1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 26 avril 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Creuse du 11 octobre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Creuse de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai de vingt jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
En ce qui concerne le refus de renouvellement de titre de séjour :
- il porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et procède d'une erreur manifeste d'appréciation ; elle a fixé le centre de ses intérêts en France où elle élève seule ses trois enfants scolarisés, est bien intégrée et, gravement malade, est particulièrement suivie sur le plan médical ;
- il méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du doit d'asile et s'avère entaché d'une erreur manifeste d'appréciation concernant son accès à des soins appropriés en République démocratique du Congo ; elle souffre d'une polypathologie et le traitement nécessité par son état de santé n'est pas disponible dans ce pays ;
- le préfet a commis une erreur de droit car il s'est borné à vérifier l'existence en République démocratique du Congo d'un traitement approprié à ses pathologies au lieu de rechercher si elle pouvait effectivement en bénéficier ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :
- elles sont privées de base légale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- le préfet a entaché la décision d'obligation de quitter le territoire français et celle limitant à trente jours le délai de départ volontaire d'erreur de droit en assortissant automatiquement, alors qu'il s'agit d'une simple faculté, la décision de refus de titre de séjour d'une mesure d'éloignement sans faire usage de son pouvoir d'appréciation ;
- ces décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur sa situation personnelle ; elles risquent d'entraîner une rupture des soins administrés en France, où elle est parfaitement intégrée, ainsi que des liens que la famille a pu y nouer ; un retour dans son pays d'origine, qu'elle a dû fuir avec ses enfants et où elle a subi des menaces de représailles, est susceptible d'aggraver son état de santé ;
- elles ne respectent pas l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; elles sont de nature à perturber gravement leur équilibre psychique.
Par une ordonnance du 10 août 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 8 octobre 2018 à 12 heures.
La requête a été communiquée au préfet de la Creuse qui n'a pas produit d'observations.
Mme E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme Déborah de Paz pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeE..., de nationalité congolaise, née le 25 décembre 1970, est entrée irrégulièrement en France avec ses trois enfants au mois de novembre 2014, selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée le 31 août 2015 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et le 30 mars 2016 par la Cour nationale du droit d'asile. A compter du 22 juillet 2016, elle a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 6 avril 2017, elle a sollicité le renouvellement de ce titre. A la suite de l'avis émis le 17 juillet 2017 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), le préfet de la Creuse a pris à son encontre, le 11 octobre 2017, un arrêté portant refus de renouvellement de son titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays de renvoi et l'astreignant à se présenter au commissariat de police de Guéret deux fois par semaine. Mme E...demande à la cour d'annuler le jugement du 26 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ".
3. D'une part, il ressort des termes de la décision contestée que le préfet de la Creuse s'est approprié l'avis émis le 17 juillet 2017 par le collège des médecins de l'OFII, lequel se prononce non seulement sur l'existence d'un traitement approprié à l'état de santé de Mme E...en République démocratique du Congo mais également sur l'effectivité de l'accès aux soins. Dès lors, le moyen tiré ce que le préfet aurait entaché sa décision d'erreur de droit en ne se prononçant pas expressément dans son arrêté sur l'effectivité de l'accès aux soins doit être écarté.
