aux termes de l'article 953 du code des impôts : " Les agents de l'administration fiscale peuvent assurer le contrôle et l'assiette de l'ensemble des impôts et taxes dus par le contribuable qu'ils vérifient. " ;
11. Considérant que l'article 953 du code des impôts cité au point 10 et l'article 973 cité au point 5 ne sont relatifs ni à l'assiette, ni au recouvrement de l'impôt mais à la procédure d'imposition ; qu'ainsi, la société Edifis Promotion ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions de l'article 99 de la loi organique pour soutenir que, compte tenu de leur caractère réglementaire, les dispositions des articles 953 et 973 du code des impôts sont entachées d'une illégalité manifeste en ce qu'elles seraient contraires à la loi organique et au nouvel ordonnancement juridique qui en résulte ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Edifis Promotion n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de
Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Nouvelle-Calédonie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Edifis Promotion demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la société Edifis Promotion une somme à verser à la Nouvelle-Calédonie sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en date du
5 juin 2014 est annulé.
Article 2 : La demande et le surplus des conclusions de la requête de la société Edifis Promotion sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la Nouvelle Calédonie sur le fondement de l'article L. 761-1 du
code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Edifis Promotion, à la Selarl Mary Laure Gastaud et au Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Driencourt, président de chambre,
- Mme Mosser, président assesseur,
- M. Cheylan, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 8 avril 2016.
Le rapporteur,
G. MOSSERLe président,
L. DRIENCOURT Le greffier,
A-L. PINTEAU La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA03866