Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 septembre 2019 et 18 mai 2020, M. et Mme E..., représentés par Me C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 11 juillet 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2017 ainsi que la décision du 16 janvier 2018 rejetant leur recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Lanton la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la requête est recevable dès lors que, propriétaires d'une maison d'habitation située à moins de trente mètres du projet, ils justifient d'un intérêt à agir ;
- le projet prévoyant un parc de stationnement en sous-sol, aurait dû comporter une étude de sol géotechnique et hydrologique dès lors que le terrain se situe dans une zone d'affleurement des nappes phréatiques ;
- le maire était tenu de sursoir à statuer en application du 3ème alinéa de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme dès lors que, d'une part, le projet contesté est de nature à compromettre le futur plan et, d'autre part, que le projet de plan local d'urbanisme de la commune de Lanton a été arrêté le 17 janvier 2017, avant la délivrance du permis litigieux ; l'arrêté contesté méconnait les dispositions des articles 2.1, 4.5, 6.1, 12.3 et 13 du règlement du futur plan local d'urbanisme applicable à la zone UA ; ces contrariétés qui portent sur des points importants et ont un caractère pérenne, sont de nature à compromettre et à rendre plus onéreuse l'exécution du plan local d'urbanisme ;
- le terrain d'assiette du projet est situé en zone bleu foncé du plan de prévention des risques de submersion marine de la commune de Lanton ; le projet de construction d'un établissement sensible et qui n'a pas pour objet de restructurer un établissement existant est interdit par le règlement de ce futur plan ; l'arrêté méconnait les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
- l'arrêté méconnait les dispositions de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme ;
- l'arrêté méconnait les dispositions de l'article R. 111-7 du code de l'urbanisme ;
- le projet méconnait les dispositions de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires enregistrés les 2 octobre 2019 et 10 septembre 2020, la société SCCV Taussat, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des appelants d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable à défaut d'intérêt à agir des appelants au sens de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ; la requête n'est pas accompagnée du titre de propriété des appelants en méconnaissance de l'article R. 600-4 du code de l'environnement ;
- les moyens développés par les appelants ne sont pas fondés.
Par des mémoires enregistrés les 14 février et 8 septembre 2020, la commune de Lanton, représentée par le cabinet Noyer-Cazcarra, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des appelants d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable à défaut d'intérêt à agir des appelants au sens de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;
- les moyens développés par la société appelante ne sont pas fondés.
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L.121-13 du code de l'urbanisme est irrecevable en application de l'article R. 600-5 du même code.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,
- les observations de Me C..., représentant M. et Mme E..., de Me D..., représentant la commune de Lanton, et de Me F..., représentant la société Taussat.
Considérant ce qui suit :
1. La SCCV Taussat a sollicité la délivrance d'un permis de construire une résidence séniors avec services et commerces sur un terrain situé 2 avenue Guy Célérier à Lanton pour une surface de plancher de 5 022 m². Par un arrêté du 25 septembre 2017, le maire de Lanton a accordé ce permis de construire. M. et Mme E... ont formé un recours gracieux tendant au retrait de cet arrêté le 23 novembre 2017. Par un courrier du 16 janvier 2018, le maire de Lanton a refusé de retirer ce permis. M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 11 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l'annulation du permis de construire du 25 septembre 2017 et de la décision rejetant leur recours gracieux.
Sur la légalité de l'arrêté du 25 septembre 2017 :
En ce qui concerne la composition du dossier :
2. Aux termes de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : (...) f) Lorsque la construction projetée est subordonnée par un plan de prévention des risques naturels prévisibles ou un plan de prévention des risques miniers approuvés, ou rendus immédiatement opposables en application de l'article L. 562-2 du code de l'environnement, ou par un plan de prévention des risques technologiques approuvé, à la réalisation d'une étude préalable permettant d'en déterminer les conditions de réalisation, d'utilisation ou d'exploitation, une attestation établie par l'architecte du projet ou par un expert certifiant la réalisation de cette étude et constatant que le projet prend en compte ces conditions au stade de la conception (...) ".
3. Aucune disposition législative ou règlementaire applicable à la date de la décision litigieuse n'impose la réalisation d'une étude de sol géotechnique et hydrologique en l'espèce. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance du dossier de demande de permis de construire à défaut de production d'une attestation certifiant la réalisation d'une telle étude, doit être écarté.
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme :
4. Aux termes de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme : " (...) L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable ". Aux termes de l'article L. 153-25 du même code : " Lorsque le plan local d'urbanisme porte sur un territoire qui n'est pas couvert par un schéma de cohérence territoriale approuvé, l'autorité administrative compétente de l'Etat notifie, dans le délai d'un mois prévu à l'article L. 153-24, par lettre motivée à l'établissement public de coopération intercommunale ou à la commune, les modifications qu'il estime nécessaire d'apporter au plan (...) / Le plan local d'urbanisme ne devient exécutoire qu'après l'intervention, la publication et la transmission à l'autorité administrative compétente de l'Etat des modifications demandées ".
