Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 mars 2015 et un mémoire complémentaire enregistré le
16 septembre 2015, la société Burton, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1306861 du 10 mars 2015 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'entrepôt de Lognes, qui a succédé à celui qui était situé aux Ulis, se distingue de ce dernier non par les surfaces, installations techniques ou main d'oeuvre mais par l'introduction d'un logiciel informatique dont le coût de plus de 2 millions d'euros représente une fraction très significative du coût de revient des moyens techniques ; les installations corporelles sont constituées pour l'essentiel de racks, portiques et petits engins roulants tels qu'on les retrouve aujourd'hui dans les magasins de détail ; les notions d'outillage et de force motrice ne sauraient être considérées comme comprenant les logiciels ; la mise en place d'un logiciel sophistiqué de gestion des flux ne suffit pas à conférer la qualité d'établissement industriel ; dès lors, les installations techniques, matériels et outillages de l'établissement de Lognes ne sauraient être regardés comme importants ;
- le prix de revient de l'immeuble terrain compris est de 8 320 836 euros, à comparer au prix de revient du matériel de stockage et de manutention qui n'est que de 5 961 563 euros dont plus
de 2 millions d'euros d'immatériel ; seule la préparation des commandes fait appel à des matériels de tri, à savoir des convoyeurs reliés au système informatique dont le fonctionnement requiert l'intervention de dix salariés ; doivent être exclus, au titre de l'appréciation du critère de la prépondérance, les installations techniques, matériels et outillages intervenant essentiellement dans des fonctions de support ; les tâches telles que l'emballage et le déchargement des produits stockés à plat, la réception et l'accrochage des articles sur cintres, le comptage et le contrôle, le " picking ", le remplissage et le déchargement des bacs, ainsi que la pose de films sur les palettes, sont effectuées manuellement ; les moyens techniques ne permettent pas une manipulation entièrement informatisée et mécanisée des produits réceptionnés, stockés puis réexpédiés ; les dépenses de personnel représentaient en 2010 29 % du coût logistique total des plateformes ; l'intervention humaine est significative et prépondérante dans le fonctionnement de l'entrepôt ;
Par un mémoire en défense enregistré le 27 juillet 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Cheylan, premier conseiller,
- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public.
1. Considérant que la société Burton exploitait pendant les années en litige à Lognes
(Seine-et-Marne) un entrepôt d'une surface au sol de 12 000 m2, affectée à concurrence de 11 000 m2 à la centralisation des achats d'articles d'habillement dans l'attente de leur livraison aux magasins de l'enseigne Burton ; qu'elle a déterminé la valeur locative de cet entrepôt suivant les règles définies pour les locaux commerciaux ; qu'à l'occasion d'une vérification de comptabilité, l'administration a estimé que l'établissement de Lognes devait être regardé comme industriel au sens de l'article 1499 du code général des impôts ; que, par une proposition de rectification du
16 décembre 2011, l'administration a informé la société Burton qu'elle entendait procéder au titre des années 2009 à 2011 à un rehaussement de ses bases imposables à la taxe professionnelle et à la cotisation foncière des entreprises à hauteur de l'écart de valeur locative constaté entre l'évaluation retenue par la société et celle résultant de la méthode applicable aux établissements industriels ; que la société Burton relève appel du jugement du 10 mars 2015 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires qui ont été assignées à la société Burton à la suite de ce contrôle ;
Sur l'application de la loi fiscale :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1467 du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2010 : " La taxe professionnelle a pour base : / 1° Dans le cas des contribuables autres que ceux visés au 2° : / a. la valeur locative, telle qu'elle est définie aux articles 1469, 1518 A et 1518 B, des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de celles qui ont été détruites ou cédées au cours de la même période ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 1469 du même code, en vigueur avant le 1er janvier 2010 : " La valeur locative est déterminée comme suit : / 1° Pour les biens passibles d'une taxe foncière, elle est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe ; (...) " ; que l'article 1467 dispose, dans sa rédaction applicable aux impositions établies au titre des années 2010 et 2011 : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11° et 12° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période. (...) " ; que les règles suivant lesquelles est déterminée la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties sont définies différemment, à l'article 1496 du code général des impôts pour ce qui est des locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice soit d'une activité salariée à domicile, soit d'une activité professionnelle non commerciale, à l'article 1498 en ce qui concerne tous les biens autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel visés au I de l'article 1496, et à
l'article 1499 s'agissant des immobilisations industrielles ; que revêtent un caractère industriel, au sens de cet article, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Burton dispose, dans son établissement de Lognes, d'une plate-forme logistique répartie sur trois niveaux, équipée de
