Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 septembre 2015, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 1503479/2-3 du 15 juillet 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- à titre principal, le Tribunal administratif de Paris a inexactement appliqué les dispositions de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- MmeB..., qui ne s'est pas présentée personnellement à la préfecture pour y déposer sa demande de titre de séjour, ne peut se prévaloir à l'encontre des décisions critiquées de moyens autres que ceux tirés de vices propres ;
- à titre subsidiaire, il n'a commis aucune erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de MmeB... ;
- Mme B...n'ayant pas sollicité la communication des motifs du refus implicite attaquée du 6 novembre 2014, elle n'est pas fondée à soutenir que cette décision serait illégale à défaut d'être motivée ;
- les autres moyens invoqués par Mme B...devant le Tribunal administratif de Paris ne pourront qu'être écartés par renvoi à ses écritures de première instance dont il entend conserver l'entier bénéfice.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 février 2016, MmeB..., représentée par Me Lamine, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête du préfet de police ;
2°) de confirmer le jugement n° 1503479/2-3 du 15 juillet 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
3°) d'annuler la décision de refus implicite du préfet de police de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " née à la suite de sa présence à la préfecture le 12 février 2014, ensemble la décision de refus implicite du préfet de police née à la suite de sa présence à la préfecture de police le 6 novembre 2014 ;
4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer le titre de séjour sollicité ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Lamine au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la requête du préfet de police est irrecevable comme entachée de forclusion ;
- elle n'a pas méconnu la règle de présentation personnelle à la préfecture de police pour y déposer sa demande de titre de séjour ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- le préfet de police a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet de police a méconnu les stipulations des articles 3-1 et 2-2 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le préfet de police aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;
- elle conserve le bénéfice de ses écritures de première instance au titre des moyens non repris en appel.
Par une décision du 20 novembre 2015, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris a admis Mme B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bonneau-Mathelot a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., ressortissante congolaise, entrée en France le 11 février 2002 selon ses déclarations, soutient s'être présentée à la préfecture de police le 12 février 2014 afin de solliciter la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Le préfet de police, ayant gardé le silence sur cette demande pendant plus de quatre mois, doit être regardé comme l'ayant implicitement rejetée. Sur recours gracieux du 6 novembre 2014, l'intéressée a sollicité du préfet l'annulation de cette décision implicite de rejet ainsi que la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une nouvelle décision implicite, le préfet de police a rejeté les prétentions de MmeB.... Par un jugement du 15 juillet 2015, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé cette seconde décision refusant d'admettre l'intéressée au séjour et, d'autre part, enjoint au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trois mois. Le préfet de police doit être regardé comme relevant, dans cette seule mesure, appel dudit jugement. Par la voie de l'appel incident, Mme B...doit être regardée comme demandant à la Cour d'annuler ledit jugement en tant que, par son article 3, les premiers juges ont rejeté le surplus de ces conclusions.
Sur les conclusions dirigées contre la décision implicite de rejet née à la suite de la présentation de Mme B...à la préfecture de police le 12 février 2014 :
2. Aux termes des dispositions de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans ou qui sollicite un titre de séjour en application de l'article L. 311-3, est tenu de se présenter, à Paris, à la préfecture de police [...], pour y souscrire une demande de titre de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient. / [...]. / Le préfet peut également prescrire : 1° Que les demandes de titre de séjour appartenant aux catégories qu'il détermine soient adressées par voie postale ; / [...] ".
3. Il résulte de ces dispositions que, pour introduire valablement une demande de titre de séjour, il est nécessaire, sauf si l'une des exceptions définies à l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité est applicable, que l'intéressé se présente physiquement à la préfecture. A défaut de disposition expresse en sens contraire, une demande de titre de séjour présentée par un ressortissant étranger en méconnaissance de la règle de présentation personnelle du demandeur en préfecture fait naître, en cas de silence gardé par l'administration pendant plus de quatre mois, délai fixé par l'article R. 311-12 du même code, une décision implicite de rejet susceptible d'un recours pour excès de pouvoir. Le préfet n'est, néanmoins, pas en situation de compétence liée pour rejeter la demande de titre de séjour et peut, le cas échéant, procéder à la régularisation de la situation de l'intéressé. Toutefois, lorsque le refus de titre de séjour est fondé à bon droit sur l'absence de comparution personnelle du demandeur, ce dernier ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision de rejet de sa demande de titre de séjour, de moyens autres que ceux tirés d'un vice propre de cette décision.
