Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 1er mars 2019 et le 8 janvier 2020, la SCI La Commanderie, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 4 décembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire du Lamentin du 9 janvier 2018 ;
3°) d'enjoindre au maire du Lamentin de lui délivrer un certificat de permis de construire tacite dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'en accueillant un de ses moyens, les premiers juges auraient dû annuler l'arrêté portant refus de permis de construire ;
- un permis de construire tacite est né le 11 novembre 2017, qui ne pouvait pas être retiré par l'arrêté du 9 janvier 2018 dès lors qu'il n'était pas illégal ;
- l'arrêté de refus de permis de construire a été pris à la suite d'une procédure illégale, dès lors qu'elle n'a pas été mise à même de présenter ses observations ;
- l'arrêté en litige est entaché d'une erreur de droit, dès lors qu'un refus ne peut être opposé qu'au regard des dispositions d'un plan local d'urbanisme entrées en vigueur et non en vertu de dispositions qui ne sont pas encore opposables ;
- son projet ne porte pas atteinte à la sécurité publique dès lors qu'il n'entraîne pas une forte imperméabilisation du terrain et que le projet de construction prévoit le rehaussement des murs de soutènement existants aux abords de la voierie communale, alors que l'affaissement de cette voie en 2014 n'était pas dû aux travaux réalisés par la société ;
- le motif tiré du non-respect de l'article 1 AUH 8 du règlement du plan local d'urbanisme est illégal dès lors qu'il méconnaît les droits qu'elle a acquis grâce au permis de construire du 5 septembre 2011, devenu définitif ;
- la distance séparant les bâtiments 3 et 4 est suffisante pour respecter les dispositions de l'article 1AUH 8 du règlement du plan local d'urbanisme ;
- le motif tiré de ce que les plans de façade présentés dans le projet ne correspondent pas aux bâtiments 1, 2, 3 et 4 déjà réalisés n'est pas suffisamment motivé au regard des articles R. 424-5 et A. 424-4 du code de l'urbanisme ;
- la circonstance que les plans et indications pourraient ne pas être respectés lors de la réalisation des travaux n'est pas de nature à affecter la légalité d'un permis de construire ;
- il résulte des dispositions des articles L. 151-30 du code de l'urbanisme et du 1° du I de l'article L. 111-5-2 du code de la construction et de l'habitation que l'obligation de réaliser un local pour le stationnement des deux roues ne concerne que les bâtiments équipés de places de stationnement individuelles couvertes ; les dispositions de l'annexe au règlement du plan local d'urbanisme ne sont pas applicables.
Par un mémoire en défense et un mémoire enregistrés le 18 novembre 2019 et le 30 janvier 2020, la commune du Lamentin, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la SCI La Commanderie la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les moyens de la SCI La Commanderie ne sont pas fondés ;
- à supposer que les motifs de l'arrêté du 9 janvier 2018 étaient insuffisants, il y aurait lieu d'y substituer le motif tiré du défaut de régularisation des autres éléments de construction édifiés en méconnaissance du permis de construire délivré le 22 novembre 2011, ainsi que celui tiré de la méconnaissance de l'article 1AUh12 du règlement du plan local d'urbanisme dès lors que le projet ne prévoit pas de locaux pour le stationnement des deux-roues.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et notamment son article 5 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... A...,
- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la commune du Lamentin.
Considérant ce qui suit :
1. Le 5 septembre 2011, le maire du Lamentin a délivré à la SCI La Commanderie un permis de construire pour la réalisation de quatre-vingt-trois logements, répartis dans onze bâtiments, sur les parcelles cadastrées M 286, M 283, M 288, situées Habitation Gondeau La Source. Le 10 juillet 2017, la SCI La Commanderie a déposé une nouvelle demande de permis de construire portant sur les mêmes parcelles, pour la réalisation de sept immeubles comprenant cent vingt-six logements. Par un arrêté du 9 janvier 2018, le maire du Lamentin a refusé de lui délivrer le permis de construire sollicité. La SCI La Commanderie relève appel du jugement du 4 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 janvier 2018.
