Par un jugement n° 1121183/7-1 du 21 septembre 2012, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions tendant à l'annulation des décisions des 6 juillet, 14 août et 15 août 2011 et sursis à statuer sur le surplus des conclusions de la requête de M. B...jusqu'à l'avis du Conseil d'Etat, ou à défaut, jusqu'à l'expiration du délai de trois mois à compter de la transmission du dossier pour examen des questions de droit définies dans les motifs du jugement.
Le Conseil d'Etat a rendu le 13 juin 2013 l'avis qu'en interdisant la divulgation de toute information sur les données personnelles d'un donneur de gamètes, le législateur a établi un juste équilibre entre les intérêts en présence et que, dès lors, cette interdiction n'est pas incompatible avec les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un jugement n° 1121183/7-1 du 27 janvier 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 7 avril 2014, M. B..., représenté par Me Le Grontec, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1121183/7-1 du 27 janvier 2014 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler les décisions implicites et expresses de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) en date des 6 juillet et 25 septembre 2011, les décisions du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Cochin en date des 14 août et 25 septembre 2011 ainsi que les décisions du Centre d'études et de conservation des oeufs et du sperme (CECOS) de l'hôpital du Kremlin-Bicêtre en dates des 15 août et 25 septembre 2011, ayant rejeté ses demandes tendant à la communication de documents ou d'informations concernant le donneur de gamètes å l'origine de sa conception ;
3°) d'enjoindre à l'AP-HP de lui transmettre toute information non identifiante relative à sa conception en possession du CECOS Cochin, la description physique de son géniteur au moment de son don ainsi que sa profession, les éventuels antécédents médicaux concernant son géniteur consignés dans le dossier détenu par le CECOS Cochin, éventuellement par l'intermédiaire d'un médecin désigné à cette fin, d'interroger, dans des conditions respectant la confidentialité, son géniteur sur ses antécédents médicaux personnels et familiaux à ce jour, sa situation familiale et le nombre de ses enfants, à ce jour, les motivations de son don de gamètes, sa profession, son souhait de lui voir divulguer ou non ses nom et prénoms, et de lui transmettre les informations recueillies, éventuellement par l'intermédiaire d'un médecin désigné à cette fin dans un délai de 15 jours à compter du prononcer de l'arrêt à venir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative ;
4°) de condamner l'AP-HP, à lui verser la somme d'un million d'euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral du fait des refus illégaux opposés et la somme d'un million d'euros à titre de dommages et intérêts en réparation de sa perte de chance de diagnostic médical ou d'actes de soins ou de prévention du fait des refus illégaux opposés ;
5°) de mettre à la charge de l'AP-HP le versement de la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité, en ce qu'il n'explique pas en quoi la règle de l'anonymat votée en 1994 aurait vocation à régir rétroactivement sa situation et celle de son géniteur ; le tribunal n'a pas fait de différence entre les informations qui permettent d'identifier le donneur et les autres informations sollicitées, ce qui constitue une erreur de droit, que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation était assorti de précisions suffisantes ; le tribunal aurait dû procéder à une appréciation in concreto du moyen tiré de l'exception d'inconventionnalité au regard de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à une appréciation in abstracto du moyen tiré de l'exception d'inconventionnalité au regard des articles 7-1 et 8 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- en ce qu'elles méconnaissent le droit de connaître leur géniteur consacré par la
Cour européenne, les dispositions du droit national sont incompatibles avec l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen ; la nécessité de prendre en compte l'intérêt de la personne conçue par don est conciliable avec les autres en présence, à savoir la préservation de la vie familiale au sein de la famille légale, l'intérêt moral et familial du donneur ;
- en ce qu'elles refusent de divulguer les informations médicales concernant le géniteur, les dispositions du droit national méconnaissent l'article L. 1244-6 alinéa 1 et l'article R. 1244-5 du code de la santé publique et les articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elles caractérisent une pratique discriminatoire ;
- les décisions sont entachées d'une erreur de droit dès lors qu'aucun texte ne justifie le refus de communiquer des informations ni médicales ni identifiantes sur la conception ou le géniteur ;
- que l'illégalité des décisions lui a causé un préjudice moral et un préjudice médical.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2015, l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, représentée par Me A...Tsouderos, conclut au rejet de la requête par des moyens contraires et à ce que le versement la somme de 1 500 euros soit mis à la charge de M. B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité manifeste des conclusions indemnitaires.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mosser, président assesseur,
- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,
- les observations de Me Le Grontec, avocat de M. B...,
- et les observations de Me Tsouderos, avocat de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.
