2° d'enjoindre à l'EHPAD Lasserre de poursuivre à titre disciplinaire sa directrice en sa qualité d'auteur des faits de harcèlement moral dont il a été victime, de prendre en charge au titre de la protection fonctionnelle ses divers frais de procédure et de procéder à sa reconstitution de carrière ;
3° de condamner l'EHPAD Lasserre à lui verser une somme de 26 193,30 euros en réparation de ses pertes de salaire, de ses frais de déplacements, de recherche d'un nouvel emploi et de ses frais bancaires ainsi qu'une somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Par un jugement n° 1406200 du 7 mars 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 mai 2017, M. C..., représenté par
Me Mazza, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite née du silence gardé par l'administration sur sa demande tendant à la mise en oeuvre de la protection fonctionnelle pour faits de harcèlement moral et d'enjoindre, par voie de conséquence, à l'EHPAD Lasserre de prendre en charge ses frais de procédure au titre de cette garantie ;
3° de condamner pour faute l'EHPAD Lasserre à lui verser une indemnité de 26 193,30 euros représentative de ses pertes de salaires, de ses frais de recherche d'un nouvel emploi et de ses frais bancaires, ainsi qu'une indemnité de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral et de carrière.
4° de mettre à la charge de l'EHPAD Lasserre le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. C... soutient que :
- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ;
- sa demande de première instance n'était pas irrecevable ; il y avait bien lieu d'examiner la légalité du refus de protection fonctionnelle qui lui a été opposé ; il a bien fait l'objet d'un harcèlement moral de la part de la directrice de l'EHPAD Lasserre ;
- compte tenu du caractère mixte de sa requête introductive d'instance, c'est à tort que les premiers juges n'ont pas examiné la qualification de harcèlement moral.
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
- le décret n°91-155 du 6 février 1991 relatif aux agents contractuels des établissements hospitaliers publics modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Campoy,
- les conclusions de Mme Belle, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour l'EHPAD Lasserre.
1. Considérant que M. B...C...a été recruté par l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Lasserre en qualité d'attaché d'administration principal par contrat à durée indéterminée en date du 21 mai 2013 dont l'article 10 stipulait une période d'essai de deux mois, éventuellement renouvelable une fois ; qu'il a débuté ses fonctions le 5 juin 2013 ; qu'il a fait l'objet d'une décision de licenciement pour insuffisance professionnelle en date du 12 juillet 2013 qui a été suspendue par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 8 août 2013 ; qu'il a été réintégré dans ses fonctions par l'EHPAD Lasserre le 16 août 2013 ; que, le 5 septembre 2013, l'EHPAD l'a informé du renouvellement de sa période d'essai ; que M. C...a saisi, par un courrier du 20 septembre 2013, l'Agence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France d'une demande qu'il présentait comme un " recours hiérarchique " et dans laquelle il sollicitait le bénéfice de la protection fonctionnelle prévue par les dispositions de l'article 11 de la loi du
13 juillet 1983 pour les faits de harcèlement moral dont il estimait être victime et le versement de la somme de 2 500 euros au paiement de laquelle l'EHPAD Lasserre avait été condamné par l'ordonnance du 8 août 2013, ainsi qu'une indemnité de 45 000 euros en réparation du préjudice moral et de carrière qu'il estimait avoir subi à cette date ; que, par un courrier en date du
15 octobre 2013, l'intéressé a été informé que l'ARS n'était pas compétente pour statuer sur sa demande et a été invité à saisir directement l'EHPAD Lasserre ; que, par une décision en date du 5 novembre 2013 devenue définitive, l'EHPAD a indiqué à M. C...que son contrat ne serait pas poursuivi à l'issue de sa seconde période d'essai qui expirait le 5 novembre 2013 ; que, par un courrier en date du 21 novembre 2013, M. C...a réclamé à l'EHPAD Lasserre l'indemnisation complémentaire du préjudice moral et de carrière résultant de cette dernière décision à hauteur de 20 000 euros ; qu'il relève appel du jugement du 7 mars 2017, par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite rejetant sa demande du 20 septembre 2013, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à l'EHPAD Lasserre de poursuivre à titre disciplinaire sa directrice en sa qualité d'auteur des faits de harcèlement moral, de prendre en charge au titre de la protection fonctionnelle ses divers frais de procédure et de procéder à sa reconstitution de carrière et, enfin, à la condamnation pour faute de l'établissement à lui verser une indemnité de 26 193,30 euros en réparation de ses pertes de salaire, de ses frais de recherche d'un nouvel emploi et de ses frais bancaires, ainsi qu'une indemnité de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que le moyen tiré de ce que le jugement ne serait pas assez motivé n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 : " Lorsqu'une demande est adressée à une autorité administrative incompétente, cette dernière la transmet à l'autorité administrative compétente et en avise l'intéressé (...) " ; que l'article 18 de cette loi dispose que : " A l'exception de celles de l'article 21, les dispositions des articles 19 à 24 ne s'appliquent pas aux relations entre les autorités administratives et leurs agents. " ; que cette exclusion concerne l'ensemble des relations entre les autorités administratives et les agents publics dès lors que la décision contestée est en lien avec les fonctions exercées par cet agent, alors même qu'elle émane d'une autorité administrative dont il ne relève pas hiérarchiquement ;
