Procédure devant la cour administrative d'appel :
Par une requête, enregistrée le 20 août 2019, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 18 juillet 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 15 avril 2019 du préfet des Deux-Sèvres ;
3°) d'enjoindre au préfet des Deux-Sèvres de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce que le premier juge a pris en compte les pièces produites par le préfet au-delà de la date de clôture d'instruction et a ainsi méconnu le principe du contradictoire ;
- le tribunal ne mentionne dans aucun de ses considérants l'atteinte à sa vie privée et familiale ni les risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine ;
- l'arrêté litigieux est entaché d'incompétence de son signataire ;
- il est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne prend pas en compte sa durée de séjour en France et qu'il comporte une erreur sur sa nationalité ;
- le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet ne rapporte pas la preuve qu'un traitement médical serait effectivement disponible dans son pays d'origine, que son état de santé nécessite des soins qui ne peuvent être interrompus, et qu'un certificat médical confirme l'aggravation de son état de santé ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il réside en France depuis 2006 ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la même convention dès lors qu'il ne pourra être soigné.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents des cours administratives d'appel (...) peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter (...), après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement. (...) ".
2. M. B... A..., ressortissant ivoirien, relève appel du jugement du
18 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 avril 2019 par lequel le préfet des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois, et a fixé le pays de destination.
Sur l'aide juridictionnelle provisoire :
3. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :
" Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président ". L'article 62 du décret du
19 décembre 1991 pris pour application de cette loi prévoit que " l'admission provisoire (...) peut être prononcée d'office si l'intéressé a formé une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été définitivement statué ".
4. M. A... a sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle par une demande enregistrée le 30 août 2019 sous le n° 2019/021504 par le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux qui n'a pas statué à ce jour sur cette demande. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'admettre l'intéressé au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Sur la régularité du jugement attaqué :
5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.
6. Il ressort des pièces du dossier de première instance que l'unique mémoire en défense du préfet des Deux-Sèvres a été enregistré par le greffe du tribunal administratif de Poitiers le 26 juin 2019, postérieurement à la clôture de l'instruction, qui avait été fixée au
14 juin 2019. Ce mémoire n'a pas été communiqué à M. A..., dont les conclusions ont été rejetées. Toutefois, bien qu'ils aient visé et analysé le mémoire en défense du préfet, les premiers juges ne se sont pas fondés dans les motifs de leur jugement sur des éléments de droit ou de fait dont le requérant n'aurait pas eu déjà connaissance par les motifs de l'arrêté attaqué et qui n'auraient été contenus que dans ce mémoire en défense. Ce mémoire ne comportait en outre aucun moyen de défense. Il suit de là que le moyen tiré de ce que la procédure suivie devant le tribunal administratif aurait été conduite en méconnaissance de son caractère contradictoire doit être écarté.
7. En second lieu, M. A... doit être regardé comme soutenant que le jugement attaqué est entaché d'un défaut d'examen sur les moyens tirés de l'atteinte à sa vie privée et familiale et aux risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine. Toutefois, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que les premiers juges ont répondu à ses moyens. Dès lors, le jugement attaqué n'est pas entaché d'un défaut d'examen.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
8. En premier lieu, M. A... reprend, dans des termes identiques et sans critique utile du jugement, les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige et de son insuffisante motivation. Il n'apporte ainsi aucun élément de droit ou de fait nouveau à l'appui de ces moyens auxquels le tribunal a suffisamment et pertinemment répondu. Il y a lieu, dès lors, de les écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...)".
10. Par un avis du 3 avril 2019, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que, si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre d'une symptomatologie anxieuse et dépressive. L'appelant verse au dossier deux certificats médicaux d'un médecin généraliste qui se bornent à attester, sans autre précision, que son état de santé nécessite une prise en charge médicale au long cours dont le défaut peut avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité compte tenu de l'offre déficiente de soins dans son pays d'origine, et que son état de santé ne lui permet pas de voyager sans risque vers son pays natal. Il verse également au dossier deux certificats médicaux de praticiens hospitaliers en psychiatrie qui confirment la nécessité d'un suivi médical et qui précisent que son traitement doit être réajusté et son état clinique surveillé. Ainsi, aucun de ces certificats n'établit que le défaut de prise en charge médicale de M. A... pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par ailleurs, compte tenu de l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité, la circonstance que le traitement dont il a besoin ne lui serait pas accessible en Côte d'Ivoire est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige. Dans ces conditions, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. A..., le préfet des Deux-Sèvres n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, la décision en litige n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
12. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., entré irrégulièrement en France en 2006 selon ses propres déclarations, s'est maintenu de façon irrégulière sur le territoire. De plus, il est célibataire sans enfant, et a vécu la plus grande partie de sa vie en Côte d'Ivoire où il dispose encore d'attaches familiales. Par suite, le préfet des Deux-Sèvres n'a pas, en prenant l'arrêté en litige, porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a, ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
13. En quatrième et dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Pour les motifs exposés précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un éloignement de l'appelant vers la Côte d'Ivoire l'exposerait, en raison de son état de santé, à un traitement inhumain ou dégradant au sens des stipulations précitées. Le moyen tiré de leur violation doit dès lors être écarté.
14. Il résulte de ce qui précède que la requête d'appel est manifestement dépourvue de fondement et doit être rejetée selon la procédure prévue par les dispositions précitées du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Les conclusions à fins d'injonction, d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence.
ORDONNE :
Article 1er : M. A... est admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, à titre provisoire.
Article 2 : Les conclusions de la requête de M. A... sont rejetées pour le surplus.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A.... Une copie sera transmise pour information au préfet des Deux-Sèvres.
Fait à Bordeaux, 14 novembre 2019.
Brigitte PHEMOLANT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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N° 19BX03183