Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 janvier 2016, le GAEC de la Rabatière, représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 12 novembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 11 janvier 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision en litige a été prise par une autorité incompétente ;
-les mentions qu'elle comporte ne permettent pas d'identifier son auteur en méconnaissance de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- la notion de zone de marais n'existe pas sur le plan juridique contrairement à la notion de zone humide, de sorte que la décision contestée, qui relève qu'elle a procédé à des travaux d'assèchement d'une zone de marais, est entachée d'erreur de fait et de défaut de base légale ; le tribunal administratif a aussi commis une erreur de droit en suivant cette analyse ;
- la décision est également entachée d'une erreur de fait dès lors que les travaux réalisés ont seulement consisté dans le drainage d'une zone qui ne peut, en outre, recevoir la qualification de zone de marais ;
- il a effectué des travaux de drainage et non pas d'assèchement de la zone considérée qui n'ont entraîné aucun effet dommageable sur l'environnement et notamment sur la ressource en eau ;
- le tribunal et le préfet ont commis une erreur de droit en estimant que l'autorité administrative était en situation de compétence liée pour prendre la mise en demeure en litige alors que son intervention nécessitait qu'il fasse usage de son pouvoir d'appréciation ; le tribunal ne pouvait par conséquence écarter comme inopérants les moyens dont il était saisi ;
- le préfet a commis une erreur de droit et une erreur de fait en estimant que le dossier d'autorisation au titre de la loi sur l'eau à déposer devait comporter une étude d'incidence ;
- en appliquant aux travaux litigieux la rubrique 3.3.1.0. le préfet a commis un détournement de procédure.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 décembre 2016, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.
Par une ordonnance du 7 décembre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 janvier 2017.
Un mémoire présenté pour le GAEC de la Rabatière a été enregistré le 19 janvier 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- l'arrêté du 24 juin 2008 précisant les critères de définition et de délimitation des zones humides en application des articles L. 214-7-1 et R. 211-108 du code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes des dispositions du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative issues du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 : " (...) Les présidents des cours administratives d'appel, les premiers vice-présidents des cours et les présidents des formations de jugement des cours peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter (...) après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement. (...) ".
2. Le 9 novembre 2012, des agents de la direction départementale des territoires et de la mer ont constaté, dans le cadre d'une opération de contrôle, que le GAEC de la Rabatière avait installé, sur une superficie de 29,8 hectares, un réseau de drains enterrés sur une parcelle située dans le marais poitevin entre le canal de la Banche et le canal de la Rabatière. Le 27 novembre 2012, le GAEC de la Rabatière a été destinataire d'un projet d'arrêté le mettant en demeure de régulariser les travaux entrepris en déposant une demande d'autorisation au titre de la loi sur l'eau. Cette mise en demeure a ensuite été édictée par un arrêté du préfet de la Charente-Maritime en date du 11 janvier 2013 que le GAEC de la Rabatière a contesté devant le tribunal administratif de Poitiers. Le GAEC de la Rabatière relève appel du jugement du 12 novembre 2015 par lequel le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
3. Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement : " Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année ; (...) ". Aux termes de l'article L. 214-3 du code de l'environnement : " I. Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles. (...) ". Est annexée à l'article R. 214-1 du même code la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-6. Figure dans cette nomenclature une rubrique 3.3.1.0 soumettant à autorisation l'assèchement, la mise en eau, l'imperméabilisation et les remblais réalisés au sein de zones humides ou de marais sur une surface supérieure ou égale à un hectare et une rubrique 3.3.2.0 soumettant les travaux de drainage à autorisation lorsque la superficie des terres concernées est supérieure à 100 hectares (1°) et à déclaration lorsque cette superficie est comprise entre 20 et 100 hectares (2°).
4. Pour rejeter la demande du GAEC de la Rabatière, le tribunal administratif de Poitiers a relevé, en se fondant sur un rapport de contrôle établi par l'administration, que ce dernier avait procédé à des travaux ayant eu pour effet d'assécher définitivement une zone de marais. Il a ensuite constaté que ces travaux entraient dans la rubrique 3.3.1.0. de la nomenclature des ouvrages ou travaux soumis à la loi sur l'eau, annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement, et relevant à ce titre du régime de l'autorisation. Le tribunal en a conclu que le préfet était tenu d'adresser au GAEC de la Rabatière une mise en demeure de régulariser sa situation, ce qui rendait inopérants les moyens soulevés à l'encontre de la décision préfectorale contestée.
5. Il résulte des termes de la rubrique 3.3.1.0. qu'elle régit non seulement les travaux d'assèchement de terres constituant des " zones humides " au sens de l'article 1er de l'arrêté du 24 juin 2008, précisant les critères de définition et de délimitation des " zones humides " pour la mise en oeuvre de cette rubrique, mais également celle des terres qui, bien que ne répondant pas aux critères de pédologie et de végétation posés par cet arrêté, sont néanmoins situées en " zone de marais ", sans qu'y fasse obstacle l'absence de définition législative ou réglementaire de cette dernière notion.
