Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 mai 2015, M.A..., représenté par Me Patureau, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1419594 du 24 avril 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 27 mars 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer, pendant cet examen, une autorisation provisoire de séjour, sous la même condition d'astreinte ou de saisir pour avis la commission du titre de séjour et de lui délivrer, pendant cet examen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige a été signé par une autorité incompétente ;
- il est insuffisamment motivé ;
- c'est à tort que le préfet de police s'est fondé, pour refuser le renouvellement de son titre de séjour, sur l'usurpation d'identité, qui n'est pas établie ;
- ledit arrêté méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée le 12 août 2015 au préfet de police, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,
- et les observations de MeD..., substituant Me Patureau, avocat de M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A...s'est présenté aux services de la préfecture de police le 15 décembre 2011 afin de solliciter, sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le renouvellement d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " attribué à M.A.... Le préfet de police n'ayant pas statué sur cette demande dans le délai de quatre mois, il doit être regardé, sur le fondement des dispositions de l'article R. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comme l'ayant implicitement rejetée. M. A...a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de cette décision après que, par ordonnance du 20 octobre 2014, le juge des référés en a suspendu l'exécution. Toutefois, par un arrêté du 27 mars 2014, le préfet de police a refusé de renouveler le titre de séjour sollicité au motif d'une usurpation d'identité, M. A...n'étant pas la même personne que celle ayant obtenu un premier titre de séjour en 2009, et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois en fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à l'issue de ce délai. Le tribunal administratif, qui a considéré que cet arrêté s'était substitué à la décision implicite de rejet, a rejeté la demande de M. A...par un jugement du 24 avril 2015 dont ce dernier relève appel.
2. En premier lieu, par un arrêté n° 2013-01158 du 18 novembre 2013, publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris, le préfet de police a donné délégation à M. B... C..., attaché principal d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, pour signer tous actes, arrêtés et décisions dans la limite de ses attributions en cas d'absence ou d'empêchement de l'autorité administrative supérieure. Par suite, M. C..., signataire de l'arrêté contesté, était autorisé à signer les décisions relatives aux demandes d'admission au séjour ainsi que celles portant obligation de quitter le territoire français. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.
3. En deuxième lieu, l'arrêté contesté vise les textes applicables et mentionne qu'une enquête des services de la direction du renseignement de la préfecture de police a conclu le 2 janvier 2014 à l'usurpation, par le demandeur du renouvellement du titre de séjour, de l'identité de M. E... A..., qui a bénéficié d'une admission au séjour en 2009. Il fait mention de ce que l'usurpation d'identité constitue une manoeuvre de nature à induire l'administration en erreur, susceptible de faire l'objet de poursuites pénales sur le fondement des articles 441-1 et 441-6 du code pénal, de l'impossibilité d'obtenir le renouvellement d'un droit au séjour sur la base d'une identité usurpée et de ce que l'identité du demandeur du renouvellement n'est, en réalité, pas connue. L'arrêté critiqué comporte ainsi l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui le fondent et doit être regardé comme suffisamment motivé alors même que toutes les indications relatives à la situation privée et familiale de M. A...n'y sont pas mentionnées. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige doit être écarté comme manquant en fait.
4. En troisième lieu, M. A...soutient que l'usurpation d'identité alléguée par le préfet de police n'est pas établie. Il fait valoir que les photographies produites par le préfet en première instance étaient inexploitables en raison de leur mauvaise qualité. Il allègue, par ailleurs, que si sa signature est hésitante, c'est en raison de son analphabétisme. Quant à la maitrise de la langue française, il argue que s'il n'a pas compris le français, lors de sa demande de renouvellement en préfecture, et a sollicité l'assistance d'un interprète alors qu'il avait obtenu en 2010 une attestation de dispense de formation linguistique, c'est parce que cette formation portait sur des termes courants en langue française et ne lui permettait pas de s'exprimer en français devant les services de la préfecture alors qu'en outre, il ressort du compte-rendu établi en 2010 par l'Office français de l'immigration et de l'intégration qu'il n'a pas été scolarisé au Sénégal et qu'il ne maîtrise ni la lecture ni l'écriture. Il invoque, également, un arrêt du 10 avril 2015 par lequel la Cour administrative d'appel de Paris a confirmé l'annulation par un jugement du Tribunal administratif de Paris d'une décision du 10 avril 2014 par laquelle le préfet de police avait ordonné sa reconduite à la frontière et son placement en rétention au motif qu'il représentait une menace à l'ordre public dès lors qu'il s'était rendu coupable d'une usurpation d'identité. Il fait, ainsi, valoir que la Cour a considéré que les faits d'usurpation d'identité n'étaient pas établis.
5. D'une part, l'autorité de chose jugée qui s'attache à une décision de justice porte uniquement sur le dispositif et les motifs qui en constituent le support nécessaire. Par suite, le requérant ne peut se prévaloir de l'arrêt qu'il invoque de la Cour administrative d'appel de Paris par lequel elle a jugé que les faits d'usurpation d'identité n'étaient pas établis. Ce motif, précédé de l'incise " au demeurant ", répondait à une présomption invoquée par le préfet de police et ne pouvait être regardé comme un motif constituant le support nécessaire de cet arrêt.
6. D'autre part, il ressort du rapport d'enquête établi le 2 janvier 2014 par les services de la direction du renseignement de la préfecture de police que le demandeur du renouvellement du titre de séjour n'est pas la même personne que celle qui a obtenu la délivrance d'une première carte de séjour au nom de M. E...A...en décembre 2009. Les photographies produites, par ailleurs, par le préfet de police et le requérant devant les premiers juges permettent d'établir que l'intéressé et le premier titulaire de la carte de séjour ne sont pas la même personne. Cette dualité de personne est corroborée, d'une part, par la différence de niveau d'expression orale en langue française, le requérant ne contestant pas avoir sollicité l'assistance d'un interprète lors de ses auditions à la préfecture de police alors qu'il avait produit une attestation de dispense de formation linguistique délivrée le 8 février 2010 ainsi qu'un bilan de compétences destiné à Pôle Emploi du 24 février 2010 dans lequel l'Office français de l'immigration et de l'intégration insistait uniquement sur les difficultés en lecture et en écriture en langue française de M. A...et, d'autre part, par les différences importantes affectant les signatures apposées sur les différents documents émanant tant de l'appelant que du titulaire de la première carte de séjour et consistant, au demeurant, en une simple apposition du nom " A... " en lettres majuscules. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait entaché son arrêté d'illégalité en affirmant qu'il avait usurpé l'identité du premier demandeur du titre de séjour.
7. En dernier lieu, dès lors que l'identité du requérant n'est pas établie, il ne peut utilement invoquer une méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pas plus que celle de son droit au respect d'une vie privée et familiale normale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de l'arrêté litigieux sur sa situation personnelle.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Luben, président,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,
- Mme Bernard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 juin 2016.
Le rapporteur,
S. BONNEAU-MATHELOTLe président,
I. LUBEN
Le greffier,
A. CLEMENTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA02060