Sur la régularité du jugement :
2. Si la SCI La Commanderie soutient que les premiers juges auraient dû, après avoir constaté que l'un des motifs de l'arrêté du 9 janvier 2018 était entaché d'une erreur de droit, prononcer l'annulation de cet arrêté, ce moyen qui a trait au bien-fondé du jugement est sans incidence sur sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme : " Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction. (...) ". Aux termes de l'article R. 423-19 de ce code : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet. ". Et aux termes de l'article R. 423-23 du même code : " Le délai d'instruction de droit commun est de : (...) c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire (...) ".
4. Il est constant que le maire du Lamentin a demandé à la pétitionnaire, par un courrier du 31 juillet 2017 faisant état de la modification du délai d'instruction de sa demande de permis de construire, de fournir des pièces complémentaires afin de compléter son dossier de permis de construire. Si la SCI La Commanderie a transmis, le 11 août 2017, des pièces complémentaires, il ressort des pièces du dossier que les éléments fournis présentaient des carences et des incohérences. Ils ne permettaient pas, notamment, de déterminer le nombre de logements créés par le projet et les plans de masse ne comportaient pas les lignes de cote du terrain naturel. Seul le versement de nouvelles pièces complémentaires le 18 octobre 2017 a permis de clarifier ces incertitudes. Ainsi, le dossier de demande de permis de construire présenté par la SCI La Commanderie n'a pu être regardé comme complet qu'à la date du 18 octobre 2017. Dans ces conditions, contrairement à ce qu'elle soutient, aucun permis n'a été tacitement accordé à l'appelante le 11 novembre 2017. Dès lors, l'arrêté de refus de permis de construire, qui est intervenu le 9 janvier 2018, soit moins de trois mois après que le dossier complet a été reçu en mairie, ne peut être regardé comme ayant procédé au retrait d'un prétendu permis tacite. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté serait intervenu au terme d'une procédure irrégulière faute pour la commune d'avoir mis à même la société pétitionnaire de présenter ses observations doit être écarté.
5. Le maire du Lamentin a, par son arrêté du 9 janvier 2018, refusé de délivrer le permis de construire sollicité par la SCI La Commanderie aux motifs que le projet ne régularise pas les travaux déjà réalisés et que les plans de façade présentés dans le projet ne correspondent pas aux bâtiments 1, 2 ,3 et 4 déjà réalisés, qu'il ne s'inscrit pas dans les orientations retenues dans le cadre de la révision du plan local d'urbanisme et est de nature à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan d'aménagement de la zone, qu'il porte atteinte à la sécurité publique et qu'il méconnait l'article 1AUH-8 du règlement du plan local d'urbanisme.
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les façades des bâtiments 1 et 2 ne coïncident pas avec l'état des lieux fourni dans le dossier de demande de permis de construire, qui porte pourtant la mention " conforme à l'existant ". Toutefois, ces inexactitudes n'ont pas, en l'espèce, été de nature à fausser l'appréciation du maire du Lamentin sur la conformité de ce projet à la réglementation applicable. En outre, si la commune soutient que ces façades n'ont pas été construites conformément au permis de construire délivré le 5 septembre 2011, elle n'établit ni même n'allègue que les bâtiments édifiés porteraient atteinte à la réglementation applicable en matière d'urbanisme. Ainsi, le maire a commis une erreur de droit en se fondant sur ce motif pour refuser de délivrer à la SCI La Commanderie le permis de construire sollicité.
7. En deuxième lieu, si les dispositions de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme autorisent l'autorité compétente à surseoir à statuer sur une demande d'autorisation de construire dès lors qu'elle pourrait compromettre ou rendre plus onéreuse l'exécution d'un futur plan local d'urbanisme, elles ne permettent pas à cette autorité de prononcer un refus de permis de construire pour ce motif. Par suite, le maire du Lamentin a commis une erreur de droit en se fondant, pour refuser de délivrer le permis de construire sollicité, sur la circonstance que le projet de la SCI La Commanderie risquait de compromettre ou de rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan d'aménagement de la zone tel que prévu dans le projet de révision du plan local d'urbanisme.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Aux termes de l'article 1AUH-1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune du Lamentin : " Occupations et utilisations du sol interdites : 1.1. Dispositions générales : Les constructions et installations qui, par leur nature, leur importance ou leur aspect, seraient incompatibles avec le caractère du voisinage ou susceptibles de porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique (notamment les constructions et installations implantées sur des pentes trop fortes). ".