1. Considérant que M. C...B..., conçu par insémination artificielle avec don de gamètes recueilli par le Centre d'études et de conservations des oeufs et du sperme (CECOS) de l'Hôpital Cochin, a saisi plusieurs services et hôpitaux rattachés à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) afin d'obtenir des informations relatives au donneur de gamètes à l'origine de sa conception ; que ses demandes ont toutes fait l'objet de décisions de rejet ; que la commission d'accès aux documents administratifs (CADA), saisie le 25 juillet 2011, a émis un avis défavorable le 22 septembre 2011 ; qu'en l'absence de nouvelle décision expresse de l'AP-HP dans un délai de deux mois à compter de la saisine de la CADA, une décision implicite de rejet est née le
25 septembre 2011 ; que M. B...relève appel du jugement en date du 27 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en annulation des décisions de l'AP-HP, en date des 6 juillet et 25 septembre 2011, des décisions du CHU Cochin en date des 14 août et
25 septembre 2011 ainsi que des décisions du CECOS de l'hôpital du Kremlin-Bicêtre en date des 15 août et 25 septembre 2011, ayant rejeté ses demandes tendant à la communication de documents ou d'informations concernant le donneur de gamètes à l'origine de sa conception ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 351-2 du code de justice administrative : " Lorsqu'une cour administrative d'appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence du Conseil d'Etat, son président transmet sans délai le dossier au Conseil d'Etat qui poursuit l'instruction de l'affaire " ; qu'aux termes de l'article R. 351-4 du même code : " Lorsque tout ou partie des conclusions dont est saisi un tribunal administratif, une cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat relève de la compétence d'une juridiction administrative, le tribunal administratif, la cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat, selon le cas, est compétent, nonobstant les règles de répartition des compétences entre juridictions administratives, pour rejeter les conclusions entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance(...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsqu'une cour administrative d'appel est saisie d'un recours dirigé contre un jugement d'un tribunal administratif statuant en dernier ressort, quelle que soit la raison pour laquelle le requérant a cru bon de la saisir et sans qu'aient d'incidence sur ce point les mentions portées sur la lettre de notification du jugement attaqué, son président doit transmettre sans délai le dossier au Conseil d'Etat, sauf irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance ;
Sur les conclusions indemnitaires :
3. Considérant que ces conclusions sont nouvelles en appel ; que, par suite, elles sont manifestement irrecevables et doivent être rejetées ;
Sur le surplus de la requête :
4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code de justice administrative : " Les cours administratives d'appel connaissent des jugements rendus en premier ressort par les tribunaux administratifs, sous réserve des compétences attribuées au Conseil d'Etat en qualité de juge d'appel et de celles définies aux articles L. 552-1 et L. 552-2. " ; qu'aux termes de l'article R. 811-1 du même code tel qu'issu du décret n° 2013-730 du 13 août 2013 dont
l'article 16 prévoit une entrée en vigueur au 1er janvier 2014 : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. /Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...)
2° Sur les litiges en matière de consultation et de communication de documents administratifs ou d'archives publiques ; (...) 8° Sur toute action indemnitaire ne relevant pas des dispositions précédentes, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15(...)/ Par dérogation aux dispositions qui précèdent, en cas de connexité avec un litige susceptible d'appel, les décisions portant sur les actions mentionnées au 8° peuvent elles-mêmes faire l'objet d'un appel (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que les jugements rendus en matière de communication des documents administratifs à compter du
1er janvier 2014 sont rendus en premier et dernier ressort, alors même d'ailleurs que des conclusions indemnitaires auraient également été présentées ;
5. Considérant que le jugement dont M. B...relève appel a été lu le 27 janvier 2014, soit postérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions de l'article R. 811-1 du code de justice administrative citées au point qui précède ; qu'il ressort de ces dispositions que ledit jugement, statuant sur un litige en matière de consultation et de communication de documents administratifs a été rendu en premier et dernier ressort ; que l'indication erronée des voies de recours portée sur la seconde notification du jugement reçue par M. B...le 8 février 2014, portant la mention " annule et remplace " la précédente notification, reçue par M. B...le 30 janvier 2014, est sans incidence sur les voies de recours ; que par suite, en application des dispositions citées au point 2, les conclusions dirigées contre le jugement du Tribunal administratif de Paris du 27 janvier 2014 statuant sur les conclusions en annulation des décisions attaquées, insusceptible d'appel, doivent être renvoyées au Conseil d'Etat statuant en qualité de juge de cassation ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les conclusions de la requête de M. B... dirigées contre le jugement
n° 1121183/7-1 du Tribunal administratif de Paris en date du 27 janvier 2014 statuant sur ses conclusions en annulation sont renvoyées au Conseil d'Etat.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris et au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Driencourt, président de chambre,
- Mme Mosser, président assesseur,
- M. Cheylan, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 22 janvier 2016.
Le rapporteur,
G. MOSSERLe président,
L. DRIENCOURT Le greffier,
A-L. PINTEAULa République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA01522