Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 juillet 2021 et le 3 janvier 2022, M. B..., représenté par Me Pardoe, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux du 21 juin 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 5 novembre 2020 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
- c'est à tort que le tribunal a regardé sa requête comme tardive dès lors que la demande d'aide juridictionnelle qu'il a formé dans le délai de trente jours a eu pour effet de proroger le délai de recours contentieux ;
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :
- la compétence de son signataire n'est pas établie en l'absence de preuve de l'empêchement ou de l'absence des délégants ;
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle été prise en violation de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il remplit l'ensemble des conditions prévues par cet article ;
- elle a été prise en application de conditions non prévues par la loi ;
- elle été prise en violation du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 décembre 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Fabienne Zuccarello,
- et les observations de Me Sirol, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... ressortissant malien qui déclare être né le 6 janvier 2001, est entré en France en octobre 2017. Il a fait l'objet d'ordonnances de placement provisoire par le juge des enfants et a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance à compter du 2 novembre 2017. A sa majorité, il a bénéficié d'un contrat d'accueil provisoire " jeune majeur " reconduit jusqu'au 31 juillet 2019. Le 5 juillet 2019, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 5 novembre 2020, la préfète de la Gironde a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel de l'ordonnance du 21 juin 2021 par laquelle le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M. B... comme étant tardive en estimant qu'aucune demande d'aide juridictionnelle n'avait été déposée dans le délai de recours de 30 jours, de sorte qu'à la date de sa demande le 11 juin 2021, le délai de recours était expiré.
3. Aux termes de l'article 43 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Sans préjudice de l'application de l'article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée et du II de l'article 44 du présent décret, lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée ou déposée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai (...) ". Selon l'article 46 du même décret : " Si le demandeur n'a pas produit pas l'ensemble des pièces mentionnées dans les listes fixées par arrêté en application des articles 37 et 39, le bureau ou la section du bureau lui enjoint de fournir, dans un délai d'un mois à compter de la réception de la demande qui lui est faite, tout document mentionné dans ces listes, même en original. Il peut lui demander de fournir dans le même délai tout renseignement de nature à justifier qu'il satisfait aux conditions exigées pour bénéficier de l'aide. / A défaut de production dans ce délai, la demande d'aide est caduque. (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier, que le conseil de M. B... a adressé un courriel au bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal administratif de Bordeaux le 13 novembre 2020 qui mentionnait en objet " demande d'aide juridictionnelle M. A... B... ", qui annonçait expressément une pièce jointe consistant en une " demande d'aide juridictionnelle dans l'intérêt de M. B... dans le cadre d'un recours contre un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français " et qui comportait une pièce jointe. Le bureau d'aide juridictionnelle a accusé réception de ce courriel le même jour, et n'a pas sollicité de pièces ou renseignements complémentaires comme il pouvait le faire en application de l'article 46 précité du décret du 28 décembre 2020. Si, par la suite, il a été indiqué au conseil de M. B... que la pièce jointe à son courriel ne concernait pas M. B... mais une autre personne, d'une part cela n'est pas démontré par les pièces du dossier, d'autre part il appartenait au bureau d'aide juridictionnelle de regarder la demande formulée expressément au nom de M. B... comme étant incomplète et de réclamer les pièces complémentaires ainsi qu'il a été dit ci-dessus. Enfin, il ressort des mentions de l'accusé de réception, signé par M. B..., du courrier lui notifiant la décision attaquée, que contrairement à ce que soutient le préfet en défense, cet accusé réception est revenu dans les services de la préfecture le 13 novembre 2020 et a donc nécessairement été notifié à l'intéressé avant cette date. Par suite, M. B... ayant déposé une demande d'aide juridictionnelle dans le délai de recours, cette demande a interrompu le délai de recours contre la décision contestée, alors même qu'elle était incomplète au regard des dispositions du décret du 28 décembre 2020. En conséquence, sa demande déposée devant le tribunal administratif de Bordeaux le 11 juin 2021 n'était pas tardive. Par suite, l'ordonnance du 21 juin 2021 du président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux, qui est irrégulière, doit être annulée.
5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Bordeaux pour qu'il soit à nouveau statué sur la demande de M. B....
6. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. B... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance du tribunal administratif de Bordeaux n° 2102914 du 21 juin 2021 est annulée.
Article 2 : M. B... est renvoyé devant le tribunal administratif de Bordeaux pour qu'il soit statué sur sa demande.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à la présidente du tribunal administratif de Bordeaux.
Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 20 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, présidente,
Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,
Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mars 2022.
La rapporteure,
Fabienne Zuccarello La présidente,
Marianne Hardy
La greffière,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 21BX03045