Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 février 2022, le ministre de l'intérieur demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement, en application des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal administratif a, en méconnaissance du droit mauritanien et des principes
fondamentaux qui régissent l'état civil, commis une erreur d'appréciation et de droit en écartant
l'absence d'actes d'état civil et en retenant pour probants des éléments de possession d'état
manifestement illisibles, incohérents et en tout état de cause équivoques ; il n'est pas produit de délégation d'autorité parentale ;
- faute pour Mme D... C... de rapporter la preuve de l'identité de ses enfants allégués, la décision attaquée ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale et ne méconnaît pas l'intérêt supérieur des trois mineurs et H... F... E.... Au surplus rien ne s'oppose à ce que Mme C... se rende au Sénégal, où réside la fratrie aux côtés de l'oncle des demandeurs, M. G... E... ; la décision en litige ne méconnaît ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les stipulations du 1er alinéa de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2022, Mme C... et M. E..., représentés par Me Le Floch, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par décision du 10 mars 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Nantes (section administrative) a admis Mme C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la requête n° 22NT00451, enregistrée au greffe de la cour le 16 février 2022, par laquelle le ministre de l'intérieur a demandé l'annulation du même jugement.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 22 mars 2022 :
- le rapport de M Francfort, président ;
- et les observations de Me Le Floch, pour Mme C... et M. E....
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ". Aux termes de l'article R. 222-25 du même code : " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair. / Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17. ".
2. Mme C..., ressortissante mauritanienne née le 1er janvier 1989, s'est vu admettre en France au bénéfice de la protection subsidiaire par décision de l'OFPRA du 29 mai 2018. La délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour en vue de la rejoindre a été sollicitée en faveur M. F... E..., Bocar E..., Mama E... et Ousmane E..., qu'elle présente comme ses enfants. A... refus leur a été opposé par les autorités consulaires françaises à Dakar. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, saisie du recours administratif préalable obligatoire prévu à l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable, aujourd'hui repris à l'article D. 312-3 du même code, a rejeté ce recours par une décision implicite née du silence gardé sur le recours contre le refus consulaire dont elle a été saisie le 18 décembre 2020. Par un jugement du 27 décembre 2021 le tribunal administratif de Nantes a annulé ce rejet de la commission de recours et enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à M. F... E..., Bocar E..., Mama E... et Ousmane E... dans un délai de deux mois. Par la présente requête le ministre de l'intérieur demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
3. Il ressort des écritures présentées en défense par le ministre de l'intérieur devant le tribunal administratif que la décision en litige repose sur deux motifs. Le premier est tiré de ce qu'il n'est pas justifié de l'identité des demandeurs de visa et de leur lien de filiation avec Mme C.... Le second est tiré de ce que ne sont pas présentées la décision d'une juridiction étrangère et l'autorisation de sortie du territoire prévues par les dispositions alors applicables de l'article L. 411-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Compte tenu des origines de la requérante, qui a indiqué qu'elle n'avait pu être enregistrée au regard de l'état-civil, ainsi que des motifs, liés à sa situation de dépendance et aux mauvais traitements infligés par son mari, pour lesquels l'OFRA lui a reconnu le bénéfice de la protection subsidiaire, aucun des moyens invoqués par le ministre de l'intérieur, tels qu'analysés ci-dessus, ne paraît de nature, en l'état de l'instruction, à justifier l'annulation du jugement attaqué et le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce dernier.
5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à demander qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 27 décembre 2021 du tribunal administratif de Nantes.
6. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle en appel. Par suite, Me Le Floch peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Le Floch renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Le Floch de la somme de 600 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 600 euros à Me Le Floch en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Le Floch renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme D... C... et à M. F... E....
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2022.
Le président-rapporteur,
J. FRANCFORTLe greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT00452