6. Il résulte de l'instruction que les parcelles du GAEC de la Rabatière se situent dans le marais poitevin, entre le canal de la Banche et le canal de la Rabatière. Pour confirmer la légalité de la mise en demeure du 11 janvier 2013, les premiers juges se sont fondés sur le fait que les travaux entrepris par le GAEC de la Rabatière se situaient dans une zone de marais relevant de la rubrique 3.3.1.0. de la nomenclature des travaux et ouvrages soumis à autorisation ou à déclaration au titre de la loi sur l'eau. Si le GAEC requérant soutient que la notion de zone de marais n'existe pas, il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'elle est bien employée dans la rubrique 3.3.1.0 qui, en particulier, la distingue expressément de celle de zone humide. Par suite, le requérant ne peut, à l'appui de sa contestation de la mise en demeure en litige, utilement invoquer la circonstance que ses travaux n'ont pas été réalisés en zone humide.
7. Le GAEC de la Rabatière soutient également qu'il a simplement substitué à un réseau de drainage en rigoles un nouveau réseau de drainage enterré et que de tels travaux n'ont pas conduit à l'assèchement de la zone concernée. Il ne produit toutefois aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ce point par le tribunal qui, en se fondant sur un rapport de contrôle établi par l'administration après une visite sur place, a jugé que les travaux réalisés ont conduit à un assèchement irréversible des sols. Au regard de leurs conséquences, de tels travaux relevaient bien de la rubrique 3.3.1.0. de la nomenclature des ouvrages et travaux soumis à la loi sur l'eau. Ainsi, et contrairement à ce que soutient le requérant, ils ne constituaient pas de simples travaux de drainage non soumis à autorisation dès lors qu'ils portaient sur une superficie inférieure à 100 hectares en application de la rubrique 3.3.2.0 laquelle, au surplus, ne concerne que les interventions réalisées hors zone humide ou de marais.
8. Aux termes de l'article L. 216-1-1 du code de l'environnement : " Lorsque des installations ou ouvrages sont exploités ou que des travaux ou activités sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation ou de la déclaration requise par l'article L. 214-3, l'autorité administrative met en demeure l'exploitant ou, à défaut, le propriétaire de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine en déposant, suivant le cas, une demande d'autorisation ou une déclaration (...) ". Comme rappelé au point 3 de la présente ordonnance, la rubrique 3.3.1.0 de la nomenclature des travaux relevant de la loi sur l'eau soumet à déclaration les travaux d'assèchement portant sur une superficie supérieure à 0,1 hectare et à autorisation lorsque cette superficie est supérieure ou égale à 1 hectare.
9. Il résulte également des dispositions précitées que lorsque des agents ont constaté la réalisation de travaux qui auraient nécessité une autorisation au titre de la protection de la ressource en eau et des écosystèmes aquatiques, le préfet, sans procéder à une nouvelle appréciation de la violation constatée, est tenu d'édicter une mise en demeure de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé.
10. Il résulte de l'instruction que les travaux de drainage entrepris par le GAEC de la Rabatière ont concerné une superficie de 29,8 hectares. Ainsi, l'administration s'est bornée à constater, sans exercer sur ce point un pouvoir d'appréciation particulier, que les travaux ont porté sur une surface excédant le seuil d'un hectare au-delà duquel une autorisation doit être requise au titre de la loi sur l'eau. Il s'ensuit que la préfète de la Charente-Maritime était tenue de mettre en demeure le GAEC de la Rabatière de déposer un dossier d'autorisation au titre de la loi sur l'eau. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a considéré que le préfet était en situation de compétence liée pour édicter la mise en demeure en litige avant d'écarter comme inopérants les autres moyens soulevés par la requérante à l'encontre de cette décision.
11. Enfin, en vertu de l'article R. 214-6 du code de l'environnement, la demande d'autorisation doit comporter l'évaluation des incidences du projet sur un ou plusieurs sites Natura 2000, au regard des objectifs de conservation de ces sites. Ce même article précise que le contenu de l'évaluation peut se limiter à une présentation simplifiée des incidences du projet dès lors que cette première analyse conclut à l'absence d'atteinte significative sur tout site Natura 2000. Il en résulte que l'administration a pu légalement exiger du GAEC de la Rabatière qu'il joigne à sa demande d'autorisation une étude d'incidence dont la réalisation n'est en effet aucunement subordonnée à la condition que les travaux emportent des conséquences significatives sur un site Natura 2000 existant.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la requête d'appel est manifestement dépourvue de fondement et peut être rejetée, en ce compris les conclusions au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue par les dispositions précitées du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
ORDONNE :
Article 1er : La requête du GAEC de la Rabatière est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au groupement agricole d'exploitation en commune (GAEC) de la Rabatière et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer.
Fait à Bordeaux, le 11 avril 2017.
Le président de chambre,
Didier Péano
La République mande et ordonne à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Evelyne Gay-Boissières
2
N° 16BX00098