Procédure devant la Cour :
I°) Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 août 2014 et
7 septembre 2015, sous le n° 14PA03507, M.B..., représenté par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008
à 2011 ;
3°) à titre subsidiaire, de juger que l'imposition sur ses revenus perçus en
Nouvelle-Calédonie doit être calculée dans les conditions prévues par le II de l'article 58 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie en fonction d'un quotient familial de deux parts ;
4°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie le versement d'une somme de
5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B...soutient que :
- il doit être regardé, à titre principal, comme étant résident fiscal néo-calédonien au cours des années 2008 à 2011 par application des critères posés l'article 4 de la convention fiscale franco-calédonienne et ainsi bénéficier du barème progressif de l'impôt sur le revenu prévu par le I de l'article 136 du code territorial des impôts ;
- à titre subsidiaire, à supposer qu'il soit résident fiscal en France, il doit être imposé au barème progressif de l'impôt néo-calédonien calculé selon le I de l'article 136 sur l'ensemble de ses revenus dès lors que le taux de cet impôt est inférieur aux taux de prélèvement forfaitaire
de 25 % ;
- il doit bénéficier du quotient familial de deux parts prévu par les articles Lp 58-II et 132 du code territorial des impôts dès lors que, d'une part, il est victime d'une discrimination au regard de son droit à la libre circulation consacré à l'article 39 du traité sur l'Union européenne et à l'article 2 du protocole additionnel n°4 annexé à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et au regard du principe général de
non-discrimination définie par les articles 10 et 18 du traité de fonctionnement de l'Union européenne et que, d'autre part, l'administration a fait une inexacte application de l'article 133 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie et de l'article 22 de la convention
franco-calédonienne.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2015, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, représenté par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 1300406-1400108 du tribunal administratif de
Nouvelle-Calédonie en date du 5 juin 2014 ;
2°) de rejeter la demande de M.B... ;
3°) de mettre à la charge de M. B...le versement d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie soutient que :
- le tribunal administratif, en n'ordonnant pas un supplément d'instruction, a méconnu l'étendue de sa compétence et ainsi entaché le jugement attaqué d'irrégularité ;
- M. B...est fiscalement domicilié... ;
- M. B...ne doit pas être imposé en application du I de l'article Lp 58 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie dès lors qu'il a la qualité de résident fiscal.
II°) Par une requête, enregistrée le 8 septembre 2014 sous le n° 14PA03917, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie, représenté par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 1300406-1400108 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en date du 5 juin 2014 ;
2°) de rejeter la demande de M.B... ;
3°) de mettre à la charge de M. B...le versement d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie soutient que :
- le tribunal administratif, en n'ordonnant pas un supplément d'instruction, a méconnu l'étendue de sa compétence et ainsi entaché le jugement attaqué d'irrégularité ;
- M. B...est fiscalement domicilié... ;
- M. B...ne doit pas être imposé en application du I de l'article Lp 58 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie dès lors qu'il a la qualité de résident fiscal.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2015, M.B..., représenté par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 à 2011 ;
3°) à titre subsidiaire, de juger que l'imposition sur ses revenus perçus en
Nouvelle-Calédonie doit être calculée dans les conditions prévues par le II de l'article 58 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie en fonction d'un quotient familial de deux parts ;
4°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie le versement d'une somme de
5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B...soutient que :
- il doit être regardé, à titre principal, comme étant résident fiscal néo-calédonien au cours des années 2008 à 2011 par application des critères posés l'article 4 de la convention fiscale franco-calédonienne et ainsi bénéficier du barème progressif de l'impôt sur le revenu prévu par le I de l'article 136 du code territorial des impôts ;
- à titre subsidiaire, à supposer qu'il soit résident fiscal en France, il doit être imposé au barème progressif de l'impôt néo-calédonien calculé selon le I de l'article 136 sur l'ensemble de ses revenus dès lors que le taux de cet impôt est inférieur aux taux de prélèvement forfaitaire
de 25 % ;
