Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 6 août 2018, M. C... E..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1402778 du tribunal administratif de Strasbourg du 17 octobre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2014, en tant qu'il diminue de 0,3 point le coefficient de son indemnité d'administration et de technicité pour l'année 2014, ainsi que la décision du 25 mars 2014 ;
3°) d'enjoindre au président du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle de lui verser l'intégralité de son indemnité d'administration et de technicité au titre de l'année 2014 ;
4°) de condamner le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle aux entiers dépens et de mettre à sa charge la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté du 20 janvier 2014 n'est pas motivé ;
- la diminution de 0,3 point de son indemnité d'administration et de technicité pour l'année 2014 constitue une sanction illégale ;
- cette diminution méconnaît la délibération n° 96/2012 du 10 décembre 2012, fixant le régime indemnitaire des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs et techniques ;
- cette diminution est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la délibération n° 96/2012 du 10 décembre 2012.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 22 octobre 2018, le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du requérant de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens invoqués par M. E... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en intervention volontaire, enregistré le 27 mai 2019, le syndicat CFDT Interco Moselle conclut à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête.
Il soutient qu'il défend les intérêts des agents des collectivités territoriales et qu'il est recevable à intervenir dans la présente instance.
Par un mémoire complémentaire, enregistré le 16 septembre 2019, le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle conclut à la non-admission, pour irrecevabilité, de l'intervention volontaire du syndicat CFDT Interco Moselle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 90-850 du 25 septembre 1990 ;
- le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 ;
- le décret n° 2002-61 du 14 janvier 2002 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Meisse, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., pour le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle.
Une note en délibéré, enregistrée le 23 octobre 2019, a été présentée pour M. E....
Considérant ce qui suit :
1. Nommé caporal au 1er janvier 2014, M. C... E... est sapeur-pompier professionnel au sein du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle. Il exerce ses fonctions au centre d'intervention du secteur de Forbach. Par un arrêté du président du service départemental du 20 janvier 2014, il a bénéficié de l'indemnité d'administration et de technicité diminuée de 0,3 point au titre de l'année 2014 au regard de sa manière de servir au cours de l'année 2013. Par un courrier du 21 février 2014, il a formé, contre l'arrêté du 20 janvier 2014, un recours gracieux qui a été rejeté le 25 mars 2014. Par une requête, enregistrée le 22 mai 2014, il a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 janvier 2014 du président du service départemental d'incendie et de secours de Moselle en tant qu'il diminue de 0,3 point le coefficient de son indemnité d'administration et de technicité pour l'année 2014, ensemble la décision du 25 mars 2014 portant rejet de son recours gracieux formé le 21 février 2014. Il relève appel du jugement n° 1402778 du 17 octobre 2017, qui rejette sa demande.
Sur l'intervention du syndicat CFDT Interco Moselle :
2. Contrairement aux allégations du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle, la circonstance que le syndicat CFDT Interco Moselle ne soit pas intervenu en première instance ne lui interdit pas d'intervenir en appel. Il est constant, par ailleurs, que ce syndicat a notamment pour objet de contribuer à l'extension des droits et à la défense des intérêts professionnels, sociaux, matériels et moraux des agents des collectivités territoriales. Par suite, son intervention au soutien des conclusions de M. E... est recevable.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction alors applicable : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Les indemnités peuvent tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents ainsi que de la performance collective des services. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 87 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les fonctionnaires régis par la présente loi ont droit, après service fait, à une rémunération fixée conformément aux dispositions de l'article 20 du titre Ier du statut général. ". Et aux termes du premier alinéa de l'article 88 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors applicable : " L'assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale ou le conseil d'administration d'un établissement public local fixe les régimes indemnitaires dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat et peut décider, après avis du comité technique, d'instituer une prime d'intéressement tenant compte de la performance collective des services selon les modalités et dans les limites définies par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes du premier alinéa de l'article 1er du décret n° 91-875 du 6 septembre 1991, pris pour l'application du premier alinéa de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le régime indemnitaire fixé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et les conseils d'administration des établissements publics locaux pour les différentes catégories de fonctionnaires territoriaux ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions équivalentes. ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " L'assemblée délibérante de la collectivité ou le conseil d'administration de l'établissement fixe, dans les limites prévues à l'article 1er, la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux fonctionnaires de ces collectivités ou établissements. (...) / L'autorité investie du pouvoir de nomination détermine, dans cette limite, le taux individuel applicable à chaque fonctionnaire. ".
