Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 11 mai 2020 et le 15 décembre 2021, la SCI Les Choy Efatra, représentée par Me Ducourau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 mars 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de Lège-Cap-Ferret du 24 mai 2018 ;
3°) d'enjoindre au maire de Lège-Cap-Ferret de lui délivrer un permis de construire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, le cas échéant sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Lège-Cap-Ferret la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a déposé un dossier de demande complet au sens de l'article R. 423-22 du code de l'urbanisme, et c'est à tort que la commune a majoré le délai d'instruction d'un mois ; elle est ainsi devenue titulaire d'un permis de construire tacite à l'issue d'un délai de deux mois ; la procédure contradictoire garantie par L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration aurait dû être mise en œuvre ;
- la construction projetée ne porte pas atteinte au paysage urbain, dès lors qu'elle sera insérée dans une séquence urbaine qui présente un caractère hétérogène, et ne méconnaît ainsi pas l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 novembre 2021, la commune de
Lège-Cap-Ferret, représentée par le cabinet Cazcarra et Jeanneau avocats, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la SCI Les Choy Efatra la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens de la SCI Les Choy Efatra ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Charlotte Isoard,
- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,
- et les observations de Me Ducourau, représentant la SCI Les Choy Efarta, et les observations de Me Cordier Amour, représentant la commune de Lège-Cap-Ferret.
Considérant ce qui suit :
1. Le 26 mars 2018, la SCI Les Choy Efarta a déposé une demande de permis de construire pour la démolition et la construction d'une maison individuelle sur une parcelle cadastrée section DX n° 533 située 1 dune du Canon, route du Cap-Ferret / boulevard des Argousiers à Lège-Cap-Ferret. Par un arrêté du 24 mai 2018, le maire de Lège-Cap-Ferret a refusé de délivrer à la SCI le permis de construire sollicité. La SCI Les Choy Efarta relève appel du jugement du 12 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 mai 2018.
Sur la légalité de l'arrêté du 24 mai 2018 :
2. En premier lieu, il résulte des dispositions des articles L. 424-2, R. 423-19 et R. 423-42 du code de l'urbanisme qu'une décision de permis de construire tacite naît à l'issue du délai d'instruction, éventuellement modifié, de la demande de permis de construire, en l'absence de notification d'une décision expresse de l'administration. Le caractère erroné du délai d'instruction notifié par l'autorité compétente ne saurait avoir pour effet de rendre le pétitionnaire titulaire d'une décision de permis de construire tacite à l'issue du délai légalement applicable.
3. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 27 mars 2018, le maire de Lège-Cap-Ferret a informé la SCI Les Choy Efatra que le délai d'instruction de leur demande était porté à trois mois dès lors que le projet était situé dans un site inscrit en application de l'article L. 341-1 du code de l'environnement. Toutefois, le projet en cause ne se situait plus dans le périmètre du site inscrit, comme l'indique l'avis de l'architecte des Bâtiments de France du 23 mai 2018, ce périmètre ayant été réduit. Si le délai d'instruction porté à la connaissance de la requérante était ainsi erroné, aucun permis de construire tacite n'a cependant été acquis à l'issue du délai légalement applicable de deux mois, contrairement à ce qu'elle soutient. Par suite, l'arrêté du 24 mai 2018 n'a pas eu pour effet de retirer un permis de construire tacite, et la société n'est peut utilement invoquer la méconnaissance de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors qu'elle n'était titulaire d'aucune décision créatrice de droits.
4. En second lieu, le maire de Lège-Cap-Ferret, après avoir rappelé l'avis simple défavorable de l'architecte des Bâtiments de France du 23 mai 2018, a refusé de délivrer le permis de construire demandé par la SCI Les Choy Efatra, au motif que le projet méconnaissait les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, dès lors qu'il générait une incidence forte en terme d'impact visuel au regard de ses caractéristiques et de celles des lieux avoisinants et qu'il portait atteinte " à la préservation de l'identité remarquable du site de la dune du Canon et du village ostréicole du Canon ".
5. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ". Pour apprécier si un projet de construction porte atteinte, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.