- il doit bénéficier du quotient familial de deux parts prévu par les articles Lp 58-II et 132 du code territorial des impôts dès lors que, d'une part, il est victime d'une discrimination au regard de son droit à la libre circulation consacré à l'article 39 du traité sur l'Union européenne et à l'article 2 du protocole additionnel n°4 annexé à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et au regard du principe général de non-discrimination définie par les articles 10 et 18 du traité de fonctionnement de l'Union européenne et que, d'autre part, l'administration a fait une inexacte application de l'article 133 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie et de l'article 22 de la convention franco-calédonienne.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil de Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et Dépendances en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale, approuvée et publiée par la loi n° 83-676 du 26 juillet 1983 ;
- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;
- le code général des impôts ;
- le code des impôts de la Nouvelle-Calédonie ;
- la loi du pays n° 2010-3 du 21 janvier 2010 portant diverses dispositions d'ordre fiscal ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Boissy, rapporteur,
- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public ;
- et les observations de Me C...pour le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
1. Considérant que les requêtes enregistrées sous les nos 14PA03507 et 14PA03917 sont relatives à un même jugement rendu par le tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que M.B..., fonctionnaire dépendant du ministère de l'Education nationale, a été affecté, entre juillet 2008 et juillet 2012, sur le territoire de la
Nouvelle-Calédonie ; qu'à la suite de contrôles sur pièces effectués en 2011 et 2012 par l'administration fiscale calédonienne, M. B...a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de ses revenus perçus sur le territoire au cours des années 2008
à 2011 qui ont été mises en recouvrement les 28 février et 30 novembre 2013 ; que les réclamations présentées par M. B... les 15 mai et 17 décembre 2013 ont été respectivement rejetées les 27 septembre et 27 décembre 2013 ; que, par un jugement du 5 juin 2014, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, d'une part, a décidé que " pour le cas où l'imposition de M. B...sur les revenus qu'il a perçus en Nouvelle-Calédonie entre 2008 et 2011, calculée en application de l'article Lp. 58 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, serait moins élevée que celle à laquelle il a été assujetti, il lui est accordé décharge de la différence entre les sommes qu'il a payées et les nouveaux montants dus " et, d'autre part, a rejeté le surplus de sa demande ; que M. B...et le gouvernement de Nouvelle-Calédonie relèvent appel de ce jugement ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation et de décharge :
3. Considérant qu'il ressort des points 15 et 18 ainsi que de l'article 1er du dispositif du jugement attaqué que le tribunal, après avoir estimé que les revenus professionnels perçus par M. B... sur le territoire au cours des années 2008 à 2011 ne devaient pas faire l'objet d'une imposition selon le barème progressif servant au calcul de l'impôt sur le revenu en application du I de l'article 136 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie mais qu'ils étaient soumis au prélèvement forfaitaire prévu par l'article Lp 58 du même code, a décidé, d'une part, que, " pour le cas où l'imposition de M. B...sur les revenus qu'il a perçus en Nouvelle-Calédonie entre 2008 et 2011, calculée en application de l'article Lp. 58 du code des impôts de la
Nouvelle-Calédonie, serait moins élevée que celle à laquelle il a été assujetti, il lui est accordé décharge de la différence entre les sommes qu'il a payées et les nouveaux montants dus " et, d'autre part, de rejeter " le surplus de sa demande " ;
4. Considérant qu'en prononçant une décharge hypothétique et en rejetant, de manière indéterminable, le surplus de la demande de décharge présentée par M. B...alors qu'il lui appartenait d'abord de faire usage de ses pouvoirs d'instruction pour déterminer le montant des impôts résultant de l'application de l'article Lp 58 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie puis d'en tirer les conséquences sur le litige qui lui était soumis, les premiers juges n'ont pas complètement rempli la mission juridictionnelle qui est la leur et ont ainsi entaché le jugement attaqué d'une irrégularité ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des parties, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est fondé à en demander l'annulation ;
5. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes de M.B... ;
6. Considérant que les demandes enregistrées devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie sous les nos 1300406 et 1400108 ont été présentées par un même contribuable, sont relatives à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de quatre années consécutives pour un même motif et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
En ce qui concerne la domiciliation fiscale :
7. Considérant qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts :
" Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française " ; qu'aux termes de l'article 4 B de ce code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a) Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b) Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c) Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques (...) " ; que, pour l'application des dispositions du a) du 1 de l'article 4 B, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles, et le lieu du séjour principal du contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 47 du code des impôts de la
Nouvelle-Calédonie : " Les personnes qui ont en Nouvelle-Calédonie leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus, sauf dispositions contraires des conventions ou accords relatifs aux doubles impositions. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de Nouvelle-Calédonie sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source territoriale " ; qu'aux termes de l'article 48 du même code, dans sa version applicable aux années d'imposition 2008 et 2009 : " Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en Nouvelle-Calédonie : / a) Les personnes qui ont en Nouvelle-Calédonie leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / b) Celles qui exercent en Nouvelle-Calédonie une activité professionnelle salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; / c) celles qui ont en Nouvelle-Calédonie le centre de leurs intérêts économiques " ; que l'article 3 de la loi de pays n° 2010-3 du 21 janvier 2010 a inséré un quatrième alinéa à cet article 48 aux termes duquel : " Pour les personnes mariées ou liées par un pacte civil de solidarité, le domicile fiscal s'apprécie uniquement en fonction de la situation personnelle de chacun des conjoints ou partenaires au regard des critères énumérés ci-dessus " ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours des années 2008 à 2012, M. B..., fonctionnaire de l'éducation nationale, a été affecté sur le territoire de la
Nouvelle-Calédonie et y a exercé, de manière exclusive, une activité professionnelle rémunérée par le vice-rectorat de Nouméa, tandis que son épouse, dont il n'est pas séparé et avec laquelle il n'a pas d'enfants, est restée vivre en métropole dans le bien immobilier dont ils sont propriétaires sur l'île de Noirmoutier ; que l'intéressé soutient, sans être contesté, qu'au cours de cette période, il n'a jamais quitté la Nouvelle-Calédonie, seule son épouse ayant effectué, à plusieurs reprises, des séjours sur le territoire ;
10. Considérant que M. B...doit ainsi être regardé à la fois comme ayant eu son foyer en métropole, pour l'application de l'article 4 B du code général des impôts, mais aussi comme ayant eu en Nouvelle-Calédonie le lieu de son séjour principal et de son activité professionnelle au sens de l'article 48 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie ; qu'afin de régler la question de la domiciliation fiscale de M. B...au cours des années en litige, il convient dès lors d'appliquer la convention franco-calédonienne ;
11. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la convention franco-calédonienne, qui a le caractère d'un acte de droit interne : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression " résident d'un territoire " désigne toute personne qui, en vertu de la législation de ce territoire, est assujettie à l'impôt dans ce territoire, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. Toutefois, cette expression ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l'impôt dans ce territoire que pour les revenus de sources situées dans ce territoire. / 2. Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne physique est un résident de deux territoires, sa situation est réglée de la manière suivante : / a) Cette personne est considérée comme un résident du territoire où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent ; si elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans les deux territoires, elle est considérée comme un résident du territoire avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux) ; / b) Si le territoire où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou si elle ne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des territoires, elle est considérée comme un résident du territoire où elle séjourne de façon habituelle ; / c) Si cette personne séjourne de façon habituelle dans les deux territoires ou si elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun d'eux, les autorités compétentes des territoires tranchent la question d'un commun accord (...) " ;
12. Considérant, d'une part, que les deux parties soutiennent toutes les deux que M. B... a son domicile fiscal sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie ; que, d'autre part, compte tenu de la situation exposée au point 10, M. B...doit être regardé comme ayant eu, au cours des années en litige, un foyer permanent d'habitation en métropole et sur le territoire de la Nouvelle Calédonie ; que l'intéressé doit également être réputé avoir eu des liens personnels et économiques étroits avec la métropole, où résidait son épouse et où il disposait d'un bien immobilier, et avec le territoire, sur lequel il n'est pas contesté qu'il a résidé de façon ininterrompue et dans lequel il a exercé l'intégralité de son activité professionnelle et perçu l'essentiel de ses revenus, sans que le centre de ses intérêts vitaux puisse être attribué à l'une ou à l'autre ; qu'il est par ailleurs constant que M.B..., au cours des années 2008 à 2011, n'a pas séjourné de manière habituelle en métropole mais seulement sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie ; que, dès lors, en application du b° du 2 de l'article 4 de la convention
