Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 mars 2015, la société Burton, représentée par
MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1306873 du 10 mars 2015 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de prononcer la décharge de l'imposition supplémentaire à laquelle elle a été assujettie ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la société Burton n'exploite l'entrepôt de Lognes que depuis 2009 à la suite de la dissolution sans liquidation de la société CAAB ; aucun avis de vérification n'a été adressé à la société CAAB qui était en 2008 une personne morale distincte de la société Burton ;
- l'entrepôt de Lognes, qui a succédé à celui qui était situé aux Ulis, se distingue de ce dernier non par les surfaces, installations techniques ou main d'oeuvre mais par l'introduction d'un logiciel informatique dont le coût de plus de 2 millions d'euros représente une fraction très significative du coût de revient des moyens techniques ; les installations corporelles sont constituées pour l'essentiel de racks, portiques et petits engins roulants tels qu'on les retrouve aujourd'hui dans les magasins de détail ; les notions d'outillage et de force motrice ne sauraient être considérées comme comprenant les logiciels ; la mise en place d'un logiciel sophistiqué de gestion des flux ne suffit pas à conférer la qualité d'établissement industriel ; dès lors, les installations techniques, matériels et outillages de l'établissement de Lognes ne sauraient être regardés comme importants
- le prix de revient de l'immeuble terrain compris est de 8 320 836 euros, à comparer au prix de revient du matériel de stockage et de manutention qui n'est que de 5 961 563 euros dont plus
de 2 millions d'euros d'immatériel ; seule la préparation des commandes fait appel à des matériels de tri, à savoir des convoyeurs reliés au système informatique dont le fonctionnement requiert l'intervention de dix salariés ; doivent être exclus, au titre de l'appréciation du critère de la prépondérance, les installations techniques, matériels et outillages intervenant essentiellement dans des fonctions de support ; les tâches telles que l'emballage et le déchargement des produits stockés à plat, la réception et l'accrochage des articles sur cintres, le comptage et le contrôle, le " picking ", le remplissage et le déchargement des bacs, ainsi que la pose de films sur les palettes, sont effectuées manuellement ; les moyens techniques ne permettent pas une manipulation entièrement informatisée et mécanisée des produits réceptionnés, stockés puis réexpédiés ; l'intervention humaine est significative et prépondérante dans le fonctionnement de l'entrepôt.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 juillet 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Cheylan, premier conseiller,
- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public.
1. Considérant que la société CAAB, aux droits de laquelle vient la société Burton, exploitait à Lognes (Seine-et-Marne) un entrepôt d'une surface au sol de 12 000 m2, affectée à concurrence de 11 000 m2 à la centralisation des achats d'articles d'habillement dans l'attente de leur livraison aux magasins de l'enseigne Burton ; qu'elle a déterminé la valeur locative de cet entrepôt suivant les règles définies pour les locaux commerciaux ; qu'à l'occasion d'un contrôle, l'administration a estimé que l'établissement de Lognes devait être regardé comme industriel au sens de l'article 1499 du code général des impôts ; que, par une proposition de rectification du 16 décembre 2011, l'administration a informé la société CAAB qu'elle entendait procéder au titre de l'année 2008 à un rehaussement de ses bases imposables à la taxe professionnelle à hauteur de l'écart de valeur locative constaté entre l'évaluation retenue par la société et celle résultant de la méthode applicable aux établissements industriels ; que la société Burton relève appel du jugement du 10 mars 2015 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'imposition supplémentaire qui avait été assignée à la société CAAB à la suite de ce contrôle ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. / (...) A cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés. (...) " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 47 du même livre : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. " ;