4. D'autre part, aux termes de l'article 6-1 du décret n° 90-850 du 25 septembre 1990 portant dispositions communes à l'ensemble des sapeurs-pompiers professionnels : " Le régime indemnitaire des sapeurs-pompiers professionnels est fixé par le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours dans les limites déterminées aux articles suivants. ". Aux termes du troisième alinéa 6-7 du même décret : " Les sapeurs-pompiers professionnels, qui ne bénéficient pas de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires, peuvent percevoir l'indemnité d'administration et de technicité dans les conditions fixées par le décret n° 2002-61 du 14 janvier 2002. ". Enfin, aux termes de l'article 5 du décret n° 2002-61 du 14 janvier 2002, relatif à l'indemnité d'administration et de technicité : " L'attribution individuelle de l'indemnité d'administration et de technicité est modulée pour tenir compte de la manière de servir de l'agent dans l'exercice de ses fonctions ". Il résulte de ces dernières dispositions que la détermination du montant ou du taux de l'indemnité d'administration et de technicité doit reposer sur un examen individuel de la situation de chaque agent concerné.
5. En application de l'article 88 de la loi de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et des articles 1er et 2 du décret n° 91-875 du 6 septembre 1991, le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle, par une délibération n° 96/2012 du 10 décembre 2012 fixant le régime indemnitaire des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs et techniques, a déterminé les conditions d'attribution de l'indemnité d'administration et de technicité de la manière suivante : le taux de 5,4 points se répartit entre une part fixe de 1,6 point et une part variable de 3,8 points. Selon les termes de cet arrêté, la part variable comprend 1 point pour le présentéisme et 2,8 point pour la manière de servir, dont 0,6 pour accidentologie, 0,6 pour respect de l'outil de travail, 0,6 pour respect de la hiérarchie, des autorités et du public, 0,5 pour le respect du port de la tenue et 0,5 pour retards. Le taux de 0,6, prévu au titre du respect de la hiérarchie, des autorités et du public, est réduit de 0,3 point pour un premier rappel à l'ordre écrit et de 0,6 point en cas de second rappel à l'ordre écrit. La délibération prévoit encore que " les chefs de centre ou de services seront amenés, lors de l'entretien d'évaluation annuel, à remplir une fiche " IAT " sur laquelle figurera le taux octroyé à l'agent au vu de la manière de servir de l'année n et s'appliquera sur l'IAT de l'année n+1 ".
6. Il est constant que M. E... a, dans la nuit du 26 au 27 octobre 2013, oublié de refermer le portail après le passage d'un véhicule d'intervention et qu'une personne extérieure a pu ainsi s'introduire dans les locaux de la caserne, alors même que le plan Vigipirate était activé. Les faits reprochés à l'intéressé ayant donné lieu à un rappel à l'ordre écrit par un courrier du 7 novembre 2013, l'arrêté du 20 janvier 2014 a réduit de 0,3 point le taux de son indemnité d'administration et de technicité au titre de l'année 2014, en application des dispositions de la délibération n° 96/2012 du 10 décembre 2012.
7. Il peut être excipé de l'illégalité interne d'un acte réglementaire sans condition de délai au soutien d'une demande d'annulation d'une décision individuelle prise sur son fondement.
8. Si l'autorité hiérarchique peut se fonder sur la manière de servir et prendre notamment en compte les rappels à l'ordre écrits adressés aux agents pour moduler le montant des primes liées à la valeur et à l'action des intéressés, elle ne peut se dispenser, à cette occasion, d'un examen individuel global des mérites de chacun. Ainsi, le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle ne pouvait légalement, sans méconnaître l'article 5 du décret n° 2002-61 du 14 janvier 2002, instituer une règle de diminution automatique du taux de l'indemnité d'administration et de technicité en cas de rappel à l'ordre écrit. La circonstance que cette diminution intervient à l'issue de l'entretien annuel d'évaluation n'est pas de nature à lui retirer son caractère automatique, dès lors que les chefs de centre ou de service concernés ne disposent d'aucune marge d'appréciation. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. E... est fondé à soutenir que l'arrêté du 20 janvier 2014 est dépourvu de base légale et à demander, pour ce motif, son annulation en tant qu'il diminue de 0,3 point le coefficient de son indemnité d'administration et de technicité pour l'année 2014, ainsi que celle de la décision du 25 mars 2014 portant rejet de son recours gracieux.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique seulement que le syndicat départemental d'incendie et de secours de la Moselle réexamine la situation de M. E... au regard de ses droits à l'attribution de l'indemnité d'administration et de technicité au titre de l'année 2014. Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans les deux mois suivant notification du présent arrêt.
Sur les conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. E..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle le versement au requérant d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : L'intervention du syndicat CFDT Interco Moselle est admise.
Article 2 : Le jugement n° 1402778 du 17 octobre 2017 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 3 : L'arrêté du 20 janvier 2014 en tant qu'il diminue de 0,3 point le coefficient de l'indemnité d'administration et de technicité de M. E... pour l'année 2014 et la décision du 25 mars 2014 sont annulés.
Article 4 : Il est enjoint au président du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle de réexaminer la situation de M. E... au regard de ses droits à l'attribution de l'indemnité d'administration et de technicité au titre de l'année 2014, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 5 : Le service départemental d'incendie et de secours versera à M. E... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 7 : Les conclusions présentées par le service départemental d'incendie et de secours en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E..., au service départemental d'incendie et de secours de la Moselle et au syndicat CFDT Interco Moselle.
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N° 17NC02985