6. La parcelle d'assiette du projet de construction de la SCI Les Choy Efatra se situe au pied de la dune du Canon, à l'angle du boulevard des Arbousiers et de la route du Cap Ferret, en face du site du village ostréicole du Canon inscrit à l'inventaire des sites pittoresques du département de la Gironde par arrêté ministériel du 18 juin 1998, et à moins de 100 mètres du rivage, dans une zone urbanisée. Si ce secteur, le long de la route du Cap Ferret, ne présente pas une grande homogénéité sur son ensemble, on distingue néanmoins un rythme à l'intérieur de ce tronçon, avec une cohérence d'implantation des constructions de part et d'autre de la route, et de part et d'autre du croisement de cette route avec le boulevard des Arbousiers. Par ailleurs, la proximité tant avec le site inscrit qu'avec le bassin lui confère une grande sensibilité. Le projet de la SCI Les Choy Efatra, qui sera implanté en proue d'un terrain d'angle, sur une parcelle à forte déclivité, prendra place dans une séquence caractérisée, sur ce côté de la route du Cap Ferret, par la vocation commerciale des constructions, qui sont implantées en retrait de la voie, et, qui si elles présentent des gabarits et hauteurs variés, ne créent pas d'effet visuel de verticalité.
7. La construction projetée, de forme trapézoïdale, qui sera édifiée à l'alignement de la route du Cap-Ferret, à l'angle de la parcelle d'assiette d'une superficie de 155 m², présentera une emprise au sol de 77 m² et une hauteur au faîtage du toit de 7,68 mètres, comportera un étage, et sera composée de façades recouvertes d'un bardage de lames de bois verticales avec des ouvertures étroites, peu nombreuses s'agissant de la façade bordant la route du Cap-Ferret. La hauteur du bâtiment, combinée à son architecture et à son positionnement en bordure de voie, en proue du terrain qui est à l'angle de deux voies, créera, ainsi que l'a relevé d'ailleurs l'architecte des Bâtiments de France dans son avis, un effet de verticalité important, qui n'est pas en cohérence avec les autres constructions de la séquence urbaine. En effet, d'une part, les caractéristiques d'implantation des bâtiments se distinguent nettement de part et d'autre de la portion de voie où se situera le projet et celui-ci prend place sur un côté de la voie où les constructions sont implantées en retrait. D'autre part, les bâtiments de logements collectifs situés en face du terrain, boulevard des Arbousiers, auxquels se réfère la société requérante, s'ils présentent une hauteur similaire au projet, sont localisés en retrait de la route, avec une perception visuelle de la façade coupée par des balcons et sont entourés de végétation, ce qui ne leur confère aucun effet de verticalité depuis la route du Cap Ferret. En outre, si la société requérante soutient s'être inspirée, pour la composition de la façade, d'un cabanon en bois situé de l'autre côté de la route du Cap Ferret, cette construction n'est aucunement comparable, s'agissant de sa forme comme de son gabarit, à celle envisagée. Par ailleurs, la pharmacie qu'évoque la SCI Les Choy Efatra, située au-delà du boulevard des Arbousiers, dans une autre séquence de la voie, est bordée à l'ouest par une habitation implantée en retrait de la route, et présentant une végétation rompant l'effet visuel de l'alignement à la voie de ce bâtiment dont la verticalité est également atténuée par la présence d'une façade ponctuée d'un oriel. De plus, le rythme et le nombre de percements prévus par le projet de la société requérante ne sont pas cohérents avec ceux des constructions avoisinantes, lesquelles présentent de larges baies. Dans ces conditions, le projet de la SCI les Choy Efatra portera atteinte, en particulier par ses dimensions et ses caractéristiques architecturales, alors qu'il sera situé à l'angle de deux voies et au début d'une séquence urbaine de constructions en retrait, au paysage urbain dans lequel il s'insèrera. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise le maire de Lège-Cap-Ferret en refusant de délivrer le permis de construire sollicité doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Les Choy Efatra n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur l'injonction :
9. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt, qui rejette les conclusions de la SCI Les Choy Efatra n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions présentées par la requérante à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Lège-Cap-Ferret, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la SCI Les Choy Efatra et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la SCI Les Choy Efatra le versement à la commune d'une somme de 1 500 euros en application de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SCI Les Choy Efatra est rejetée.
Article 2 : La SCI Les Choy Efatra versera à la commune de Lège-Cap-Ferret une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Les Choy Efatra et à la commune de
Lège-Cap-Ferret.
Délibéré après l'audience du 17 février 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Brigitte Phémolant, présidente,
Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,
Mme Charlotte Isoard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mars 2022.
La rapporteure,
Charlotte IsoardLa présidente,
Brigitte Phémolant
La greffière,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne à la préfète de la Gironde en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX01572 2