3. Considérant que lorsque l'administration fait usage du droit que lui confèrent les dispositions précitées de contrôler sur pièces les déclarations du contribuable, en lui demandant, le cas échéant, des justifications complémentaires, sans toutefois procéder à un examen critique des documents comptables, cette procédure ne peut être assimilée à une vérification de comptabilité ; qu'en revanche, l'administration procède à la vérification de comptabilité d'une activité lorsqu'en vue d'assurer l'établissement d'impôts ou de taxes totalement ou partiellement éludés par les intéressés, elle contrôle sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par cette activité en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont elle prend alors connaissance et dont, le cas échéant, elle peut remettre en cause l'exactitude ; que l'exercice régulier du droit de vérification de comptabilité suppose le respect des garanties légales prévues en faveur du contribuable vérifié, au nombre desquelles figure, notamment, l'envoi ou la remise de l'avis de vérification auquel se réfère l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;
4. Considérant qu'il ressort des termes de la proposition de rectification du
16 décembre 2011 que, dans le cadre du contrôle des bases de taxe professionnelle de la
société CAAB, l'administration s'est rendue sur place le 4 novembre 2011 ; que si le service a recueilli lors de cette visite des informations sur les modalités de fonctionnement de la plate-forme logistique exploitée par la société, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'administration se serait livrée à cette occasion, avant l'envoi de la proposition de rectification, à un examen des documents comptables de la société CAAB en les comparant aux mentions contenues dans la déclaration souscrite au titre de l'année 2008 ; qu'à cet égard, le document intitulé " Documents à préparer pour le 23 novembre 2011 ", présenté comme une demande émanant du service concernant l'année 2008, qui est établi sur papier libre et ne mentionne aucune date, est dépourvu de toute valeur probante ; qu'ainsi, en l'absence d'examen critique de la comptabilité de la société CAAB, les opérations conduites par l'administration à l'égard de cette société se rattachaient aux pouvoirs de contrôle qu'elle tient des dispositions précitées de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales ; que par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que, faute d'avoir adressé au contribuable un avis de vérification, l'administration aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 1467 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " La taxe professionnelle a pour base : / 1° Dans le cas des contribuables autres que ceux visés au 2° : / a. la valeur locative, telle qu'elle est définie aux articles 1469, 1518 A et 1518 B, des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de celles qui ont été détruites ou cédées au cours de la même période ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 1469 du même code, alors en vigueur : " La valeur locative est déterminée comme suit : / 1° Pour les biens passibles d'une taxe foncière, elle est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe ; (...) " ; que les règles suivant lesquelles est déterminée la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties sont définies différemment, à l'article 1496 du code général des impôts pour ce qui est des locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice soit d'une activité salariée à domicile, soit d'une activité professionnelle non commerciale, à l'article 1498 en ce qui concerne tous les biens autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel visés au I de l'article 1496, et à l'article 1499 s'agissant des immobilisations industrielles ; que revêtent un caractère industriel, au sens de cet article, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société CAAB dispose, dans son établissement de Lognes, d'une plate-forme logistique répartie sur trois niveaux, équipée de douze quais de chargement et d'expédition ; qu'elle utilise pour le fonctionnement de cette plate-forme quatre machines de tri automatisées d'une longueur totale de 1 215 mètres, des convoyeurs et une housseuse automatique pour vêtements suspendus, inscrits à son actif pour un montant total de 5 771 563 euros ; qu'ainsi, et alors même que cette valeur d'actif comprendrait à concurrence de 2 000 000 d'euros le coût du logiciel informatique de gestion des stocks, les moyens techniques utilisés doivent être regardés comme importants ; que ces moyens permettent à la société, qui employait 16 personnes sur le site pendant l'année en litige, de réceptionner, de contrôler puis de réexpédier vers les magasins de l'enseigne Burton 15 000 pièces par jour, soit plus de 930 pièces par jour et par employé ; que la société utilise un système informatique " Wes Habillement " assurant la gestion des stocks, leur réapprovisionnement, la préparation des commandes ainsi que la coordination des déplacements des agents dans l'entrepôt ; que le traitement des différents articles et leur stockage diffère selon qu'il s'agit de produits conditionnés à plat, d'articles présentés sur des cintres ou d'articles reçus en vrac ; que les produits conditionnés à plat, qui sont livrés sur des palettes regroupant une même catégorie