Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 février 2020, M. et Mme A..., représentés par Me Marcantoni et Me Ferretti, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 décembre 2019 en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à la décharge en droits et pénalités des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014 ;
2°) à titre principal, de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) à titre subsidiaire, de prononcer la décharge partielle de ces impositions à raison des subventions de l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) qu'ils ont perçues en 2013 et 2014 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les travaux entrepris dans l'immeuble en litige, qui n'ont pas abouti à augmenter sa surface habitable, correspondent à des travaux d'entretien, de réparation et d'amélioration dont le coût peut être déduit de leurs revenus fonciers en application de l'article 31 du code général des impôts et de la jurisprudence en la matière ; la nature et l'importance des travaux en cause, nécessités par la seule remise en état de l'immeuble en raison de son état de vétusté, ne permet pas de caractériser des travaux de reconstruction ;
- ils se prévalent, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des doctrines référencées BOI-RFPI-BASE-20-30-10 n° 10 et 110, BOI-RFPI-PVI-20-10-20-20 n° 140 et 160, BOI-RFPI-BASE-20-30-10 n° 10, n°50, n°70 et n°80 et n°100, BOI-IS-CHAMP-20-10-20 n° 370 et BOI-RFPI-BASE-20-30-10 n° 100 et des réponses ministérielles Rép. Poujade AN 19 août 1967 p. 3007 n° 1191 et Rép. de Préaumont AN 14 mars 1970 p. 589 n° 8776 ;
- l'administration s'est fondée sur une approche patrimoniale pour remettre en cause les dépenses en litige qu'elle a, à tort, considérées comme des dépenses d'investissement en capital ;
- ils ont perçu au titre des années 2013 et 2014 des subventions de l'ANAH pour des montants respectifs de 43 312 euros et 7 896 euros qui sont déductibles de leurs revenus fonciers et qui n'ont pas été prises en compte par l'administration ;
- par voie de conséquence des moyens relatifs au bien-fondé des impositions, la majoration de 10% prévue à l'article 1758 A du code général des impôts et les intérêts de retard ne sont pas justifiés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 17 janvier 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 27 janvier 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Stenger,
- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... est l'associé et le gérant de C..., qui a fait l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation à Wittring (57905), par acte notarié du 18 septembre 2012. Cette société a fait réaliser des travaux dans cet immeuble dont elle a déduit le montant de son bénéfice imposable, à hauteur de 170 135 euros et 101 443 euros, au titre des années 2013 et 2014. L'administration a remis en cause la déduction de ces sommes, au motif que les travaux effectués sur l'immeuble n'étaient pas des travaux d'entretien, de réparation et d'amélioration, déductibles du bénéfice imposable, mais des travaux de reconstruction. En application de l'article 8 du code général des impôts, le service a, par une proposition de rectification du 19 décembre 2016, établie selon la procédure de rectification contradictoire, assujetti le foyer fiscal de M. et Mme A... à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, pour des montants de 8 692 euros et 2 421 euros, au titre des années 2013 et 2014. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 4 décembre 2019 en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu en droits et pénalités auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne la déductibilité des dépenses de travaux :
S'agissant de l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 28 du code général des impôts : " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété ". Aux termes de l'article 31 du même code : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / 1° Pour les propriétés urbaines : / a) Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportées par le propriétaire ; (...) / b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...) ". Au sens de ces dispositions, doivent être regardés comme des travaux de reconstruction, ceux qui comportent la création de nouveaux locaux d'habitation, ou qui ont pour effet d'apporter une modification importante au gros œuvre, ainsi que les travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à des travaux de reconstruction, et, comme des travaux d'agrandissement, ceux qui ont pour effet d'accroître le volume ou la surface habitable des locaux existants. Des travaux d'aménagement interne, quelle que soit leur importance, ne peuvent être regardés comme des travaux de reconstruction que s'ils affectent le gros œuvre ou s'il en résulte une augmentation du volume ou de la surface habitable.