4. Il résulte, par ailleurs, des dispositions précitées qu'il appartient à l'étranger qui sollicite un titre de séjour d'établir par tout moyen qu'il s'est présenté au guichet de la préfecture ou qu'il s'est trouvé dans l'impossibilité matérielle d'accéder à ce guichet et, donc, d'obtenir un rendez-vous ou de déposer sa demande.
5. Pour rejeter les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B...et dirigées contre la décision portant refus implicite de sa demande d'admission au séjour à la suite de sa présentation à la préfecture de police le 12 février 2014, les premiers juges ont considéré que l'intéressée n'apportait aucune justification de nature à établir qu'elle s'était bien présentée à la préfecture pour déposer une telle demande.
6. Toutefois, dans le cadre de son appel incident, Mme B...fait valoir qu'elle s'est présentée personnellement au centre de réception de la préfecture de police puis, sur convocation, à ladite préfecture, en vue d'y déposer une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A l'appui de ses allégations, l'intéressée produit une convocation nominative fixée au 12 février 2014, à 8 h 45, au 9ème bureau, salle " Afrique - Maghreb 2 ", le ticket d'appel " D004 ", en salle " Afrique - Maghreb 2 ", établi à 8 heures 49, ainsi que la fiche de renseignements, signée de l'intéressée, et remplie par un agent de la préfecture de police, avec ses observations ainsi que sa signature. Par suite, alors que le préfet de police n'a produit aucune observation postérieurement au mémoire en défense produit par l'intéressée, Mme B...doit être regardée, compte tenu des pièces produites, comme justifiant qu'elle s'est bien présentée personnellement, dans le respect des dispositions sus-rappelées de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à la préfecture de police pour y déposer sa demande de titre de séjour, de sorte qu'en gardant le silence sur sa demande, le préfet de police l'a implicitement rejetée. Par suite, c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur la méconnaissance de ces dispositions pour rejeter les conclusions à fin d'annulation que Mme B...avait présentées à l'encontre de la décision implicite de rejet en litige.
7. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B...devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour.
8. Mme B...fait valoir que le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision implicite de rejet litigieuse sur sa situation personnelle. D'une part, il ressort des pièces du dossier que Mme B...justifie, par les pièces qu'elle a produites, résider habituellement en France depuis plus de douze années. Le préfet de police qui reconnaît, dans ses écritures présentées en appel, que l'intéressée démontre séjourner en France de manière habituelle jusqu'en 2007, allègue, en revanche, que sa présence continue entre 2008 et 2014 n'est pas établie. Toutefois, pour ce qui concerne cette période, Mme B...produit diverses pièces telles que des factures EDF, Orange et de la caisse des écoles ainsi que des ordonnances, des résultats d'analyses biologiques ou des avis d'imposition qui sont de nature à corroborer sa présence continue sur le territoire au cours de cette période. D'autre part, les pièces produites permettent d'établir que sa fille, née le 15 décembre 2002, est régulièrement scolarisée depuis l'année 2005 jusqu'à la date de la décision en litige, 2014, année au titre de laquelle elle a été admise en classe de 6ème. Le préfet de police ne peut, à cet égard, soutenir que la scolarisation de la fille de Mme B...ne serait pas établie pour la période courant du mois de septembre 2008 au mois de mars 2009. En effet, si l'intéressée avait produit, devant les premiers juges, un certificat de scolarité établi le 2 mars 2009, cette circonstance ne remet nullement en cause la réalité de l'inscription de la fille de Mme B...au cours préparatoire pour l'année 2008-2009. Enfin, le fait que l'intéressée serait célibataire et ne démontrerait ni l'intensité de sa vie privée et familiale en France ni y être intégrée professionnellement ne peut, compte tenu des circonstances très particulières de l'espèce tirées de la longue période de séjour habituel et continu en France de Mme B...et de la scolarisation continue de sa fille depuis plus de neuf ans, remettre en cause l'appréciation du tribunal selon laquelle en refusant de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", le préfet de police a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, d'annuler, sur ce point, le jugement attaqué ainsi que la décision implicite de rejet en litige.
