Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 mai 2014 et
30 septembre 2015, la société en nom collectif Invest OM 178, représentée par le cabinet Camille et associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1300399 du 11 février 2014 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée soit la somme de
2 759 318 F CFP ;
3°) de mettre à la charge du Gouvernement de la Polynésie française le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal, qui a retenu l'existence d'une fraude à la loi alors que l'administration n'avait pas invoqué d'abus de droit, a statué ultra petita ; le tribunal n'a jamais invité les parties à s'expliquer sur le moyen tiré de l'abus de droit qu'il envisageait de retenir d'office, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;
- l'impossibilité d'invoquer après l'expiration du délai de recours contentieux des moyens nouveaux relatifs à la procédure d'imposition, prive la société d'un droit à un procès équitable et effectif ; en tout état de cause, l'article L. 199 du livre des procédures fiscales est applicable devant la présente Cour même lorsque celle-ci est saisie d'un jugement relatif à un litige né sur un territoire où ce texte n'est pas applicable ;
- dans ses réponses aux observations du contribuable, l'administration n'indique pas les raisons de fait pour lesquelles elle oppose un refus à la demande de communication de documents ; ces réponses sont insuffisamment motivées ;
- les droits de la défense ont été méconnus dès lors que les redressements ont nécessairement été fondés sur les renseignements obtenus auprès de tiers, la société n'ayant eu aucun contact avec l'administration fiscale avant la notification de redressement ; l'administration ne précise pas les constatations auxquelles elle a procédé ni les documents qu'elle a consultés ; si la société a été informée du nom du tiers auprès duquel l'administration a exercé son droit de communication, elle ignorait la nature du document consulté ;
- l'administration doit justifier de l'existence et du respect des prescriptions de la convention entre la Polynésie française et le Trésor public, à laquelle fait référence l'article L. 711-1 du code des impôts ; il appartient à l'administration de justifier que le signataire des deux avis de mise en recouvrement disposait d'une délégation régulièrement publiée ; les avis de mise en recouvrement nos 00107 et 00108 notifiés par l'administration renvoient s'agissant des éléments de calcul à une notification de redressements du 31 octobre 2011 qui n'a jamais existée et à une lettre de motivation datée du même jour et qui ne comporte aucune motivation des intérêts de retard en ce qui concerne leurs modalités de calcul (taux, période) ;
- l'administration n'apporte pas les éléments suffisants permettant de retenir que la facture ne correspond pas à une opération réelle ; la facture comporte les mentions prévues par les textes ;
- en ce qui concerne le flux financier, la production d'extrait de son compte bancaire n'était pas nécessaire, dès lors que l'Administration a effectué une vérification de comptabilité de la société à responsabilité limitée (SARL) Sofipac, représentante fiscale de la société en nom collectif requérante, et qu'à cette occasion, elle a pu constater tous les virements effectués par chacune des 120 sociétés en nom collectif gérées par la SARL Parso et dont les redressements sont contestés ;
- elle justifie de l'achat des biens et du paiement du prix ; le bon de livraison comporte les mentions nécessaires et le document est visé par la mairie ; la preuve de la livraison est suffisamment établie ;
- le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée n'est pas subordonné à la condition que le bien acquis soit neuf.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2015, le Gouvernement de la Polynésie française, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement la somme de 2 000 euros soit mis à la charge de la SNC Invest OM 178 sur le fondement de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la société en nom collectif Invest OM 178 fait partie des sociétés qui ont participé à un système de fausses factures élaboré par le cabinet de défiscalisation Sofipac permettant d'obtenir des remboursements de crédits de taxe sur la valeur ajoutée indus ;
- le tribunal administratif n'a pas statué ultra petita ;
- les redressements dont a fait l'objet la société en nom collectif Invest OM 178 ne se sont pas fondés sur les informations obtenues auprès de tiers, mais bien sur les informations propres à la société en cause et malgré l'impossibilité pour l'administration de communiquer les pièces sollicitées, elle a respecté son obligation d'information en indiquant l'identité du tiers auprès duquel la procédure a été diligentée et la nature du document ;