5. La commune de Lanton a prescrit l'élaboration de son plan local d'urbanisme par une délibération du 12 janvier 2011. Le projet de plan local d'urbanisme a été arrêté le 17 janvier 2017 et approuvé par une délibération du 29 août 2018. Contrairement à ce que soutiennent les appelants, le projet a pris en compte une surélévation du plancher de 30 cm par rapport à la cote du terrain naturel, conformément à l'article 2 du règlement du futur plan local d'urbanisme applicable à la zone UA. Par ailleurs, aucune disposition du règlement de ce futur plan n'interdit la réalisation de parcs de stationnement en sous-sol ou de bassins avec massif filtrant, comme le prévoit le projet litigieux, et il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'un rabattement de nappe s'avèrerait nécessaire lors de la réalisation de ce projet. Si le projet ne prévoit pas d'emplacement spécifique en bordure de voie pour la collecte des ordures ménagères, ni de local spécifique pour le stationnement des deux roues contrairement à ce que prévoient respectivement les articles 4 et 12 des dispositions du règlement du futur plan local d'urbanisme applicables à la zone UA, si une partie de la façade du bâtiment B sera implantée à moins de trois mètres de l'emprise de la rue de La Poste alors que l'article 6 du même règlement prévoit une implantation à une distance de trois mètres de l'emprise des voies existantes et si le projet présente un déficit de 16 m² d'espaces verts en pleine terre par rapport à l'exigence de 20 % de la superficie totale du terrain issue de l'article 13 de ce règlement, ces contradictions, eu égard à leur faible portée, ne peuvent être regardées, même dans leur ensemble, comme compromettant ou rendant plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme. Par suite, le maire de Lanton n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en n'opposant pas à la demande de la SCCV Taussat une décision de sursis à statuer sur le fondement des dispositions de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme.
En ce qui concerne les autres moyens tirés de la méconnaissance du règlement national d'urbanisme :
6. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent. A ce titre, elle doit prendre en compte les éléments d'information disponibles, en particulier les études réalisées dans le cadre de l'élaboration ou de la révision d'un plan de prévention des risques alors même que celui-ci n'est pas encore entré en vigueur, ni n'a fait l'objet d'une application anticipée.
7. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des études réalisées dans le cadre de l'élaboration du zonage du projet de plan de prévention du risque naturel d'inondation par submersion marine des communes du bassin d'Arcachon, connues à la date de délivrance du permis de construire contesté, que le terrain d'assiette des constructions projetées est situé à une centaine de mètres du rivage, dans un secteur sujet aux remontées de la nappe phréatique en périodes de fortes précipitations et que le niveau d'eau sur la parcelle, en cas d'un événement climatique centennal, est évalué à 3,92 mètres B..., niveau pouvant engendrer un risque pour les biens et les personnes. Toutefois, le projet litigieux prévoit que le niveau du premier plancher aménagé sera situé à 0,30 mètre au-dessus du sol naturel, soit au-dessus du niveau de la cote de seuil fixé à 4,35 m B..., et que les accès du parc de stationnement souterrain, dont la réalisation n'est d'ailleurs pas interdite par le règlement du projet de plan de prévention du risque naturel d'inondation, seront situés au niveau du terrain naturel soit à la cote de 4,54 m B.... Dans ces conditions, compte tenu, d'une part, des caractéristiques de la zone d'implantation du projet et, d'autre part, de la nature de ce projet, qui consiste en la réalisation d'une résidence séniors qui n'offre aucun service de soins et dont il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les occupants des logements seraient dépendants ou en perte d'autonomie, le maire de Lanton n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. D'ailleurs, le terrain d'assiette de ce projet, qui compte tenu de sa nature ne peut être regardé comme un établissement sensible au sens du projet de plan de prévention du risque naturel d'inondation, se situe en zones blanche, bleue claire et bleue du projet de plan de prévention dans lesquelles sont admises les constructions à usage d'habitation ainsi que leurs annexes.
8. Aux termes de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à son importance ou à la destination des constructions ou des aménagements envisagés, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie. / Il peut également être refusé ou n'être accepté que sous réserve de prescriptions spéciales si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic ".
9. Il ressort des pièces du dossier de demande de permis de construire que les bâtiments envisagés seront accessibles par quatre voies, à savoir la rue de La Poste, la rue Célérier, le boulevard de la plage et une voie à créer. En se bornant à indiquer que l'apport de véhicules généré par la construction projetée va accroitre la circulation sur la rue Célérier et le boulevard de la plage, les appelants n'apportent pas d'élément probant permettant de tenir pour établi que ces deux voies, d'une largeur respective de 3,5 mètres à 5,5 mètres, ne seraient pas adaptées à l'importance et à la destination des constructions envisagées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme doit être écarté.
10. Aux termes de l'article R. 111-7 du code de l'urbanisme : " Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable peut imposer le maintien ou la création d'espaces verts correspondant à l'importance du projet (...) ".
11. Les appelants se bornent à reprendre en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui leur a été apportée par le tribunal administratif sur ce point, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-7 du code de l'urbanisme. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
12. Aux termes de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme : " Par dérogation à l'article R. 611-7-1 du code de justice administrative, et sans préjudice de l'application de l'article R. 613-1 du même code, lorsque la juridiction est saisie d'une requête relative à une décision d'occupation ou d'utilisation du sol régie par le présent code, ou d'une demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant une telle décision, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense (...) ".
13. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme en raison de l'irrégularité de l'avis favorable du préfet qui a considéré que le projet était conforme à la loi littoral, a été soulevé pour la première fois par les appelants dans leur mémoire enregistré le 18 mai 2020, soit postérieurement à l'expiration du délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense le 25 octobre 2019. Par suite, comme l'a opposé la commune de Lanton dans son mémoire en défense qui a été communiqué à M. et Mme E..., ce moyen est irrecevable en application des dispositions de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme.
14. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la commune, que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 septembre 2017 et de la décision du 16 janvier 2018 rejetant leur recours gracieux.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Lanton, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. et Mme E... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme E... le versement de la somme de 1 500 euros, d'une part, à la commune de Lanton et, d'autre part, à la SCCV Taussat en application de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme E... verseront à la commune de Lanton une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : M. et Mme E... verseront à la SCCV Taussat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... E..., à la commune de Lanton et à la SCCV Taussat.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme G..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2021.
Le rapporteur,
G...Le président,
Marianne Hardy
Le greffier,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX03654 2