Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 février 2020, M. D..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du président du tribunal administratif de Limoges du 10 février 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 février 2020 par lequel le préfet de la Gironde a décidé de le remettre aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel cette même autorité l'a assigné à résidence dans le département de la Haute-Vienne pour une durée de quarante-cinq jours ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer un récépissé de demande d'asile dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quarante-huit heures, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ces délais ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement de la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté litigieux n'a pas été précédé d'un examen particulier de sa situation ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne mettant pas en oeuvre la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'en cas de transfert en Allemagne, il serait automatiquement renvoyé en Afghanistan où il serait directement et personnellement exposé à des risques de traitements inhumains et dégradants.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2020, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 avril 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers, et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... F... D..., ressortissant afghan né le 6 janvier 1991, est entré en France, selon ses déclarations, le 10 novembre 2019 et a présenté une demande d'asile le 15 novembre suivant. Le relevé de ses empreintes décadactylaires a fait apparaître qu'il avait déposé deux demandes d'asile en Allemagne les 16 janvier et 4 juillet 2016. Après avoir recueilli l'accord des autorités allemandes en vue de la reprise en charge de M. D... le 21 janvier 2020, le préfet de la Gironde a décidé, par un arrêté du 3 février 2020, de transférer l'intéressé aux autorités allemandes et, par un second arrêté du même jour, l'a assigné à résidence dans le département de la Haute-Vienne pour une durée de quarante-cinq jours. M. D..., dont la fuite a été signalée aux autorités allemandes le 14 février 2020, relève appel du jugement du 10 février 2020 par lequel le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
2. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté de transfert litigieux que le préfet a examiné la situation de M. D... au regard notamment de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Le moyen tiré du défaut d'examen particulier doit ainsi être écarté.
3. En second lieu, et d'une part, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à une autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable (...) ". La faculté laissée à chaque État membre, en application de l'article 17 du règlement n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
4. D'autre part, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié et pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'elle courrait dans son pays un risque réel de subir l'une des atteintes graves suivantes : a) La peine de mort ou une exécution ; b) La torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; c) S'agissant d'un civil, une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence qui peut s'étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle et résultant d'une situation de conflit armé interne ou international. ".
5. S'il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de M. D... présentée en Allemagne a été rejetée par l'office fédéral de migration et des réfugiés et que le statut de la protection subsidiaire ne lui a pas été reconnu par le tribunal administratif de Munich le 18 février 2019, de sorte que les autorités allemandes ont accepté de reprendre en charge l'intéressé sur le fondement des dispositions du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'arrêté de transfert en litige a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Allemagne et non dans son pays d'origine. À supposer même que la décision allemande de rejet d'asile ait acquis un caractère définitif, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... ne serait pas en mesure de faire valoir auprès des autorités allemandes, à l'occasion d'une éventuelle procédure d'éloignement, tout élément nouveau relatif à l'évolution de sa situation personnelle et à la situation qui prévaut en Afghanistan, ni que les autorités allemandes n'évalueront pas d'office les risques réels de mauvais traitements auxquels il serait exposé en cas de renvoi dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet de la Gironde aurait, en ne mettant pas en oeuvre la clause dérogatoire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, commis une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... F... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, président,
M. B... A..., président-assesseur,
Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 octobre 2020.
Le rapporteur,
Didier A...
Le président,
Marianne HardyLe greffier,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX00681