Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 19 novembre 2014 et le
6 mai 2015, M. C..., représenté par Selarl François Marini, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1403057 du 19 septembre 2014 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée.
Il soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu à son moyen tiré de ce qu'un acte nul et de nul effet n'a pu interrompre la prescription ;
- la prescription est acquise ;
- la procédure est irrégulière dès lors qu'il n'a pas été destinataire de la notification de rehaussement ;
- l'imposition n'est pas fondée.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 avril 2015 et 15 mars 2016, le Ministre des finances et des comptes publics, conclut au rejet de la requête par des moyens contraires.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la réclamation préalable ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mosser, président assesseur,
- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public.
1. Considérant que l'EURL Love Songs Productions, qui exerçait une activité d'enregistrement sonore et d'édition musicale, et dont Mme C...était unique associée et gérante, a fait l'objet, du 22 février au 3 mai 2012, d'une vérification de comptabilité portant sur ses exercices clos les 31 décembre 2008 et 2009 qui a abouti à des rectifications en matière de bénéfice industriel et commercial et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été notifiés à la société au titre de l'exercice 2008 par une proposition de rectification du 16 décembre 2011 suivant la procédure d'évaluation d'office pour opposition à contrôle fiscal ; qu'une nouvelle proposition de rectification a été adressée à la société le 22 juin 2012, d'une part au titre de l'exercice 2008 annulant et remplaçant celle précédemment adressée le 16 décembre 2011, et d'autre part au titre de l'exercice 2009, suivant la procédure de rectification contradictoire ; que M. et Mme C...ont, par application de l'article 8 du code général des impôts, été assujettis, au titre desdites années, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu assorties des majorations et intérêts de retard ; que M. C...relève appel du jugement en date du 19 septembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'en retenant " qu'est sans incidence sur cet effet interruptif
(de prescription) la circonstance qu'a été notifiée à l'entreprise une nouvelle proposition de rectification du 22 juin 2012, selon la procédure contradictoire au lieu et place de celle d'évaluation d'office initialement mise en oeuvre, et se substituant à celle du 16 décembre 2011 ", le tribunal a suffisamment répondu au moyen soulevé par le requérant tiré de ce que la première notification ayant été annulée, elle n'avait pu avoir pour effet d'avoir interrompu la prescription ; que
M. C... n'est pas fondé à soutenir que le tribunal, qui n'est pas tenu de répondre à tous les arguments, a omis de répondre au moyen soulevé ; que, par suite, le jugement n'est pas entaché d'irrégularité de ce chef ;
Sur les conclusions en décharge :
En ce qui concerne la prescription :
3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due " et qu'aux termes de l'article L. 189 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de redressement (...) " ;
4. Considérant que l'administration a, le 16 décembre 2011, établi à l'attention de
l'EURL Love Songs Productions une proposition de rectification concernant notamment son bénéfice industriel et commercial de l'année 2008, selon la procédure d'évaluation d'office ; que le pli contenant cette proposition de rectification, envoyé à la nouvelle adresse de l'entreprise, et dont il n'est pas contesté qu'il a été reçu par elle avant le 31 décembre 2011, date d'expiration du délai de reprise pour l'année 2008, a donc régulièrement interrompu la prescription de cette année ; que l'administration était alors en droit de substituer, dans le délai de reprise qui a de nouveau couru à compter de la première notification, une nouvelle proposition de rectification, dans la limite du montant des redressements notifiés initialement, laquelle annule et remplace nécessairement la notification initiale, sans que toutefois cette circonstance n'ait d'incidence sur l'effet interruptif de la prescription résultant de la première notification ; que, par suite, le moyen soulevé ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
5. Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation " ; qu'aux termes de l'article L 53 du même code : " En ce qui concerne les sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, la procédure de vérification des déclarations déposées par la société est suivie entre l'administration des impôts et la société elle-même.(...) " ; qu'aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société.(...) " ;
6. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que c'est avec la société de personnes que l'administration fiscale doit engager la procédure de vérification des résultats sociaux régulièrement déclarés par cette société ; que la notification de redressement adressée à la société à l'issue de cette vérification implique directement certains effets pour l'imposition personnelle des associés ; que, dans le cas d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le gérant était l'unique associé, l'administration n'a pas à réitérer à son égard la notification précédemment adressée à la société ;
7. Considérant qu'il est constant que l'administration fiscale a notifié à l'EURL Love Songs Productions les rehaussements qu'elle envisageait de mettre à sa charge ; qu'il résulte de ce qui précède que l'administration n'avait aucune obligation de notifier à Mme C..., unique associée, les rehaussements résultant de la vérification de comptabilité de la société, ni a fortiori à M. C... ;
8. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1691 bis du code général des impôts : " I- Les époux (...) sont tenus solidairement au paiement : /1° De l'impôt sur le revenu lorsqu'ils font l'objet d'une imposition commune (...) " ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le divorce de M. et Mme C...a été prononcé le 21 mars 2011 ; que par suite, M. C... est bien solidairement tenu au paiement de l'impôt sur le revenu du couple au titre des années 2008 et 2009 en application des dispositions citées au point 8 ;
10. Considérant qu'il résulte des points 5 à 9 que les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure d'imposition ne peuvent qu'être écartés ;
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
11. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. /2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) " ; qu'en application de ces dispositions il appartient aux contribuables de justifier de la régularité de celles de leurs écritures de passif qui minorent leurs résultats imposables ; qu'il en va ainsi, notamment, des inscriptions à un compte courant d'associé ;
12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le service vérificateur a notamment réintégré, dans les résultats de l'EURL Love Songs Productions, les sommes, figurant au crédit du compte courant d'associé de Mme A... épouseC..., gérante, de 95 000 euros au titre de l'exercice clos en 2008, et 15 000 euros au titre de l'exercice clos en 2009, au motif que l'entreprise ne justifiait pas de la réalité des apports en compte courant réalisés par celle-ci, et donc, par suite, de la réalité de sa dette envers son associée gérante ;
13. Considérant que, pour justifier de la réalité des inscriptions au compte courant d'associé de Mme A...épouse C...auprès de l'EURL Love Songs Productions, M. C... soutient que le compte courant dont celle-ci disposait auprès de la société parisienne de rénovation et d'investissements immobiliers (SPRII) connaissait un solde créditeur, et que la SPRII a procédé à des versements au bénéfice de l'EURL Love Songs Productions, de sorte qu'à mesure que le solde créditeur du compte courant d'associé de Mme A...épouse C...diminuait auprès de la SPRII, il augmentait auprès de l'EURL Love Songs Productions ; que, pour étayer cette affirmation, le requérant produit une déclaration de succession, dont il ressort que Mme A...
épouse D...a, en indivision avec son frère, hérité de la créance précédemment détenue par leur père sur la SPRII, pour un montant de 204 557, 24 euros ; que toutefois, si M. C... justifie du versement par la SPRII de sommes correspondant au montant des sommes créditées sur le compte courant de MmeD..., il ne justifie pas des raisons pour lesquelles ces sommes ont été versées à l'EURL Love Songs Productions, ni des raisons pour lesquelles la société les a portées au crédit du compte courant de MmeC... ; qu'en effet, il n'est allégué d'aucun lien de nature commerciale, financière ou juridique entre l'EURL Love Songs Productions et la SPRII et aucune cession de créance n'a été justifiée ; qu'il n'est pas contesté que la société SPRII a cessé depuis le 4 janvier 2007 toute activité ; qu'elle a ainsi renoncé au remboursement d'avances qui ont été consenties, dès l'origine, à des fins qui ne peuvent qu'être regardées comme étrangères à une gestion commerciale normale ; que, par suite, les sommes versées à l'EURL Love Songs Productions ne peuvent également être regardées que comme constituant un abandon de créance qui entraîne nécessairement une diminution du passif de la société débitrice et corrélativement, à due concurrence, une augmentation de son actif net ; que c'est par suite à bon droit que l'administration fiscale a réintégré les sommes en litige au titre des exercices clos en 2008 et 2009, en tant que passif injustifié, dans le résultat de l'entreprise en application des dispositions citées au point 11 ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et au ministre des finances et des comptes publics
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Driencourt, président de chambre,
- Mme Mosser, président assesseur,
- M. Cheylan, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 8 avril 2016.
Le rapporteur,
G. MOSSERLe président,
L. DRIENCOURT Le greffier,
A-L. PINTEAU
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
''
''
''
''
3
N° 14PA04660