franco-calédonienne, M. B... doit être regardé comme ayant eu la qualité de résident du territoire au cours des années en litige ;
En ce qui concerne le calcul de l'impôt sur le revenu :
13. Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la convention franco-calédonienne : " 4. (...) Les rémunérations, autres que les pensions, payées par l'Etat, une collectivité territoriale ou une personne morale de droit public à une personne physique ne sont imposables que dans le territoire dont le bénéficiaire est un résident (...) " ;
14. Considérant qu'aux termes de l'article 132 du code des impôts de la
Nouvelle-Calédonie : " Le revenu imposable (...) est égal au revenu net global déterminé conformément aux dispositions de l'article 128 et compte tenu de l'article 131. / Il est, pour le calcul de l'impôt sur le revenu des contribuables fiscalement domiciliés en Nouvelle-Calédonie et dépendances, divisé en un certain nombre de parts, fixé conformément à l'article 133 (...). / Le revenu correspondant à une part entière est taxé par application du tarif prévu à
l'article 136. L'impôt brut est égal au produit de la cotisation ainsi obtenue par le nombre de parts " ;
15. Considérant qu'aux termes de l'article 133 du code des impôts de la
Nouvelle-Calédonie, dans sa rédaction applicable aux années 2008 et 2009 : " Le nombre de parts à prendre en considération pour la division du revenu imposable prévue à l'article 132 2ème alinéa est fixé comme suit en fonction de la situation de famille : célibataire, divorcé, veuf ou veuve, sans enfant à charge : 1,0 / marié, sans enfant à charge : 2,0 (...) " ; qu'aux termes de l'article Lp 52 du même code : " I - Chaque contribuable est imposable à l'impôt sur le revenu tant en raison de ses bénéfices et revenus personnels que de ceux de ses enfants et des personnes considérées comme étant à sa charge au sens de l'article Lp 134. / Sauf application des dispositions figurant aux paragraphes III. et IV., les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles et ceux de leurs enfants et des personnes à charge constituant le foyer fiscal " ;
16. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 48, 133 et Lp 52 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, dans leur rédaction applicable aux années 2008 et 2009, que lorsqu'une personne dont le domicile fiscal est situé sur le territoire de la
Nouvelle-Calédonie est mariée à une personne qui n'a pas son domicile fiscal sur ce territoire, les revenus de cette dernière ne sont pas imposés en Nouvelle-Calédonie ; que, dans une telle situation, les époux ne peuvent donc pas être soumis, par l'administration fiscale calédonienne, à une imposition commune ; que, dans ces conditions, le seul époux fiscalement domicilié... ;
17. Considérant qu'aux termes de l'article 133 du code des impôts de la
Nouvelle-Calédonie, applicable aux années 2010 et 2011 : " Le nombre de parts à prendre en considération pour la division du revenu imposable prévue à l'article 132 2ème alinéa est fixé comme suit en fonction de la situation de famille : / célibataire, divorcé, veuf ou veuve, sans enfant à charge : 1,0 / mariés, soumis à une imposition commune, sans enfant à charge : 2,0 (...) " ; qu'aux termes de l'article Lp 52 du même code : " I - Chaque contribuable est imposable à l'impôt sur le revenu tant en raison de ses bénéfices et revenus personnels que de ceux de ses enfants et des personnes considérées comme étant à sa charge au sens de l'article Lp. 134. /
Sauf application des dispositions figurant aux paragraphes III. et IV. , les personnes mariées ayant chacune leur domicile fiscal en Nouvelle-Calédonie sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles et ceux de leurs enfants et des personnes à charge constituant le foyer fiscal " ;
18. Considérant, en premier lieu, que si M. B...se prévaut de l'article 22 de la convention fiscale franco-calédonienne, qui institue un mécanisme tendant à éviter la double imposition, il n'établit pas que les services fiscaux métropolitains et calédoniens auraient inexactement appliqué cette convention sur ce point ;
19. Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que l'administration fiscale calédonienne aurait donné des informations erronées à M. B...sur les modalités selon lesquelles son imposition serait établie au cours de son séjour en Nouvelle-Calédonie reste, par elle-même, sans incidence sur le bien-fondé des redressements en litige ;
