Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 juillet 2020, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 27 mai 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail jusqu'à ce que sa situation soit réexaminée, dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen personnel et approfondi de sa situation ;
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;
- cette même décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;
- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire sur laquelle elle se fonde ;
- cette décision méconnait les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 novembre 2020, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation et le règlement (UE) n° 2017/372 du Parlement européen et du Conseil du 1er mars 2017 le modifiant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante géorgienne née le 11 juin 1991, déclare être entrée en France le 28 juillet 2018 et a sollicité le bénéfice de l'asile. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et du droit d'asile le 2 octobre 2018, cette décision étant confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 11 décembre 2018. Le 4 juillet 2019, Mme B... a demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 30 octobre 2019, le préfet de la Vienne a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Mme B... relève appel du jugement du 27 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant refus de séjour :
2. Mme B... reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
3. Si l'appelante fait valoir qu'elle est entrée régulièrement sur le territoire français munie de son passeport et qu'elle est dispensée de visa en tant que ressortissante géorgienne, elle n'apporte aucun élément probant permettant de tenir pour établi qu'elle serait entrée en France après l'entrée en vigueur du règlement (UE) n° 2017/372 du 1er mars 2017 modifiant le règlement (CE) no 539/2001 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation (Géorgie). En outre, la seule circonstance que le préfet de la Vienne n'a pas mentionné tous les éléments de fait propres à la situation de Mme B..., notamment ses attaches sociales et amicales, n'est pas de nature à révéler un défaut d'examen sérieux de sa situation. Ainsi, il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté attaqué ni des autres pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation de Mme B....
4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ".
5. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
6. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme B... sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Vienne a relevé que, par un avis rendu le 17 octobre 2019, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers la Géorgie, son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... souffre d'une sclérose en plaque de forme récurrente rémittente évoluant depuis 2007 et diagnostiquée en 2010 en Géorgie et bénéficie d'un suivi psychologique. Les certificats médicaux produits par l'appelante attestent de la réalité de sa maladie et il résulte des certificats médicaux des 5 et 6 novembre 2019 qu'à la suite de trois poussées, a été mis en place un traitement à base de Tysabri (Natalizumab). Si l'appelante verse au dossier un document daté du 2 juillet 2019 indiquant que " le produit pharmaceutique avec la dénomination commerciale Tysabri et d'autres médicaments contenant ses substances actives ne sont pas enregistrés en Géorgie ", il n'est pas pour autant démontré que son affection ne pourrait y être traitée par un médicament équivalent à celui prescrit, notamment par un autre immunosuppresseur sélectif approprié à la prise en charge de son état de santé. Par ailleurs, le préfet apporte suffisamment d'éléments démontrant que la Géorgie dispose de services de neurologie, d'urologie et de psychologie permettant à Mme B... de bénéficier effectivement d'un traitement approprié de son état de santé. Dans ces conditions, les éléments fournis par l'appelante ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Ainsi, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 31311 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
7. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
8. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".
9. Il résulte de ce qui a été exposé au point 6 que les éléments fournis par l'appelante ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration aux termes duquel Mme B... peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précités du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
11. Mme B..., qui a déclaré être entrée en France le 28 juillet 2018 accompagnée de sa mère, est célibataire sans enfant et n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 27 ans et où résident son père et son frère. Si elle fait valoir que, par un arrêté du 25 février 2020, le préfet de la Vienne a abrogé l'arrêté du 30 octobre 2019 en tant qu'il a obligé sa mère à quitter le territoire français et qu'il a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, il est constant que sa mère a fait l'objet d'un refus de titre de séjour et n'a pas vocation à rester sur le territoire français. En outre, les témoignages attestant du suivi de cours de français et de réalisation d'actions de bénévolat ne sont pas de nature à caractériser des liens d'une intensité particulière en France. Dans ces conditions, la décision par laquelle le préfet de la Vienne a obligé Mme B... à quitter le territoire français ne peut être regardée comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
12. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi.
13. Mme B... reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
14. Si Mme B... soutient que la décision fixant le pays de destination méconnait les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle n'assortit pas ce moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Marianne Hardy, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.
Le rapporteur
D...Le président,
Marianne Hardy
Le greffier,
Stéphan Triquet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX02220 2