Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2015, MmeB..., représenté par Me Lucet, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1500727 du 2 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 18 mars 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pour la durée de cet examen ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à Me Lucet, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- la décision de refus de titre de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, faute pour le préfet d'avoir saisi la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de titre de séjour ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de police, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 25 septembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mosser, président assesseur,
- et les observations de Me Lucet, avocat de MmeB....
1. Considérant que MmeB..., ressortissante géorgienne née le 16 décembre 1980, a sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté en date du 18 mars 2014, le préfet de police a opposé un refus à sa demande, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination ; que Mme B...relève appel du jugement du 2 juin 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
2. Considérant que l'arrêté attaqué comporte les éléments de droit et de fait sur lesquels est fondée la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour ; qu'ainsi le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du refus de titre de séjour doit être écarté comme manquant en fait ;
3. Considérant qu'il ne ressort d'aucun élément du dossier que le préfet se serait abstenu de procéder à un examen personnel de la situation de MmeB... ; que, par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de situation doit être écarté ;
4. Considérant que si le préfet peut toujours, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, accorder un titre de séjour, il n'est toutefois jamais tenu de le faire ;
5. Considérant que le préfet n'est tenu, en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour, et non de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre ; que Mme B...n'établissant pas être en situation de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour en France sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
7. Considérant que Mme B...fait valoir qu'elle est entrée en France en décembre 2011 avec son époux et leur fils et que son second enfant est né sur le territoire français en
décembre 2014 ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que la durée de séjour en France de l'intéressée était d'à peine plus de deux ans à la date de l'arrêté litigieux ; que la naissance en France de son second enfant est postérieure au refus de titre dont elle a fait l'objet le 18 mars 2014 ; que rien ne fait obstacle à ce qu'elle reconstitue sa cellule familiale en Géorgie avec son époux, qui a également fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ; que, par suite, la décision de refus du 18 mars 2014 n'a pas porté au droit de Mme B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'ainsi, cette décision n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de l'intéressée ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant susvisée : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
9. Considérant que Mme B...fait valoir que le refus de séjour porte atteinte à l'intérêt de son fils aîné qui est scolarisé en France ; que, toutefois, rien ne fait obstacle à ce que le fils de Mme B...retourne avec ses parents et sa soeur en Géorgie, où il pourra poursuivre sa scolarité ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
10. Considérant que, pour les motifs exposés aux points 2 à 9, Mme B...n'est pas fondée à exciper, au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité de la décision par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
11. Considérant que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui reprennent ce qui a été développé à l'encontre de la décision portant refus de titre de séjour, doivent être écartés pour les mêmes motifs que précédemment ;
Sur la légalité de la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire :
12. Considérant qu'aux termes du premier alinéa du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours " ;
13. Considérant que si Mme B...fait valoir que l'exécution de cette décision a pour conséquence d'interrompre la scolarité de son fils, âgé de moins de 8 ans à la date de la décision attaquée, cette seule circonstance n'est pas, à elle seule, de nature à démontrer que le préfet aurait, en limitant à trente jours le délai de départ volontaire qui lui a été accordé, commis une erreur manifeste d'appréciation ni, eu égard à ce qui a été dit au point 9, qu'il aurait méconnu l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
14. Considérant que, pour les motifs exposés aux points 2 à 13, Mme B...n'est pas fondée à exciper, au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination, de l'illégalité des décisions par lesquelles le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ;
15. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que ce dernier texte énonce que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
16. Considérant que Mme B...fait valoir qu'après avoir participé à des manifestations en Géorgie en 2007, 2008 et 2009, elle a reçu des menaces par téléphone et a été licenciée ; que, toutefois, l'intéressée ne produit aucun élément permettant d'établir qu'elle serait personnellement exposée à des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine alors en outre que sa demande d'asile a été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides le 14 juin 2012, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le
23 décembre 2013 ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées doit être écarté ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 8 avril 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Driencourt, président de chambre,
- Mme Mosser, président assesseur,
- M. Boissy, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 29 avril 2016.
Le rapporteur,
G. MOSSERLe président,
L. DRIENCOURT Le greffier,
A-L. PINTEAU La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA03857