4. D'autre part, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un accès effectif à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
5. Par un avis du 17 juillet 2017, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de Mme E...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que son état de santé lui permettait de voyager sans risque vers ce pays. Pour contredire cet avis, l'intéressée, qui est atteinte de troubles d'ordre psychique, d'un diabète et d'une hypertension artérielle, produit des pièces médicales, en particulier des certificats médicaux, postérieurs pour la plupart à l'arrêté litigieux, qui se bornent pour l'essentiel à décrire les pathologies de Mme E...et à faire état du traitement administré. Toutefois, ces certificats, qui se bornent à énoncer qu'un " traitement est impossible à obtenir dans son pays d'origine " et que ce pays " ne dispose pas de ce type de molécules ", ne sont pas circonstanciés et ne sont étayés par aucun élément probant. Par ailleurs, si la requérante verse au dossier des courriers de trois laboratoires déclarant ne pas commercialiser en RDC la Mirtazapine, médicament administré à l'intéressée, l'un de ces laboratoires précise néanmoins que " ceci ne préjuge pas de spécialités similaires commercialisées par d'autres laboratoires, ou de génériques, ou de thérapeutiques équivalentes commercialisées par d'autres laboratoires pour la pathologie concernée ". En outre, il ressort des fiches élaborées par le Medical Country of Origin Information (MedCOI), datant du 19 août 2016, versées par le préfet dans le dossier de première instance, que la Mirtazapine est disponible en République démocratique du Congo sous forme de médicaments alternatifs. La requérante n'établit pas qu'elle ne pourrait pas avoir recours à ce type de traitement, ni que les molécules qui lui sont prescrites pour soigner son diabète ne pourraient pas être remplacées par d'autres molécules disponibles dans son pays d'origine. Enfin, les pièces produites par le préfet de la Creuse démontrent l'existence en République démocratique du Congo d'une offre de soins en psychiatrie dans des établissements spécialisés. La requérante n'établit pas qu'elle serait dans l'impossibilité de bénéficier dans son pays pour soigner le diabète et l'hypertension d'un suivi biologique et clinique régulier comme sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision en litige n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'accès effectif de Mme E...à des soins adaptés à son état de santé.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. MmeE..., qui réside en France depuis trois ans, soutient qu'elle y est parfaitement intégrée ainsi que ses trois enfants scolarisés et y bénéficie de soins médicaux spécialisés en raison de la gravité des pathologies dont elle souffre. Toutefois, elle n'établit pas disposer d'attaches particulières sur le territoire français en dehors de ses enfants, nés respectivement en 2002, 2006 et 2008. L'intéressée a vécu en République démocratique du Congo jusqu'à l'âge de quarante-quatre ans. Elle ne démontre pas que ses enfants seraient dans l'impossibilité de poursuivre leurs études dans ce pays où l'essentiel de leur scolarité s'est déroulée. De plus, l'activité professionnelle de la requérante sur le sol national n'a été que ponctuelle. Dans ces conditions, compte tenu des conditions et de la durée de son séjour en France, et nonobstant ses efforts d'intégration et les bons résultats scolaires de ses enfants, la décision de refus de titre de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de MmeE.... Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit par suite être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet de la Creuse n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :
8. Il résulte de ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à exciper, par voie d'exception, de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'encontre, successivement, de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination.
9. Il ne ressort pas des termes de la décision attaquée ni des autres pièces du dossier que le préfet se serait cru tenu d'assortir la décision portant refus de séjour d'une décision faisant obligation à l'intéressée de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 et 8 du présent arrêt, Mme E...n'est pas fondée à soutenir que la mesure d'éloignement et la décision fixant le pays de renvoi seraient entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
11. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
12. Ainsi qu'il a été exposé précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existe un quelconque obstacle à ce que la requérante s'établisse avec ses enfants dans le pays dont ils ont la nationalité, la République démocratique du Congo. La requérante ne peut utilement se prévaloir de la mesure d'assistance éducative ouverte le 21 juin 2018 par le juge des enfants du tribunal de grande instance de Guéret qui a été prise plus de huit mois après l'édiction des décisions litigieuses. Dans ces conditions, l'arrêté en litige n'a pas méconnu l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
13. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Creuse du 11 octobre 2017. Par voie de conséquence, les conclusions présentées aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...E...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Creuse.
Délibéré après l'audience du 21 mai 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. Paul-André Braud, premier conseiller,
M. Romain Roussel, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 12 juin 2019.
Le rapporteur,
Romain Roussel Le président,
Marianne Pouget Le greffier,
Mme D...A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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18BX02628