Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 18 août, 7 octobre, 13 et 26 novembre 2020, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 février 2020 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 juin 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que l'avis rendu par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ne lui a pas été communiqué et qu'il n'a pas été entendu avant la prise de cet avis ;
- le préfet a entaché sa décision d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il remplit les conditions pour l'obtention d'un titre de séjour portant la mention " entrepreneur/profession libérale " en application du a) de l'article 7 de l'accord franco-algérien et notamment il justifie de moyens d'existence suffisants, sa famille lui adressant régulièrement de l'argent pour lui permettre de vivre sans difficulté ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant du délai de départ volontaire :
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui accordant que trente jours pour quitter le territoire.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er octobre et le 20 novembre 2020, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens développés par M. C... ne sont pas fondés et demande une substitution de motifs, la décision de refus de titre de séjour étant justifiée par l'absence de ressources suffisantes sur le fondement du a) de l'article 7 de l'accord franco-algérien.
Par un courrier du 6 novembre 2020, la cour a informé les parties qu'elle était susceptible de relever d'office un moyen d'ordre public tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi dès lors que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient que les étrangers qui sollicitent un titre de séjour portant la mention " entrepreneur/ profession libérale " doivent justifier de la viabilité économique de leur projet ne sont pas applicables aux ressortissants algériens.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 juillet 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et notamment son article 5 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... ;
- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public ;
- et les observations de Me B..., représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., ressortissant algérien, né le 23 août 1991, est entré en France le 15 décembre 2011 sous couvert d'un visa long séjour. Il a ensuite bénéficié de certificats de résidence en qualité d'étudiant, régulièrement renouvelés jusqu'au 6 décembre 2017. Le 19 décembre 2017, M. C... a souhaité changer de statut et a sollicité un titre de séjour pour exercer une activité non salariée, sur le fondement des stipulations de l'article 5 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 13 juin 2019, le préfet a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C... relève appel du jugement du 28 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité du refus de séjour :
2. Aux termes de l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis ". L'article 7 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent article et celles de l'article 7 bis fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens autres que ceux visés à l'article 6 nouveau ainsi qu'à ceux qui s'établissent en France après la signature du premier avenant à l'accord ;/ a) Les ressortissants algériens qui justifient de moyens d'existence suffisants et qui prennent l'engagement de n'exercer, en France, aucune activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent après le contrôle médical d'usage un certificat valable un an renouvelable et portant la mention " visiteur " (...) c. Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s'ils justifient l'avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité ".
3. L'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et ses avenants régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et à y exercer une activité professionnelle, notamment les règles concernant la nature et la durée de validité des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés. Il suit de là que la condition de la viabilité économique de l'activité professionnelle exigée par le 3°) de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable aux ressortissants algériens qui relèvent à cet égard des règles fixées par l'accord précité. Dès lors, le préfet ne pouvait se fonder sur l'absence de viabilité économique de l'activité envisagée par M. C... pour lui refuser la délivrance du certificat de résidence sollicité.
4. Toutefois, le préfet demande à la cour de substituer au motif initialement opposé à M. C... celui tiré de l'absence de ressources suffisantes de l'intéressé pour subvenir à ses besoins au sens du a) de l'article 7 de l'accord franco-algérien.
5. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
6. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit précédemment, que M. C... a sollicité le changement de son statut d'étudiant et son admission au séjour sur le fondement des stipulations de l'article 5 de l'accord franco-algérien qui régissent le cas des ressortissants algériens souhaitant s'établir en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée. Or les stipulations de cet article ne prévoient pas de condition relative aux ressources. Si le préfet invoque les stipulations du a) de l'article 7 de l'accord franco-algérien, qui subordonnent la délivrance d'un certificat de résidence aux ressortissants algériens à la justification de moyens d'existence suffisants, cet article, qui ne concerne que les personnes qui prennent l'engagement de n'exercer en France aucune activité professionnelle soumise à autorisation, n'est pas applicable à la situation de M. C.... Il en est de même de l'article 7 bis de cet accord qui ne concerne que les ressortissants algériens visés à l'article 7 dont ne relève pas la situation de M. C.... Dès lors, le nouveau motif opposé par le préfet, tiré de l'absence de justification de moyens d'existence suffisants, n'est pas davantage de nature à fonder légalement le refus de délivrance du certificat de résidence sollicité par M. C.... Ainsi, la décision de refus de titre de séjour, fondée sur les seuls motifs examinés ci-dessus, est illégale. Par voie de conséquence, la décision obligeant M. C... à quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination, qui sont, ainsi, privées de base légale, sont également illégales.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. L'annulation prononcée par le présent arrêt n'implique pas, eu égard aux motifs sur lesquels elle se fonde, la délivrance à M. C... du titre sollicité mais implique seulement un nouvel examen de sa demande. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de procéder à ce nouvel examen dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme au bénéfice du conseil de M. C... au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1905845 du 28 février 2020 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 13 juin 2019 du préfet de la Haute-Garonne est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de procéder à un nouvel examen de la demande de M. C... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2021.
Le président,
Marianne Hardy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX02784 2