- la taxe dont l'entreprise peut opérer la déduction doit être justifiée par une facture d'achat conforme et correspondre à une opération réelle ; les factures produites sont des fausses factures et les moyens contraires doivent être rejetés ; les documents produits donnent l'apparence de la réalité de l'opération mais ne permettent pas de s'assurer de l'identité des biens ; la société n'a pas respecté les conditions de forme de la facture ; il est impossible de s'assurer que les biens mentionnés sur les factures sont ceux figurant dans le contrat d'acquisition de biens mobiliers, du contrat de location ou du procès verbal de livraison et de prise en charge qui ont été présentés par la société en nom collectif Invest OM 178 à l'appui de son dossier ; la société en nom collectif Invest OM 178 n'apporte aucune précision quant aux dates de livraison des biens, ne mentionne pas le nom des compagnies et l'identité des navires ayant livré le matériel et ne présente pas les documents d'expédition jusqu'à l'exploitant ; il existe une incohérence quant à la capacité financière de la société à défiscaliser des biens pour un montant supérieur à 95 000 F CFP ; la société en nom collectif Invest OM 178 ne présente pas de justificatif probant qui attesterait du versement d'une somme à son fournisseur ; la fictivité des opérations est suffisamment établie ;
- le dispositif de défiscalisation prévu par l'article 199 undecies B du code général des impôts vise les investissements productifs neufs ; il appartenait à la société en nom collectif, qui ne pouvait ignorer investir dans des biens neufs, de procéder aux vérifications nécessaires auprès de son représentant fiscal ;
- les intérêts de retard ont été appliqués à bon droit.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française, ensemble la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- l'ordonnance n° 98-581 du 8 juillet 1998 portant actualisation et adaptation des règles relatives aux garanties de recouvrement et à la procédure contentieuse en matière d'impôts en Polynésie française ;
- le code des impôts de la Polynésie française ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mosser, président assesseur ;
- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public.
1. Considérant que la société en nom collectif (SNC) Invest OM 178 a conclu le
10 avril 2008, dans le cadre d'une opération de défiscalisation des investissements outre-mer, une convention prévoyant l'acquisition auprès de la société Tamanu Terrassement d'une pelle hydraulique Komatsu 209 et d'une remorque Menci pour un montant hors taxes de
33 791 724 F CFP ; que la société Timanu Terrassement a établi le 10 avril 2008 pour la vente de ce matériel une facture mentionnant un montant hors taxes de 33 611 724 F CFP et une taxe sur la valeur ajoutée de 5 377 876 F CFP ; que par un contrat de location signé le même jour, la SNC Invest OM 178 a mis ce matériel à la disposition de l'entreprise Tamanu Terrassement pour une durée de cinq ans ; que la SNC Invest OM 178 a obtenu le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'achat dudit bien au titre des années 2008, 2009 et 2010 ; que l'administration, qui a estimé que la facture établie par la société Timanu Terrassement présentait un caractère fictif, a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'achat du matériel ; que, par une notification de redressements du 6 septembre 2011, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont en conséquence été notifiés à la SNC Invest OM 178 suivant une procédure de redressement contradictoire ; que la SNC Invest OM 178 relève appel du jugement 11 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Polynésie française a rejeté sa demande en décharge ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que la société requérante soutient que le tribunal, en retenant l'existence d'une fraude à la loi alors que l'administration n'avait pas invoqué d'abus de droit, a statué ultra petita ; que, pour admettre le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux, les premiers juges se sont fondés sur le caractère fictif de la facture établie par la société Timanu Terrassement au titre de la vente de divers biens mobiliers ; qu'en se fondant également, pour rejeter la demande de la société requérante, sur un motif qui n'était pas invoqué par le service des contributions de la Polynésie française et qui n'était pas d'ordre public, tiré de ce que les opérations effectuées par la SNC Invest OM 178 en vue de permettre à ses associés de bénéficier de différents dispositifs de défiscalisation " [relevaient] d'un montage excluant tout risque financier, dont le but [était] exclusivement fiscal et [étaient] ainsi révélatrices d'une fraude à la loi ", les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité dès lors que ce motif était surabondant ; que, pour le même motif, la SNC Invest OM 178 n'est pas davantage fondée à soutenir que les premiers juges auraient entaché d'irrégularité le jugement attaqué en retenant d'office ce moyen sans avoir préalablement procédé à l'information des parties exigée par les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions à fin de décharge :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la loi organique n° 2004-192 du