d'articles conformément au cahier des charges imposé aux fournisseurs sont, une fois contrôlés par un agent au moyen d'un terminal portatif, entreposés sur l'emplacement de stockage désigné par le système informatique ; que les articles réceptionnés sur cintres sont accrochés sur des trolleys par des opérateurs, sont enregistrés par un agent au moyen d'un terminal portatif puis sont transférés sur un portant de la chaîne automatisée afin d'être acheminés aux étages supérieurs par un rail vers l'emplacement de stockage désigné par le système informatique ; que les articles en vrac sont acheminés par convoyeurs vers une zone de tri automatisée spécifique dotée d'une trieuse qui scanne les cartons et les regroupe par référence afin de constituer des palettes comprenant des produits de même catégorie qui sont ensuite transférées vers un poste de contrôle et de comptage accéléré ; qu'en ce qui concerne la préparation des commandes, un agent chargé du " picking " collecte au moyen d'un engin de type " gerbeur ", en fonction des indications du système informatique, les articles stockés à plat dans des bacs qui sont acheminés vers une machine de tri automatisée employant dix agents ; que cette machine, qui est un convoyeur circulaire doté de 220 entrées et dont la capacité de traitement effective est de
3 000 pièces par heure, fait défiler des plateaux devant les agents chargés de les alimenter, lit le code barre apposé par le fournisseur, identifie l'article et son adresse d'expédition et le dépose dans le carton correspondant à ladite adresse ; que la préparation des articles sur cintres se déroule selon des modalités similaires, à l'exception des articles entreposés dans une zone de " picking " manuelle, ces derniers étant disposés manuellement sur des trolleys roulants puis acheminés vers une machine de tri automatisée ; qu'une fois arrivés en zone de livraison, ces articles sur cintres sont emballés dans des housses en film plastique à l'aide d'une housseuse automatique pour vêtements suspendus ; que la société fait valoir que ces moyens techniques ne permettent pas une manipulation entièrement informatisée et mécanisée des articles stockés ; que toutefois, la capacité de traitement des machines de tri automatisées dans un entrepôt qui ne compte en moyenne que 16 employés et le système informatique mis en oeuvre, font obstacle à ce que l'intervention manuelle puisse être regardée comme étant prépondérante dans le fonctionnement de cet entrepôt ; que, contrairement à ce que soutient la société, le critère tenant au rôle prépondérant n'est pas subordonné au constat d'une part majoritaire des moyens techniques concernés dans la valeur des éléments d'actif mentionnés au bilan ; que, compte tenu de ce qui vient d'être dit sur le mode de fonctionnement des installations et équipements ci-dessus mentionnés, les moyens techniques utilisés sur le site de Lognes doivent être regardés comme jouant un rôle prépondérant dans l'activité que la société CAAB y exerce ; qu'ainsi, cet établissement revêt un caractère industriel au sens de l'article 1499 du code général des impôts ; que dès lors, c'est par une exacte application des dispositions précitées que l'administration a évalué la valeur locative de cet entrepôt selon la méthode applicable aux établissements industriels ;
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
7. Considérant que la société requérante cite les commentaires administratifs reproduits dans la documentation de base 6C-251 n° 1, selon lesquels les établissements où sont réalisées des opérations de manipulation ou des prestations de services doivent être regardés comme des établissements industriels lorsque le rôle de l'outillage et de la force motrice y est prépondérant ; que toutefois, ces commentaires ne contiennent pas d'interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application par le présent arrêt ; qu'ainsi, la société requérante ne peut utilement s'en prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Burton n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante en la présente instance, verse à la société Burton la somme qu'elle demande sur ce fondement ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Burton venant aux droits de la société CAAB est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Burton venant aux droits de la société Centrale d'Achats et d'Approvisionnement Burton et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction des vérifications nationales et internationales.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Driencourt, président de chambre,
- Mme Mosser, président assesseur,
- M. Cheylan, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 avril 2016.
Le rapporteur,
F. CHEYLAN Le président,
L. DRIENCOURT
Le greffier,
A-L. PINTEAU
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
''
''
''
''
3
N° 15PA01305