Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2016, M.A..., représenté par Me Reynolds, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler l'arrêté en date du 6 novembre 2014 par lequel le préfet de la
Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
2° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3° de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A...soutient qu'il n'est pas justifié de la compétence du signataire de la décision attaquée ; que la décision de refus de séjour n'est pas suffisamment motivée ; que la commission du titre de séjour aurait dû être saisie en application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ; que la décision a été prise en méconnaissance des dispositions dudit article et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre ; qu'elle émane d'une autorité incompétente et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Sur proposition du rapporteur public, le président de la formation de jugement a dispensé ce dernier de prononcer des conclusions à l'audience.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 octobre 2015.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Errera a été entendu au cours de l'audience publique.
Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...réside en France de manière habituelle depuis 1998 ; que sa mère y réside également ; que celle-ci, âgée de 92 ans à la date de la décision attaquée, titulaire d'une carte de résident et d'une pension d'invalidité, se trouve dans une situation de dépendance complète du fait des séquelles d'un accident cérébral et n'est plus en mesure d'accomplir seule les actes de la vie quotidienne ; que ces faits sont établis par les différentes pièces du dossier, dont un certificat médical en date du 25 novembre 2014 et un titre de pension d'invalidité en date du 26 juin 2009, produits pour la première fois en appel ; qu'il résulte de ces éléments, corroborés par plusieurs attestations de proches rédigées de manière circonstanciée, que M. A... apporte à sa mère une aide constante dans les actes de la vie quotidienne ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une autre personne soit à même d'apporter ces soins ;
3. Considérant qu'en outre, M. A...entretient, depuis plus de sept ans, une relation suivie avec une Française ; que si le couple n'a pas de résidence commune, la raison en est à chercher dans la situation décrite au point 2, laquelle nécessite une présence constante du requérant auprès de sa mère ; qu'enfin, de nombreuses attestations font état de l'implication de M. A... dans différentes activités culturelles et associatives et de son insertion sociale à ce titre ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... fait état de considérations d'ordre humanitaire justifiant son admission exceptionnelle au séjour au sens des dispositions de l'article L. 313-14 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le préfet de la Seine-Saint-Denis, en rejetant sa demande présentée sur ce fondement, a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'ainsi, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;
6. Considérant que le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans la situation de droit ou de fait de M. A..., que l'administration délivre à ce dernier une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; que, dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine Saint-Denis de délivrer au requérant un tel titre de séjour, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'il y a lieu, par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'État à verser à M. A... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1411170 rendu par le Tribunal administratif de Montreuil le 16 avril 2015, ensemble l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 6 novembre 2014, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine Saint-Denis de délivrer à M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Article 3 : L'État versera à M. A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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N° 16VE00254 3