Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 juillet 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 18 juin 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente du 11 février 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Charente de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délais et d'astreinte et, en tout état de cause, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour conformément aux dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'auteur de l'arrêté contesté était incompétent ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français n'est pas suffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen personnel et approfondi de sa situation ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnait les dispositions du 10) de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination est privée de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle se fonde ;
- la décision fixant le pays de destination est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- la décision fixant le pays de destination méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et notamment son article 5 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né le 7 janvier 1988, qui déclare être entré en France le 23 octobre 2018, a demandé le bénéfice de l'asile le 14 mai 2019. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et du droit d'asile le 17 mai 2019, cette décision ayant été confirmée le 5 décembre 2019 par la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 11 février 2020, le préfet de la Charente l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit. M. A... relève appel du jugement du 18 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. M. A... reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de l'insuffisance de motivation des décisions contestées. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. Il ne ressort ni des termes de la décision contestée, ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Charente n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation de M. A.... La circonstance que le préfet ne mentionne pas son état de santé ne suffit pas à caractériser un défaut d'examen de sa situation dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... n'a pas informé l'administration de ses pathologies, alors en cours d'exploration, et qu'il n'a demandé un rendez-vous en vue de solliciter la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que postérieurement à la décision contestée. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen sérieux de sa situation doit être écarté.
4. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile préalablement à l'édiction de la décision d'éloignement contestée et les certificats médicaux qu'il produit ne permettent pas de tenir pour établi que son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. M. A... déclare être entré récemment en France, en octobre 2018, et n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente ans, où résident son épouse, ses trois enfants, sa mère, un frère et trois soeurs. En outre, il ne se prévaut d'aucun lien particulier avec la France. Dans ces conditions, la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit :
8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement ne peut qu'être écarté, faute d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
9. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
10. Ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, la demande d'asile de M. A... a été rejetée définitivement le 5 décembre 2019 par la Cour nationale du droit d'asile. En se bornant à faire état de son état de santé, alors qu'il ne résulte pas des pièces du dossier qu'il ferait l'objet d'une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, M. A... ne peut être regardé comme apportant suffisamment d'éléments permettant de tenir pour établi qu'il serait exposé à des risques réels et personnels en cas de retour en Guinée. Par suite, la décision fixant le pays de destination ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de la Charente.
Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Marianne Hardy, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme D..., premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2020.
Le président,
Marianne Hardy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX02255 2