Sur les conclusions dirigées contre la décision implicite de rejet née à la suite du recours gracieux du 6 novembre 2014 :
10. En premier lieu, dans le cadre de son appel principal, le préfet de police, qui fait valoir que " De sorte que, comme l'a également admis le Tribunal administratif de Paris, c'est seulement dans le cadre d'un courrier en date du 6 novembre 2014, présenté comme un recours gracieux, que l'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de sa vie privée et personnelle, en méconnaissance de la règle de la présentation personnelle ", doit être regardé comme invoquant, également, à l'encontre de cette décision implicite de rejet, la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Néanmoins, compte tenu de ce qui a été dit au point n° 6 ci-dessus, la circonstance qu'il est établi que Mme B...s'est présentée personnellement à la préfecture de police le 12 février 2014 pour y solliciter son admission au séjour ne faisait pas obstacle à ce qu'elle conteste, par la voie d'un recours gracieux adressé par voie postale, la décision par laquelle le préfet de police avait implicitement rejetée sa demande, de même qu'elle ne faisait pas obstacle à ce qu'elle renouvelle ses prétentions. Par suite, le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que Mme B... ne pouvait invoquer, à l'encontre de la décision implicite de rejet en litige, des moyens autres que ceux tirés de ses vices propres.
11. En deuxième lieu, pour annuler la décision implicite par laquelle le préfet de police a rejeté la demande du 6 novembre 2014 par laquelle Mme B...a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", le tribunal administratif a estimé que compte tenu de la longue durée de présence de l'intéressée en France depuis plus de douze ans et de la scolarisation continue de sa fille en France depuis plus de neuf années, le préfet de police avait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de MmeB.... Le préfet de police soutient, toutefois, que c'est à tort que le tribunal a annulé sa décision implicite de rejet comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de ce que l'intéressée ne peut justifier de sa présence continue en France depuis 2002, de ce qu'elle ne peut justifier avoir établi le centre de ses intérêts privés et familiaux en France et de ce qu'elle n'y est pas intégrée professionnellement. Toutefois, compte tenu de ce qui a été dit au point n° 8 ci-dessus, il y a lieu, dans les circonstances très particulières de l'espèce, de confirmer le jugement attaqué sur ce point.
12. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement, attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision implicite de rejet. Par suite, les conclusions qu'il a présentées dans le cadre de son appel principal ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions incidentes à fin d'injonction présentées par MmeB... :
13. En troisième lieu, il ressort du jugement attaqué que le Tribunal administratif de Paris a enjoint au préfet de police de délivrer à Mme B...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. Il n'y a pas lieu d'enjoindre à nouveau au préfet de police de délivrer à Mme B...un titre de séjour. Par suite, les conclusions tendant à ce que la Cour enjoigne au préfet de police de lui délivrer un tel titre de séjour ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 :
14. Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions précitées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Lamine, avocat de MmeB..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Lamine de la somme de 1 500 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : Le jugement n° 1503479/2-3 du 15 juillet 2015 est annulé en tant que le Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B...contre la décision implicite de rejet née à la suite de sa présentation à la préfecture de police le 12 février 2014.
Article 3 : La décision implicite de rejet née à la suite de la présentation de Mme B...à la préfecture de police le 12 février 2014 est annulée.
Article 4 : Le surplus des conclusions de l'appel incident de Mme B...est rejeté.
Article 5 : L'Etat versera à Me Lamine la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Lamine renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Luben, président,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,
- Mme Bernard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 juin 2016.
Le rapporteur,
S. BONNEAU-MATHELOTLe président,
I. LUBEN
Le greffier,
A. CLEMENTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA03645