Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 30 mars 2015, MmeA..., représentée par
MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la " décharge, en droits et pénalités ", de la somme de 89 201,69 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme A...soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges, qui n'ont pas fait usage de leur pouvoir inquisitorial, n'ont pas épuisé leur office ;
- les avis à tiers détenteurs ont été délivrés durant la période suspecte en méconnaissance de l'article L. 632-2 du code de commerce ;
- certaines créances ont été déclarées à titre définitif alors qu'elles n'avaient qu'un caractère provisoire ;
- les avis à tiers détenteurs n'ont pas respecté les dispositions du décret n° 2002-1150 du 11 septembre 2002 ;
- en ne motivant pas sa réponse, l'administration a méconnu la loi n° 2000-321 du
12 avril 2000 et l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales ;
- les créances déclarées par l'administration fiscale n'ont pas tenu compte des paiements qu'elle a effectués ;
- l'administration a méconnu l'article 1756 du code général des impôts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que les moyens invoqués par Mme A...sont irrecevables ou ne sont pas fondés.
Vu la lettre en date du 15 mars 2016 informant les parties, en application de
l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que le présent arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Boissy, rapporteur,
- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public.
1. Considérant qu'à la suite de la déclaration de cessation des paiements déposée le
17 août 2012 par MmeA..., qui exerce à titre libéral la profession d'avocat, le tribunal de grande instance de Paris, par un jugement du 21 février 2013, a ouvert une procédure de redressement judiciaire à son égard, sur le fondement de l'article L. 631-1 du code de commerce, et désigné la SELAFA MJA en qualité de mandataire judiciaire ; que, le 21 mai 2013, l'administration fiscale a adressé à la SELAFA MJA, en application de l'article L. 622-24 du même code, une déclaration de créances fiscales pour un montant de 95 201,69 euros,
dont 89 201,69 euros à titre définitif et 6 000 euros à titre provisionnel ; que, par un courrier du 16 juillet 2013, Mme A...a contesté, auprès du pôle recouvrement spécialisé de
Paris-sud Ouest cette déclaration de créances, courrier auquel ce service a répondu le
6 août 2013 ; que, par un jugement du 16 janvier 2014, le tribunal de grande instance de Paris a désigné Me B...en qualité de mandataire judiciaire en lieu et place de la SELAFA MJA et prorogé d'un mois la période d'observation ; que cette période d'observation a ensuite été prorogée de six mois par un jugement du 20 février 2014 ; que, le 6 mai 2014, l'administration a transmis à Me B...une déclaration de créances rectificative d'un montant de
91 402,69 euros ; que, par un jugement du 16 octobre 2014, le tribunal de grande instance de Paris a arrêté un plan de redressement ; que, par un jugement du 29 janvier 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté, comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, la demande de Mme A...tendant à la " décharge de droits et pénalités portés sur le relevé de créances produit par la direction des finances publiques " pour un montant de 89 201,69 euros ; que Mme A...relève appel de ce jugement ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation et tendant à la décharge de l'obligation de payer :
2. Considérant qu'en vertu de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, la juridiction administrative est compétente pour connaître des contestations relatives au recouvrement des impositions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 199 du même livre lorsqu'elles portent sur l'existence de l'obligation de payer, le montant de la dette, l'exigibilité de la somme réclamée ou tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt ; que, toutefois, le tribunal de la procédure collective est, quelle que soit la nature des créances en cause, seul compétent pour connaître des contestations relatives à la mise en oeuvre des règles propres à la procédure collective ;
3. Considérant que, dans ses écritures de première instance, Mme A...devait être regardée comme ayant demandé la décharge de l'obligation de payer le montant de la dette figurant dans la déclaration de créances effectuée par l'administration en contestant, notamment, le montant de la dette et l'exigibilité d'une partie de la somme réclamée par des moyens qui ne se rattachaient pas tous à la mise en oeuvre des règles propres à la procédure collective ; que, dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont rejeté l'ensemble de sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ; que, par suite, le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé pour ce motif ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de MmeA... ;
5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 281-1 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement prévues par l'article L. 281 peuvent être formulées par le redevable lui-même ou la personne solidaire. Elles font l'objet d'une demande qui doit être adressée, appuyée de toutes les justifications utiles, en premier lieu, au chef du service du département ou de la région dans lesquels est effectuée la poursuite. Le chef de service compétent est : / a) Le directeur départemental des finances publiques ou le responsable du service à compétence nationale si le recouvrement incombe à un comptable de la direction générale des finances publiques ; / b) Le directeur régional des douanes et droits indirects si le recouvrement incombe à un comptable de la direction générale des douanes et droits indirects " ; qu'aux termes de l'article R. 281-3-1 du même livre : " La demande prévue à l'article R. 281-1 doit, sous peine d'irrecevabilité, être présentée (...) dans un délai de deux mois à partir de la notification : / a) De l'acte de poursuite dont la régularité en la forme est contestée ; / b) De tout acte de poursuite si le motif invoqué porte sur l'obligation de payer ou le montant de la dette ; / c) Du premier acte de poursuite permettant d'invoquer tout autre motif " ; qu'aux termes de l'article R. 281-4 : " Le chef de service se prononce dans un délai de deux mois à partir du dépôt de la demande, dont il doit accuser réception. /Si aucune décision n'a été prise dans ce délai ou si la décision rendue ne lui donne pas satisfaction, le redevable doit, à peine de forclusion, porter l'affaire devant le juge compétent tel qu'il est défini à l'article L. 281. Il dispose pour cela de deux mois à partir : a) soit de la notification de la décision du chef de service ; b) soit de l'expiration du délai de deux mois accordé au chef de service pour prendre sa décision. La procédure ne peut, à peine d'irrecevabilité, être engagée avant ces dates. Elle doit être dirigée contre le comptable chargé du recouvrement " ;
6. Considérant, d'autre part, que les déclarations de créances effectuées par l'administration fiscale sur le fondement de l'article L. 622-24 du code de commerce ne constituent pas, en elles-mêmes, des actes de poursuite en vue de recouvrer des impositions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 199 du livre des procédures fiscales ;
7. Considérant que, compte tenue de ce de ce qui a été dit aux points 5 et 6, le courrier de Mme A...en date du 16 juillet 2013 ne peut pas être analysé comme une contestation au sens de l'article R. 281-1 du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, la réponse faite à
Mme A...le 6 août 2013 ne peut pas davantage être regardée comme une décision prise sur le fondement de l'article R. 281-4 du même livre ; que le ministre est dès lors fondé à soutenir que l'opposition à poursuite présentée le 7 octobre 2013 par Mme A...devant le tribunal administratif de Paris et tendant à obtenir la décharge de l'obligation de payer la somme de 89 201,69 euros n'était pas recevable ; que sa demande doit par suite être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande Mme A...au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n°1314305 du tribunal administratif de Paris en date du 29 janvier 2015 est annulé.
Article 2 : La demande de Mme A...et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 8 avril 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Driencourt, président de chambre,
- Mme Mosser, président assesseur,
- M. Boissy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 29 avril 2016.
Le rapporteur,
L. BOISSYLe président,
L. DRIENCOURT
Le greffier,
A-L. PINTEAU
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
''
''
''
''
N° 15PA01315 3