douze quais de chargement et d'expédition ; qu'elle utilise pour le fonctionnement de cette plateforme quatre machines de tri automatisées d'une longueur totale de 1 215 mètres, des convoyeurs et une housseuse automatique pour vêtements suspendus, inscrits à son actif pour un montant total de 5 771 563 euros ; qu'ainsi, et alors même que cette valeur d'actif comprendrait à concurrence de 2 000 000 d'euros le coût du logiciel informatique de gestion des stocks, les moyens techniques utilisés doivent être regardés comme importants ; que ces moyens permettent à la société, qui employait 16 personnes sur le site pendant les années en litige, de réceptionner, de contrôler puis de réexpédier vers les magasins de l'enseigne Burton 15 000 pièces par jour, soit plus de 930 pièces par jour et par employé ; que la société utilise un système informatique " Wes Habillement " assurant la gestion des stocks, leur réapprovisionnement, la préparation des commandes ainsi que la coordination des déplacements des agents dans l'entrepôt ; que le traitement des différents articles et leur stockage diffère selon qu'il s'agit de produits conditionnés à plat, d'articles présentés sur des cintres ou d'articles reçus en vrac ; que les produits conditionnés à plat, qui sont livrés sur des palettes regroupant une même catégorie d'articles conformément au cahier des charges imposé aux fournisseurs sont, une fois contrôlés par un agent au moyen d'un terminal portatif, entreposés sur l'emplacement de stockage désigné par le système informatique ; que les articles réceptionnés sur cintres sont accrochés sur des trolleys par des opérateurs, sont enregistrés par un agent au moyen d'un terminal portatif puis sont transférés sur un portant de la chaîne automatisée afin d'être acheminés aux étages supérieurs par un rail vers l'emplacement de stockage désigné par le système informatique ; que les articles en vrac sont acheminés par convoyeurs vers une zone de tri automatisée spécifique dotée d'une trieuse qui scanne les cartons et les regroupe par référence afin de constituer des palettes comprenant des produits de même catégorie qui sont ensuite transférées vers un poste de contrôle et de comptage accéléré ; qu'en ce qui concerne la préparation des commandes, un agent chargé du " picking " collecte au moyen d'un engin de type " gerbeur ", en fonction des indications du système informatique, les articles stockés à plat dans des bacs qui sont acheminés vers une machine de tri automatisée employant dix agents ; que cette machine, qui est un convoyeur circulaire doté de 220 entrées et dont la capacité de traitement effective est de
3 000 pièces par heure, fait défiler des plateaux devant les agents chargés de les alimenter, lit le code barre apposé par le fournisseur, identifie l'article et son adresse d'expédition et le dépose dans le carton correspondant à ladite adresse ; que la préparation des articles sur cintres se déroule selon des modalités similaires, à l'exception des articles entreposés dans une zone de " picking " manuelle, ces derniers étant disposés manuellement sur des trolleys roulants puis acheminés vers une machine de tri automatisée ; qu'une fois arrivés en zone de livraison, ces articles sur cintres sont emballés dans des housses en film plastique à l'aide d'une housseuse automatique pour vêtements suspendus ; que la société fait valoir que ces moyens techniques ne permettent pas une manipulation entièrement informatisée et mécanisée des articles stockés ; que toutefois, la capacité de traitement des machines de tri automatisées dans un entrepôt qui ne compte en moyenne que 16 employés et le système informatique mis en oeuvre, font obstacle à ce que l'intervention manuelle puisse être regardée comme étant prépondérante dans le fonctionnement de cet entrepôt ; que, contrairement à ce que soutient la société, le critère tenant au rôle prépondérant n'est pas subordonné au constat d'une part majoritaire des moyens techniques concernés dans la valeur des éléments d'actif mentionnés au bilan ; que, compte tenu de ce qui vient d'être dit sur le mode de fonctionnement des installations et équipements ci-dessus mentionnés, les moyens techniques utilisés sur le site de Lognes doivent être regardés comme jouant un rôle prépondérant dans l'activité que la société Burton y exerce ; qu'ainsi, cet établissement revêt un caractère industriel au sens de l'article 1499 du code général des impôts ; que dès lors, c'est par une exacte application des dispositions précitées que l'administration a évalué la valeur locative de cet entrepôt selon la méthode applicable aux établissements industriels ;
Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :
4. Considérant que la société requérante cite les commentaires administratifs reproduits dans la documentation de base 6C-251 n° 1, selon lesquels les établissements où sont réalisées des opérations de manipulation ou des prestations de services doivent être regardés comme des établissements industriels lorsque le rôle de l'outillage et de la force motrice y est prépondérant ; que toutefois, ces commentaires ne contiennent pas d'interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application par le présent arrêt ; qu'ainsi, la société requérante ne peut utilement s'en prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Burton n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante en la présente instance, verse à la société Burton la somme qu'elle demande sur ce fondement ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Burton est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Burton et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction des vérifications nationales et internationales.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Driencourt, président de chambre,
- Mme Mosser, président assesseur,
- M. Cheylan, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 avril 2016.
Le rapporteur,
F. CHEYLAN Le président,
L. DRIENCOURT
Le greffier,
A-L. PINTEAU
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA01306