Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2020, M. B..., représenté par la SCP Breillat-Dieumegard-Masson, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 10 juin 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2020 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un certificat de résidence algérien dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai, subsidiairement de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours sous une même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement de la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
s'agissant du refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien :
- la décision litigieuse est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle ;
- le préfet s'est estimé lié par l'absence de visa de long séjour ;
- le préfet a méconnu les articles 5 et 7 de l'accord franco-algérien ;
s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour sur laquelle elle se fonde ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2020, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et notamment son article 5 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 7 décembre 1984, est entré en France le 24 novembre 2018, sous couvert d'un visa de court séjour. Il a déposé le 11 février 2019 une demande de délivrance d'un certificat de résidence algérien en qualité de commerçant, puis le 21 octobre 2019 une même demande en qualité de salarié. Il relève appel du jugement du 10 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Vienne du 31 janvier 2020, portant refus de délivrance de ce titre, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays à destination duquel il serait reconduit à l'issue de ce délai.
Sur la légalité du refus de certificat de résidence algérien :
2. En premier lieu, la décision litigieuse vise les conventions internationales, notamment l'accord franco-algérien, et les dispositions légales dont il est fait application, comporte des éléments de faits relatifs à la situation de M. B... et expose avec précision les raisons pour lesquelles le préfet a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien que ce soit en qualité de salarié ou en qualité de commerçant, notamment en raison du défaut de visa de long séjour. Ces indications étaient suffisantes pour permettre à l'intéressé de comprendre et de contester la mesure prise à son encontre, alors même que l'article 5 de l'accord franco-algérien n'était pas spécifiquement visé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté. Il ne ressort pas davantage des termes de l'arrêté attaqué que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation du requérant au regard de sa double demande en qualité de commerçant et de salarié, contrairement à ce qu'il soutient.
3. En second lieu, aux termes de l'article 5 de l'accord franco-algérien : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers (...), un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis. ". Aux termes du b) de l'article 7 du même accord : " (...) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat visé par les services du ministère chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention "salarié" ; cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française (...) ". Enfin, aux termes de l'article 9 de cet accord : " (...) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis al. 4 (lettre c et d) (a à d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. Ce visa de long séjour accompagné de pièces et documents justificatifs permet d'obtenir un certificat de résidence dont la durée de validité est fixée par les articles et titres mentionnés à l'alinéa précédent. ". Il résulte de la combinaison de ces stipulations que la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " commerçant " ou " salarié " aux ressortissants algériens est subordonnée à la présentation d'un visa de long séjour.
4. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté litigieux du 31 janvier 2020 que le préfet a, pour refuser de délivrer un certificat de résidence algérien à M. B... en qualité de salarié ou de commerçant, retenu qu'il ne présentait pas un visa de long séjour prescrit par les stipulations citées ci-dessus. Dès lors et contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet, en lui opposant un défaut de visa de long séjour, ne s'est pas estimé à tort en situation de compétence liée mais a seulement fait une exacte application des stipulations précitées.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2 - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré récemment en France à l'âge de 34 ans. Il a déclaré, lors de sa demande de titre, être célibataire et avoir deux enfants nés en 2013 et 2015, résidant en Algérie. S'il fait dorénavant valoir que ses enfants résident en France et y sont scolarisés depuis septembre 2019, l'attestation qu'il produit et qui a été établie le 14 juin 2020 par son ex-conjointe, dont au demeurant la situation régulière en France n'est pas établie, est peu circonstanciée et ne peut suffire à justifier d'une ancienneté et d'une intensité des liens familiaux noués en France par M. B.... Dans ces conditions, et alors même que l'intéressé bénéficie d'un contrat à durée indéterminée depuis le 21 janvier 2020, le préfet n'a pas, en l'obligeant à quitter le territoire français, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
9. Ainsi qu'il a déjà été dit au point 7 ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... entretiendrait avec ses enfants des liens anciens et intenses, ni d'ailleurs que ces derniers auraient vocation à rester durablement en France. Par suite, le préfet n'a pas méconnu l'intérêt supérieur des enfants de l'intéressé en l'obligeant à quitter le territoire français et le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit donc être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
10. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait privée de base légale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
11. M. B... se borne à reprendre en appel les moyens tirés du défaut de motivation et de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans critique utile du jugement et sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges, d'écarter ces moyens.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, président,
M. D... C..., président-assesseur,
Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2021.
Le président,
Marianne Hardy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX02210