27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française: " Dans les matières qui relèvent de la compétence de l'Etat, sont applicables en Polynésie française les dispositions législatives et réglementaires qui comportent une mention expresse à cette fin. / Par dérogation au premier alinéa, sont applicables de plein droit en Polynésie française, sans préjudice de dispositions les adaptant à son organisation particulière, les dispositions législatives et réglementaires qui sont relatives : / 6° A la procédure administrative contentieuse (...) " et qu'aux termes de l'article 14 de la même loi : " Les autorités de l'Etat sont compétentes dans les seules matières suivantes : / 2° (...) justice : (...) procédure administrative contentieuse (...) " ;
4. Considérant que les dispositions de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales, qui prévoient que le contribuable peut, dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicités, faire valoir tout moyen nouveau jusqu'à la clôture de l'instruction, relèvent de la catégorie des règles de procédure administrative contentieuse au sens du 2° de l'article 14 de la loi organique précitée ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles 7 et 14 de la loi organique que les dispositions de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales sont applicables en Polynésie française ; que les dispositions de l'ordonnance susvisée du 8 juillet 1998 ne prévoient aucune adaptation de la règle prévue par l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales ; que la société requérante pouvait dès lors invoquer des moyens relatifs à la procédure d'imposition postérieurement à l'expiration du délai de recours contentieux ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Quant à la motivation des réponses aux observations du contribuable :
5. Considérant qu'aux termes du 2 de l'article LP. 421-1 du code des impôts de la Polynésie française : " L'administration fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. / (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit également être motivée. " ;
6. Considérant que la société fait valoir que l'administration a omis d'indiquer dans ses réponses aux observations du contribuable les raisons de fait pour lesquelles elle oppose un refus à la demande de communication de documents ; que, toutefois, les dispositions précitées n'imposent pas à l'administration de motiver un tel refus dans sa réponse aux observations du contribuable ; qu'en tout état de cause, l'administration répond sur ce point en précisant qu'elle ne peut communiquer des documents qui ne sont pas en sa possession mais dont elle a seulement pris connaissance lors de la vérification de comptabilité d'un tiers ; qu'en outre, en indiquant que la société ne peut produire de document probant justifiant la réalité et la livraison des matériels vendus et en relevant l'absence de justification d'un versement effectif du prix à la société Timanu Terrassement, l'administration a suffisamment répondu aux observations du contribuable ; que dès lors la réponse du 6 mai 2011 est suffisamment motivée au regard des exigences de
l'article LP. 421-1 du code des impôts de la Polynésie française ;
Quant aux renseignements obtenus de tiers :
7. Considérant que la société requérante fait valoir qu'elle n'a pas eu communication des documents sur lesquels l'administration s'est fondée pour procéder aux redressements en litige ; qu'il ne ressort pas toutefois des termes de la réponse aux observations du contribuable du
31 octobre 2011 que l'administration, qui s'est notamment fondée sur les informations recueillies lors des procédures de contrôle de la société Tamanu Terrassement pour établir les rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux, et qui a retenu que le financement des biens par l'utilisateur n'a pas pu être justifié, qu'elle n'était pas en possession des documents consultés lors de ces contrôles ; que les mentions qui y figurent, prévalent, à moins qu'il ne soit établi par des faits précis qu'elles sont inexactes ; que, pour le même motif, la société ne peut utilement soutenir que l'administration aurait obtenu des documents auprès d'un tiers sans justifier de la qualité de l'agent ayant exercé le droit de communication ; que l'administration a informé la société, dans ses réponses aux observations du contribuable, que l'examen des documents comptables présentés par la société
