Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 juin 2020 et un mémoire enregistré le 15 juillet 2020, M. E..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les arrêtés du 19 mai 2020 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de lui délivrer, dans un délai de quinze jours, un titre de séjour et, à titre subsidiaire, de procéder, dans un délai d'un mois, au réexamen de sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
Il soutient que :
- les décisions sont insuffisamment motivées en méconnaissance de la loi du 11 juillet 1979 et sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen approfondi en méconnaissance de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- les dispositions du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 7 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ont été méconnues ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation quant à sa situation personnelle ;
- le tribunal a commis une erreur de fait ;
- les décisions portent atteinte à sa vie privée en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles portent atteinte à l'intérêt supérieur des enfants en méconnaissance de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant ;
- l'interdiction de retour porte une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et la durée de deux ans est manifestement disproportionnée ;
- la préfecture ne pouvait prendre une mesure d'assignation à résidence sur le seul fondement d'une hypothétique fuite.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et notamment son article 5 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F... C... ;
- et les observations de Me B..., représentant M. E....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 19 mai 2020 la préfète de la Gironde a obligé M. E..., ressortissant tunisien né en 1993, à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il devait être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un arrêté du même jour, la préfète l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. E... relève appel du jugement du 26 mai 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
2. Les arrêtés attaqués visent les textes dont il est fait application, mentionnent les faits relatifs à la situation personnelle et administrative de M. E... et indiquent avec précision les raisons pour lesquelles la préfète de la Gironde l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination, lui a interdit le retour en France pendant deux ans et a décidé de l'assigner à résidence. Ces indications, qui ont permis à M. E... de comprendre et de contester les mesures prises à son encontre, étaient suffisantes alors même qu'il n'est pas fait mention de son contrat de travail à durée indéterminée. Par suite, le moyen tiré de la motivation insuffisante de l'arrêté contesté doit être écarté.
3. Il ne ressort ni de cette motivation ni des autres pièces du dossier que la préfète n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation de M. E.... En l'absence de demande de titre de séjour, la préfète n'avait pas à examiner sa situation au regard des critères relatifs au titre de séjour " salarié " fixés par les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par les stipulations de l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 et par l'accord cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne, signé à Tunis le 28 avril 2008 et les protocoles qui y sont annexés. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen approfondi de la situation de M. E... doit être écarté.
4. Contrairement à ce que soutient M. E..., qui n'a pas sollicité le renouvellement du visa d'un an valant titre de séjour dont il a bénéficié en sa qualité de conjoint de français, la préfète n'a pas entaché ses décisions d'une erreur de fait en estimant qu'il ne justifiait pas de ressources légales en France dès lors qu'il travaille depuis le mois de décembre 2018 sans autorisation et sans être titulaire d'un titre de séjour. Le moyen ainsi soulevé doit donc être écarté.
5. Dès lors que les arrêtés contestés ne se prononcent pas sur une demande de titre de séjour, le moyen tiré de la méconnaissance du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celui tiré de la méconnaissance des stipulations de l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 et de l'accord cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne et des protocoles qui y sont annexés doivent être écartés.
6. Si M. E... se prévaut de son entrée régulière en France, de sa résidence sur le territoire français depuis plus de deux ans, de la présence de membres de sa famille et de son intégration professionnelle, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il ne vit plus avec son épouse française, qu'il n'a pas sollicité le renouvellement du titre de séjour dont il avait bénéficié en 2017 et qu'il travaille depuis lors sans autorisation. Par ailleurs les attestations qu'il produit ne peuvent être regardées, compte tenu des termes très généraux dans lesquels elles sont rédigées, comme caractérisant l'existence, en France, de liens d'une nature ou d'une intensité particulière, en dehors des membres de sa famille dont il a vécu séparé jusqu'à son arrivée récente en France. Dans ces conditions, compte tenu de la durée et des conditions de séjour en France de M. E..., ni la mesure d'éloignement, ni la décision portant interdiction de retour pendant une durée de deux ans, ni encore la décision de l'assigner à résidence ne peuvent être regardées comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée eu égard aux buts poursuivis par ces mesures. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
7. Si M. E... a fait valoir, dans sa requête sommaire, que la préfète a méconnu les stipulations de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, il n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.
8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans n'est pas disproportionnée. Le moyen ainsi soulevé par M. E... doit donc être écarté.
9. Enfin, en vertu des dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut assigner à résidence un étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, ce qui est le cas de M. E.... Les circonstances qu'il bénéficie d'un contrat de travail en qualité d'aide-cuisinier et qu'il n'a fait l'objet d'aucune condamnation pénale ni de signalement ne font pas obstacle à ce qu'il puisse être assigné à résidence dans la perspective de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. Contrairement à ce que soutient M. E..., la préfète ne s'est pas fondée sur un risque de fuite pour l'assigner à résidence. Dès lors, le moyen ainsi soulevé doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés de la préfète de la Gironde du 19 mai 2020. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 4 mars 2021 à laquelle siégeaient :
Mme F... C..., présidente,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme G... D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er avril 2021.
La présidente,
Marianne C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX02065 2