Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 octobre 2020, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 juin 2020 du tribunal administratif de Limoges ;
2°) d'annuler la décision du 26 octobre 2017 de la garde des sceaux, ministre
de la justice ;
3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de le transférer dans un établissement pénitentiaire " permettant de concilier les objectifs de maintien des liens familiaux et de bonne exécution de la peine " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué ne comporte pas les signatures prévues à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- la décision attaquée ne constitue pas une mesure d'ordre intérieur ; ses attaches familiales sont situées dans l'est de la France, et la maison centrale de Saint-Maur est particulièrement isolée et inaccessible par les transports en commun ; il n'est pas justifié de la nécessité de l'éloigner de sa région d'origine, où résident ses proches ; la décision met ainsi en cause son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il n'est pas justifié de la compétence du signataire de la décision ;
- faute d'avoir été précédée de l'avis prévu à l'article D. 80 du code de procédure pénale, la décision est entachée d'un vice de procédure ; ce vice l'a privé d'une garantie et a été de nature à exercer une influence sur le sens de la décision ;
- la décision, qui le transfère à 350 kilomètres de son lieu de détention, en dehors de la région de l'Aisne où il était incarcéré, pour de prétendues raisons médicales, a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article D. 360 du code de procédure pénale ;
- la décision, qui méconnaît l'objectif de réinsertion sociale des détenus alors que sa longue peine touche à sa fin, repose sur une erreur manifeste d'appréciation ; du fait de l'isolement de la maison centrale de Saint-Maur, les activités proposées y sont moindres.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents des cours administratives d'appel, les premiers vice-présidents des cours et les présidents des formations de jugement des cours, ainsi que les autres magistrats ayant le grade de président désignés à cet effet par le président de la cour peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter les conclusions à fin de sursis à exécution d'une décision juridictionnelle frappée d'appel, les requêtes dirigées contre des ordonnances prises en application des 1° à 5° du présent article ainsi que, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement ".
2. M. C... relève appel du jugement du 4 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision
du 26 octobre 2017 du garde des sceaux, ministre de la justice le transférant du centre pénitentiaire de Château-Thierry (Aisne) vers la maison centrale de Saint-Maur (Indre) et demande à la cour d'enjoindre à cette autorité de le transférer dans un établissement pénitentiaire " permettant de concilier les objectifs de maintien des liens familiaux et de bonne exécution de la peine ".
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué comporte, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'irrégularité au regard de ces dispositions ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article D. 70 du code de procédure pénale : " Les établissements pour peines, dans lesquels sont reçus les condamnés définitifs, sont les maisons centrales, les centres de détention, les établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs, les centres de semi-liberté et les centres pour peines aménagées. A titre exceptionnel, les maisons d'arrêt peuvent recevoir des condamnés dans les conditions déterminées par le second alinéa de l'article 717. Les centres pénitentiaires regroupent des quartiers distincts pouvant appartenir aux différentes catégories d'établissements pénitentiaires. Ces quartiers sont respectivement dénommés, en fonction de la catégorie d'établissement correspondante, comme suit : " quartier maison centrale ", " quartier centre de détention ", " quartier de semi-liberté ", " quartier pour peines aménagées ", " quartier maison d'arrêt " ". Aux termes de l'article D. 80 de ce code : " Le ministre de la justice dispose d'une compétence d'affectation des condamnés dans toutes les catégories d'établissement. Sa compétence est exclusive pour les affectations dans les maisons centrales ". L'article D. 82 du même code dispose : " L'affectation peut être modifiée soit à la demande du condamné, soit à la demande du chef de l'établissement dans lequel il exécute sa peine (...) L'affectation ne peut être modifiée que s'il survient un fait ou un élément d'appréciation nouveau ".
5. Eu égard à leur nature et à leurs effets, les décisions de changement d'affectation entre établissements de même nature ne constituent pas des actes administratifs susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, sauf à ce que la nouvelle affectation s'accompagne d'une modification du régime de détention entraînant une aggravation des conditions de détention, et sous réserve que ne soient pas en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus. Doivent être regardées comme mettant en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus les décisions qui portent à ces droits et libertés une atteinte qui excède les contraintes inhérentes à leur détention.
6. M. C... persiste à soutenir devant la cour que la décision en litige met en cause son droit au respect de sa vie privée et familiale. Toutefois, et comme l'a relevé le tribunal, le requérant est célibataire et sans charge de famille. S'il fait valoir que les membres de sa fratrie résident dans l'est de France, il ressort notamment du courrier du 29 août 2017 du conseiller d'insertion et de probation du centre pénitentiaire de Château-Thierry que l'intéressé n'a reçu aucune visite au cours de son incarcération au sein de cet établissement. Dans ces conditions, la décision le transférant de cet établissement vers la maison centrale de Saint-Maur, qui ne fait pas obstacle au maintien d'échanges téléphoniques ou épistolaires entre M. C... et ses frère et soeur, ne peut être regardée comme mettant en cause son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par ailleurs, l'objectif de réinsertion sociale des détenus dont le requérant se prévaut en appel n'est pas au nombre des droits et libertés fondamentaux des détenus. Par suite, la décision contestée constituant une mesure d'ordre intérieur insusceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, la demande de première instance était, ainsi que l'a jugé le tribunal, irrecevable.
7. Il résulte de ce qui précède que la requête d'appel de M. C..., qui est manifestement dépourvue de fondement au sens des dispositions précitées du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, doit être rejetée selon la procédure qu'elles prévoient, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des frais d'instance.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... C.... Copie en sera adressée
au garde des sceaux, ministre de la justice.
La présidente de la 2ème chambre,
Catherine Girault
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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N° 20BX03419