Tamanu Terrassement ne faisait apparaître aucun justificatif du financement des biens par l'utilisateur, ce qui ne permettait pas de vérifier la sincérité du prix facturé ; qu'ainsi, l'administration a informé la redevable de la teneur et de l'origine des renseignements obtenus auprès de la société Tamanu Terrassement ; que le moyen ne peut dès lors qu'être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'imposition serait entachée d'irrégularité ;
En ce qui concerne la régularité des avis de mise en recouvrement :
9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 711-1 du code des impôts de la Polynésie française : " Le recouvrement des impôts faisant l'objet de rôles est confié au payeur de la Polynésie française assisté, le cas échéant, par des agents désignés à cet effet. / Le recouvrement de la taxe sur la valeur ajoutée (...) est assuré par la recette des impôts, assistée, pour les subdivisions autres que celle des îles du Vent, des agents spéciaux et des comptables subordonnés du Trésor. Une convention entre la Polynésie française et le Trésor public réglera les modalités d'intervention de ces comptables. " ;
10. Considérant que la société requérante soutient qu'il appartient à l'administration de justifier de l'existence et du respect des prescriptions de la convention entre la Polynésie française et le Trésor public à laquelle fait référence l'article 711-1 du code des impôts de la Polynésie française ; que, toutefois, de telles dispositions, relatives aux modalités d'organisation administrative des services fiscaux, sont sans incidence sur la régularité des avis de mise en recouvrement ; que le moyen ne peut dès lors qu'être écarté ;
11. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article LP. 715-1 du code des impôts de la Polynésie française : " 1 - Un avis de mise en recouvrement est adressé par le receveur des impôts à tout redevable de sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. / 2 - L'avis de mise en recouvrement est individuel ou collectif. Il est signé et rendu exécutoire par le Président de la Polynésie française ou son délégué. (...) " ; que l'article 715-4 du même code dispose : " L'avis de mise en recouvrement individuel est établi en deux exemplaires. L'original est déposé à la recette des impôts et l'ampliation est notifiée au redevable. " ; qu'aux termes de l'article 715-7 du même code : " Les avis de mise en recouvrement et les mises en demeure peuvent être signés et rendus exécutoires, sous l'autorité et la responsabilité du comptable, par les agents ayant au moins le grade de contrôleur. " ;
12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ont fait l'objet de deux avis de mise en recouvrement datés du 11 avril 2012 ; que ces avis de mise en recouvrement mentionnent le nom du signataire, M. A...C..., et indiquent que ce dernier a le grade d'inspecteur ; que, par une instruction du 11 mai 2011 régulièrement publiée au Journal officiel de la Polynésie française du 27 mai 2011, M. A...C...a reçu du comptable, receveur des impôts, responsable de la recette particulière des impôts de Polynésie française, délégation permanente à l'effet de signer, au nom de celui-ci, les avis de mise en recouvrement ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que ces avis de mise en recouvrement n'auraient pas été signés par un agent habilité ;
13. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 715-2 du code des impôts de la Polynésie française : " L'avis de mise en recouvrement individuel comporte : / (...) 2°) les éléments de calcul et le montant des droits et des pénalités, indemnités ou intérêts de retard, qui constituent la créance. / Toutefois, les éléments de calcul peuvent être remplacés par le renvoi au document sur lequel ils figurent lorsque ce document a été établi ou signé par le contribuable ou son mandataire ou lui a été notifié antérieurement. (...) " ;
14. Considérant que les avis de mise en recouvrement établis le 11 avril 2012 renvoient à un document du 31 octobre 2011 qui contient les éléments de calcul des droits et des pénalités, à savoir la réponse aux observations du contribuable du 31 octobre 2011 que la société ne conteste pas avoir reçue ; que ladite réponse fait elle-même explicitement référence à la notification de redressements du 6 septembre 2011 qui indique le taux et les modalités de calcul des intérêts de retard ; qu'ainsi, et alors même que ces avis mentionnent par erreur une " notification de redressements " du
31 octobre 2011, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait méconnu les dispositions précitées de l'article 715-2 ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