9. S'il ressort des pièces du dossier que le projet de la SCI La Commanderie prévoit d'importants terrassements, qui favorisent l'imperméabilisation du terrain, la commune, en se bornant à faire état de ce phénomène sans préciser le danger qu'emporteraient l'imperméabilisation de la parcelle et l'empiètement sur les berges de la ravine, ne caractérise pas l'atteinte à la sécurité publique alléguée. De même, s'il ressort des pièces du dossier que la voie communale n° 3, en contrebas de laquelle le projet de la SCI La Commanderie est implanté, s'est affaissée en août 2014 et en novembre 2015, après que les travaux autorisés par le permis de construire délivré le 5 septembre 2011 ont été entrepris, la commune ne précise pas en quoi le rehaussement du mur de soutènement prévu par le nouveau projet de la SCI La Commanderie pourrait avoir des conséquences sur cette voie communale et, ainsi, porter atteinte à la sécurité publique. Par suite, le maire du Lamentin a commis une erreur d'appréciation en opposant à la SCI La Commanderie l'atteinte que son projet porterait à la sécurité publique pour refuser de lui délivrer le permis de construire demandé.
10. Toutefois, le maire du Lamentin s'est également fondé, pour rejeter la demande de permis de construire de l'appelante, sur la méconnaissance des dispositions de l'article 1AUH-8 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune du Lamentin, dès lors que la distance entre les bâtiments 3 et 4 n'était pas respectée.
11. Aux termes de l'article 1AUH-8 du règlement du plan local d'urbanisme : " La distance entre tous les points de deux bâtiments ou d'un bâtiment et d'une annexe, s'ils ne sont pas contigus, sur une même propriété doit être au moins égale : /- à la différence de niveau entre l'égout du toit de la construction la plus haute et le sol de la construction la plus basse, / - cette distance ne peut-être inférieure à 3,50 mètres. ".
12. En l'espèce, l'égout du toit de la construction la plus haute, soit du bâtiment 4, se situe à une cote 148, tandis que le sol de la construction la plus basse, soit du bâtiment 3, se situe à une cote 134,20, soit une différence de 13,80. Or, la distance entre les bâtiments 3 et 4 du projet envisagé par la SCI La Commanderie est de seulement 12,33 mètres. Ce projet méconnaît donc les prescriptions de l'article 1AUH-8 du règlement du plan local d'urbanisme cité ci-dessus. La société ne peut utilement se prévaloir de l'article 1AUH-10 du règlement du plan local d'urbanisme selon lequel " La hauteur se mesure : - à partir du sol naturel existant avant les travaux, - jusqu'au point le plus élevé de la construction (...) ", qui est relatif à la seule hauteur des constructions et est sans effet sur l'application de l'article 1AUH-8, lequel concerne la distance entre tous points de deux bâtiments. La société appelante ne saurait davantage se prévaloir de prétendus droits qu'elle aurait acquis par l'effet du permis de construire délivré le 5 septembre 2011 dès lors que la notice architecturale de sa demande de permis de construire présentée en 2017 précisait que cette demande visait " à annuler le permis de construire du 5 septembre 2011 et autoriser un nouveau projet totalisant 126 logements répartis sur 7 bâtiments ". Par suite, le maire du Lamentin a pu se fonder sur la méconnaissance des dispositions de l'article 1AUH-8 du règlement du plan local d'urbanisme pour refuser de délivrer le permis de construire sollicité.
13. Il résulte de l'instruction que le maire du Lamentin aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur la méconnaissance de l'article 1AUH-8 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI La Commanderie n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 janvier 2018.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
15. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de la SCI La Commanderie dirigées contre le jugement du tribunal administratif de la Martinique, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune du Lamentin, qui n'est pas la partie perdante, la somme que l'appelante demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI La Commanderie une somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la commune du Lamentin.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SCI La Commanderie est rejetée.
Article 2 : La SCI La Commanderie versera à la commune du Lamentin une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI La Commanderie et à la commune du Lamentin.
Copie en sera adressée au ministre des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 4 mars 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, présidente,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme D... A..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er avril 2021.
La présidente,
Marianne Hardy
La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX00925 2