3. En premier lieu, l'administration a considéré que les charges déduites par les contribuables au titre des années 2013 et 2014, correspondant aux travaux dans un immeuble à usage d'habitation situé au 33, rue Jacquemin à Wittring, propriété de la société KGBAT, durant trois années pour un montant global de 239 068 euros, devaient être regardées comme correspondant à des travaux de reconstruction, non déductibles en application des dispositions du b du 1° du I de l'article 31 précité eu égard à leur importance et à la modification de l'espace intérieur qu'ils ont induits, permettant la transformation d'une maison d'habitation en trois appartements autonomes. Il résulte en effet de l'instruction que les travaux ainsi réalisés par la société KGBAT sur cet immeuble de 223,51 m², composé initialement d'une maison d'habitation, comme en atteste la nomenclature des pièces du 25 septembre 2012 et les plans de l'existant établis par l'architecte, et de combles non aménagés dont le caractère habitable n'est pas démontré par les pièces produites, ont conduit à la réalisation de trois appartements autonomes disposant de terrasses, de communs et de caves, après d'importants travaux tels qu'une réfection de la toiture avec l'ajout d'ouvertures, un ravalement de façades, des travaux d'isolation, le remplacement des portes et fenêtres, des travaux de terrassement sur 206 m², la création de terrasses avec pose de murs acrotères, la restructuration complète de l'espace intérieur avec une augmentation du nombre de pièces, la pose d'une chape en béton et la réfection des sols et planchers, la création de cuisines équipées, l'installation de sanitaires et de salles d'eau, la réfection des réseaux électrique et sanitaire et l'aménagement de combles. Eu égard à leur nature et à leur ampleur, les travaux dont il s'agit qui ont affecté le gros œuvre et entraîné une restructuration de l'aménagement intérieur, doivent être regardés comme des travaux de reconstruction. Par ailleurs, et comme le fait valoir l'administration en défense, il ressort des plans fournis en première instance que des remaniements importants de l'espace intérieur ont été réalisés, lesquels ont au demeurant nécessité l'intervention d'un architecte et la démolition de plusieurs murs, le percement d'ouvertures internes et externes et le déplacement de nombreuses cloisons. Enfin, à supposer même que certains travaux de rénovation de l'espace d'habitation existant, pris isolément, puissent être regardés comme des travaux ayant constitué des dépenses déductibles au sens des dispositions ci-dessus citées, ils ne sont toutefois pas dissociables de l'opération globale de reconstruction de l'immeuble. Par suite, c'est par une exacte application des dispositions de l'article 31 du code général des impôts que l'administration a réintégré ces dépenses dans les bases imposables de M. et Mme A... à l'impôt sur le revenu au titre des années 2013 et 2014.
4. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction, notamment des pièces de procédure, que l'administration s'est fondée sur une approche patrimoniale pour remettre en cause les dépenses en litige. Ce n'est qu'au surplus qu'elle a évoqué le coût des travaux qui correspond à six fois le prix d'achat de l'immeuble en litige. Par suite, ce moyen doit être écarté.
S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
5. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration./ Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".
6. M. et Mme A... ne sauraient se prévaloir des énonciations des doctrines administratives référencées RFPI-BASE-20-30-10 n° 10 et 110, BOI-RFPI-PVI-20-10-20-20 n° 140 et 160, BOI-RFPI-BASE-20-30-10 °s 10, n°50, n°70, n°80 et n°100, qui ne contiennent pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est ici fait application, ni du BOI-IS-CHAMP-20-10-20 n° 370 qui concerne l'impôt sur les sociétés et dans les prévisions de laquelle ils n'entrent pas. Par ailleurs, ils ne sauraient se prévaloir des réponses ministérielles à MM. Poujade et de Préaumont, qui se bornent à fournir des exemples de dépenses d'amélioration, déductibles des revenus fonciers, dès lors que pour les raisons précédemment évoquées, ils n'établissent pas que les dépenses de travaux en litige correspondent à des dépenses de réparation et d'entretien ou des dépenses d'amélioration au sens de l'article 31 susvisé.
En ce qui concerne la déductibilité des subventions versées par l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) au titre des années 2013 et 2014 :
7. Aux termes de l'article 29 du code général des impôts, relatif à la détermination du revenu foncier brut : " Les subventions et indemnités destinées à financer des charges déductibles sont comprises dans le revenu brut ".
8. Il résulte de l'instruction, et notamment des dernières pièces communiquées par les requérants, consistant en une décision de l'ANAH datée du 15 octobre 2013 leur réservant une subvention d'un montant de 72 187 euros et des déclarations de revenus n°2072 de C... au titre des années 2013 et 2014 en litige que M. et Mme A... ont bien déclaré les subventions qu'ils ont perçues de cet organisme au titre de ces deux années, pour des montants respectifs de 43 312 euros et 7 896 euros. Ces sommes n'ayant été imposées que dans la mesure où les dépenses ci-dessus avaient été déduites, les requérants sont désormais fondés à demander la déduction de ces subventions en conséquence des réintégrations dont le bien-fondé est reconnu par le présent arrêt. Par suite les requérants sont fondés, à titre subsidiaire, à demander la décharge partielle des impositions en litige à raison des subventions de l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) qu'ils ont perçues en 2013 et 2014 en application des dispositions précitées de l'article 29 du code général des impôts.
En ce qui concerne les pénalités :
9. Aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : " I. - Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code ". Aux termes de l'article 1758-A du même code : " I. - Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits mis à la charge du contribuable ou de la créance indue ".
10. Les requérants ne contestent le bien-fondé des majorations qui leur ont été infligées qu'en se bornant à se prévaloir de l'absence de bien-fondé des cotisations d'impôt sur le revenu en litige auxquelles ils ont été assujettis. Par suite, eu égard à ce qui a été dit aux points 3 et 8 du présent arrêt, les requérants sont seulement fondés à demander la réduction des majorations litigieuses que dans la mesure de la réduction des bases d'impositions décidée ci-dessus.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a refusé de réduire les impositions et pénalités contestées dans la mesure des sommes admises ci-dessus.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante à titre principal, une somme au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Les sommes de 43 312 euros au titre de l'année 2013 et 7 896 euros au titre de l'année 2014 sont déduites des revenus fonciers imposables des époux A....
Article 2 : M. et Mme A... sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu en droits et des pénalités auxquelles ils ont été assujettis pour les années 2013 et 2014 dans la mesure des réductions de base prononcées à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 décembre 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
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N° 20NC00292