4. Considérant que M. C... demande l'annulation de la décision rejetant implicitement sa demande du 20 septembre 2013 et résultant, selon lui, de ce que l'EHPAD Lasserre devrait être regardé comme ayant été saisi de cette demande par l'ARS d'Île-de-France en application des dispositions précitées de l'article 20 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, reprises à l'article L. 114-2 du code des relations entre le public et l'administration ; qu'en vertu de l'article 18 de cette loi, ces dispositions n'étaient cependant pas applicables à sa demande qui concernait ses droits en sa qualité d'agent public ; que l'ARS n'étant pas tenue d'adresser la demande présentée par M. C... à l'EHPAD Lasserre, le défaut de réponse à cette demande n'a pu faire naître de décision implicite de rejet de la part de cet établissement ; que, par suite, les conclusions en annulation de M. C... dirigées contre la prétendue décision implicite de la directrice de l'EHPAD Lasserre sont sans objet et, comme telles irrecevables ;
Sur la demande de prise en charge des frais de procédure et l'indemnité pour pertes de salaire, frais de recherche d'un nouvel emploi et frais bancaires de l'intéressé :
5. Considérant que la demande introduite par M. C... devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et tendant à ce que l'EHPAD Lasserre soit condamné à lui verser une indemnité réparant les préjudices liés à ses pertes de salaires ainsi que ses frais bancaires et de recherche d'emploi de 26 193,30 euros, n'a été précédée d'aucune demande ayant un tel objet, présentée à cet établissement et rejetée par ce dernier ; que, notamment, le courrier de M. C...à l'ARS d'Île-de-France en date du 20 septembre 2013, ne constituait pas, comme il a été dit au point 4, une demande adressée à l'établissement ; que la demande adressée à l'EHPAD Lasserre le 21 novembre 2013, se bornait à réclamer à cet établissement l'indemnisation, à hauteur de 20 000 euros, du préjudice moral et de carrière résultant de la décision en date du 5 novembre 2013 de ne pas poursuivre son contrat de travail au-delà du
5 novembre 2013 ; que l'EHPAD Lasserre n'a, devant le tribunal administratif, défendu au fond qu'à titre subsidiaire et a, à titre principal, invoqué l'irrecevabilité des conclusions à fin d'indemnité ; que, par suite, les conclusions présentées par M. C... devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise étaient, faute de décision préalable, irrecevables ;
Sur l'indemnisation du préjudice moral :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) " ; qu'il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
7. Considérant qu'à l'appui de ses conclusions tendant au versement d'une indemnité de 20 000 euros en réparation du préjudice lié à l'atteinte à sa " santé et à son bien-être mental ", M. C... fait valoir qu'il a subi des faits de harcèlement moral qui l'ont amené à se placer à plusieurs reprises en congé maladie pour dépression ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que, dès les premières semaines de sa présence dans l'établissement, l'intéressé a commis des erreurs dans l'accomplissement des tâches qui lui étaient confiées ; qu'en particulier, il est constant qu'il a signé le 18 juin 2013 un bon de commande à la place de l'ordonnateur et en son nom, alors que cela lui avait été expressément interdit par la directrice de l'établissement ; que, le 25 juin suivant, lors de son astreinte administrative, il n'a pas été en mesure de prendre l'initiative de remplacer le personnel absent ce qui a amené la directrice de l'EHPAD à reprendre elle-même les astreintes qui étaient censées lui être confiées ; que, dans ses échanges avec ses supérieurs hiérarchiques à la suite de ces incidents, M. C... a adopté un ton inapproprié comme cela lui a d'ailleurs été rappelé par la directrice de l'établissement dans un courriel du 25 juin 2013 ; que si la directrice de l'établissement lui a parfois reproché sa manière de servir et lui a réclamé l'exécution d'un certain nombre de tâches, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que ces demandes excèdaient les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, ni qu'elles n'étaient pas justifiées par l'intérêt du service ; qu'il ressort, par ailleurs, des pièces versées au dossier par l'intéressé lui-même que celui-ci a dénoncé le 9 juillet 2013 dans une main courante aux services de police comme des faits de harcèlement imputables à la volonté délibérée de la directrice de l'établissement, de simples problèmes d'accès à sa boite aux lettres informatique dont il ressort des pièces du dossier qu'ils résultaient simplement de l'évolution de l'architecture du réseau de l'établissement ; qu'il a également porté à la connaissance du président du conseil d'administration de l'EHPAD Lasserre le 23 juillet 2013 de prétendues difficultés professionnelles que la directrice de cet établissement aurait rencontrées dans ses précédents postes qui, outre qu'elles n'étaient absolument pas établies, ne concernaient aucunement sa propre situation, ainsi que de prétendues révélations que lui aurait faites son prédécesseur dans le poste, dont il ressort des pièces du dossier qu'elles ont été formellement infirmées par ce dernier le 6 août 2013 ; que si l'établissement a procédé à tort au licenciement de M. C...pour insuffisance professionnelle le 12 juillet 2013 alors que, comme l'a jugé à juste titre le tribunal, les faits qui lui étaient reprochés relevaient seulement d'une sanction disciplinaire, et s'il a été mis fin à sa seconde période d'essai le 5 novembre 2013, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la première de ces mesures qui résultait de la manière de servir de l'intéressé et de ses difficultés relationnelles avec sa hiérarchie, ni que la seconde, qui se bornait à tirer les conséquences d'une mésentente manifestement irréductible entre celui-ci et la directrice de l'EHPAD Lasserre, auraient porté à ses conditions de travail ou à ses droits ou bien encore à sa dignité une atteinte telle qu'elle pourrait être regardée comme caractérisant des faits de harcèlement moral au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 ; qu'ainsi la demande d'indemnisation faite par M. C... à raison de prétendus faits de harcèlement doit être rejetée ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l'EHPAD Lasserre, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'EHPAD Lasserre et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : M. C...versera à l'EHPAD Lasserre la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2
N° 17VE01446