15. Considérant qu'aux termes de l'article 345-4 du code des impôts de la Polynésie française : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / Pour ouvrir droit à déduction, la dépense engagée doit être nécessaire à l'exploitation et affectée exclusivement aux besoins de l'exploitation. (...) " ; que l'article 345-10 du même code dispose : " La taxe dont les assujettis peuvent opérer la déduction est : / (...) celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs fournisseurs, dans la mesure où ceux-ci étaient eux-mêmes autorisés à faire figurer la taxe sur la valeur ajoutée sur ces factures. " ; qu'aux termes de l'article 345-15 du même code : " La déduction initialement opérée fait l'objet d'une régularisation, par imputation ou remboursement, lorsque la déduction s'avère supérieure ou inférieure à celle que l'assujetti était en droit d'opérer ou lorsque des modifications des éléments ayant servi à déterminer le montant des déductions sont intervenues postérieurement à la déclaration, notamment : / (...) lorsqu'une facture ou le document en tenant lieu ne correspond pas effectivement à la livraison d'un bien ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur (...) " ;
16. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles précités du code des impôts de la Polynésie française, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de service ; que dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ;
17. Considérant qu'il est constant que le matériel en litige a été facturé par la société Tamanu Terrassement, société régulièrement inscrite au registre du commerce et des sociétés de Papeete et assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'administration, pour refuser à la SNC Invest OM 178 le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture de la société Tamanu Terrassement, fait valoir, d'une part, que cette facture ne comporte qu'une désignation générique des biens cédés et ne contient aucune valorisation précise des biens et, d'autre part, qu'elle a procédé à des contrôles de la société Tamanu Terrassement mises en oeuvre en juin 2011 au cours desquels la société Tamanu Terrassement n'avait pu justifier du financement des biens par l'utilisateur, ce qui ne permettait pas de vérifier la qualité de biens neufs des investissements et la sincérité du prix facturé ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant des éléments suffisants de nature à mettre en cause la réalité de l'opération réalisée ; que les pièces produites par la société requérante, à savoir un contrat de location signé le 10 avril 2008 ne donne aucune indication précise sur le matériel loué permettant de l'identifier ; que les attestations de règlement d'échéance fournies, qui sont établies par les parties contractantes elles-mêmes et ne sont accompagnées d'aucun justificatif bancaire, ne suffisent pas à établir la réalité des versements en cause ; que ni les photographies produites, ni les attestations d'assurance et justificatifs d'immatriculation de véhicules ne permettent de retenir que ces documents seraient relatifs aux biens en litige ; qu'ainsi, la société n'établit pas que le représentant fiscal aurait procédé au versement à la société Tamanu Terrassement de sommes correspondant au montant de l'investissement ; que, par suite et alors même que le procès-verbal de livraison comporte le tampon d'une commune dont le nom est en outre illisible, la SNC Invest OM 178 n'apporte pas de justifications suffisantes de la réalité de la livraison de matériel facturée ; que, par suite, l'administration, qui n'avait pas à constater l'inexistence des biens loués chez le locataire, était fondée à refuser la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture établie par la société Tamanu Terrassement ;
18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SNC Invest OM 178 n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la
Polynésie française a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la SNC Invest OM 178 au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SNC Invest OM 178 le versement de la somme de 500 euros au titre des frais exposés par la Polynésie française et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SNC Invest OM 178 est rejetée.
Article 2 : La SNC Invest OM 178 versera à la Polynésie française une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société en nom collectif Invest OM 178 et à la Polynésie française.
Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 5 février 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Driencourt, président de chambre,
- Mme Mosser, président assesseur,
- M. Boissy, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 19 février 2016.
Le rapporteur,
G. MOSSERLe président,
L. DRIENCOURT
Le greffier,
A-L. PINTEAU
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA02127