20. Considérant, en dernier lieu, que M. B...soutient que le régime fiscal analysé aux points 15 à 17 crée une " inégalité de traitement entre les travailleurs du territoire et plus généralement entre les nationaux des deux Etats " et qu'elle introduit une discrimination au regard du droit de l'Union européenne, et en particulier au regard de son droit à la libre circulation, consacré à l'article 39 du traité sur l'Union européenne, devenu l'article 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), à l'article 2 du protocole additionnel n° 4 annexé à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et au regard du principe général de non-discrimination définie par les articles 10 et 18 du TFUE ;
21. Considérant, d'une part, que l'article 45 du TFUE prévoit que : " 1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de l'Union. / 2. Elle implique l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail (...) " ; que des dispositions qui empêchent ou dissuadent un ressortissant d'un Etat membre de quitter son Etat d'origine pour exercer son droit à la libre circulation constituent des entraves à cette liberté même si elles s'appliquent indépendamment de la nationalité des travailleurs concernés ;
22. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier des avis d'impôt sur le revenu métropolitains produits par le requérant au titre des années en litige, que l'épouse de M. B..., qui n'avait pas d'enfants à charge ou poursuivant des études, n'exerçait plus d'activité salariée et que ses revenus étaient constitués, pour l'essentiel, par le versement de sa pension de retraite ; que le requérant ne fait par ailleurs état d'aucun circonstance particulière qui nécessitait que son épouse demeure vivre en métropole ; que rien ne faisant obstacle à ce que les deux époux séjournent ensemble en Nouvelle-Calédonie, le choix du couple de vivre séparé au cours de cette période résulte de motifs de pure convenance personnelle ; qu'ainsi, dans la situation particulière de M. B..., le régime fiscal néo-calédonien analysé aux points 15 à 17 n'était pas de nature à dissuader l'intéressé de venir travailler sur le territoire de la
Nouvelle-Calédonie ; que le requérant ne peut ainsi utilement se prévaloir de la méconnaissance de l'article 45 du TFUE ;
23. Considérant, d'autre part, que rien n'interdit de traiter différemment des personnes placées dans des situations différentes ; que, dès lors, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a pu légalement décider que seules les personnes mariées ayant chacune leur résidence sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie étaient soumises à une imposition commune et leur accorder le bénéfice de la part supplémentaire prévu par l'article 133 ; que, par ailleurs, le code des impôts de la Nouvelle-Calédonie traite de la même manière, sans distinction de nationalité, l'ensemble des résidents mariés dont l'un des époux n'a pas son domicile fiscal en Nouvelle-Calédonie ; que M.B..., qui avait, ainsi qu'il a été dit au point 11, la qualité de résident de la
Nouvelle-Calédonie au cours des années en litige, n'est dès lors pas fondé à soutenir que le code des impôts de la Nouvelle-Calédonie introduirait une discrimination incompatible avec le principe général de non-discrimination définie par les articles 10 et 18 du TFUE et contraire à l'article 2 du protocole additionnel n° 4 annexé à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
24. Considérant, par suite, que c'est à bon droit que l'administration calédonienne a imposé M.B..., qui était seul domicilié.... de l'article 14 de la convention franco-calédonienne ;
25. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 24, et sans qu'il soit besoin de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne et de statuer sur la demande de substitution de base légale invoquée à titre subsidiaire par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, que les demandes présentées par M. B... à titre principal doivent être rejetées ; que, compte tenu de ce que le requérant a la qualité de résident, les demandes qu'il a présentées à titre subsidiaire, et qui ont en réalité le caractère de conclusions conditionnelles, doivent également être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
26. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...la somme que demande le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Nouvelle-Calédonie, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. B...au titre de ces mêmes frais ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1300406-1400108 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en date du 5 juin 2014 est annulé.
Article 2 : Les demandes de M. B...tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008, 2009, 2010 et 2011 sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par les parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 5 février 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Driencourt, président de chambre,
- Mme Mosser, président assesseur,
- M. Boissy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 février 2016.
Le rapporteur,
L. BOISSYLe président,
L. DRIENCOURT
Le greffier,
A-L. PINTEAU
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
''
''
''
''
N° 14PA03507-14PA03917 3