Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 septembre 2018, M.C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 31 mai 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Guyane 26 juillet 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Guyane de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, d'enjoindre au préfet de la Guyane de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- cet arrêté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que le préambule de la Constitution : il vit en France de façon ininterrompue depuis 2005 avec sa femme et leurs trois enfants qui sont scolarisés ; sa soeur est également présente sur le territoire français ; il n'a plus de lien dans son pays d'origine ;
- cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;
- il porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants, en violation des articles 3-1, 9-1 et 16 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant ainsi que des articles 24-2 et 24-3 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et du droit à l'éducation garanti par le préambule de la Constitution : il est de l'intérêt supérieur de ses enfants que leur père soit présent dans leur vie et son renvoi dans son pays d'origine serait vécu par eux comme un traumatisme ;
- l'arrêté attaqué méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en ne tenant pas compte du caractère exceptionnel de sa situation dans le cadre de son pouvoir de régularisation discrétionnaire ; de plus, le préfet était tenu de motiver son refus d'exercer le pouvoir discrétionnaire dont il dispose.
Par ordonnance du 17 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 17 décembre 2018.
Un mémoire, présenté par le préfet de la Guyane, a été enregistré le 20 mars 2019 mais n'a pas été communiqué.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. Nicolas Normand pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B...a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D...C..., ressortissant haïtien né le 29 décembre 1967, est entré en France en 2005 selon ses déclarations. Le 16 février 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 26 juillet 2017, le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé. M. C...relève appel du jugement du 31 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". L'article L. 211-5 du même code dispose : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
3. L'arrêté querellé vise les textes sur lesquels il se fonde, notamment la convention internationale des droits de l'enfant et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale et les dispositions des articles L. 211-1, L. 311-1 à L. 311-8, L. 513-14, L. 514-1 et le titre I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et cite les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 de ce code. Il énonce également les éléments relatifs à la situation personnelle de M.C..., en particulier le fait que son épouse fait également l'objet d'une décision de refus de titre de séjour et qu'il ne justifie d'aucune considération humanitaire ni d'aucun motif de nature à permettre son admission exceptionnelle au séjour au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il relève en outre que l'intéressé ne présente aucun justificatif salarial démontrant une activité professionnelle stable et ancienne sur le territoire, qu'il n'a produit ni contrat de travail ni promesse d'embauche et qu'il ne démontre pas la réalité de son activité professionnelle. Le préfet de la Guyane, qui n'avait d'ailleurs pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation du requérant, a ainsi énoncé de manière suffisamment précise les circonstances de droit et de fait qui fondent l'arrêté litigieux du 26 juillet 2017. Par suite, cet arrêté est suffisamment motivé.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) ; / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...). ".
5. M. C...soutient qu'il réside en France de manière continue depuis 2005 où il a établi sa vie privée et familiale et qu'il est dépourvu de tout lien dans son pays d'origine. Il se prévaut notamment de la présence en France de son épouse et de leurs trois enfants ainsi que de celle de sa soeur, titulaire d'une carte de résident. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'épouse de M. C... a fait l'objet d'un arrêté du 31 mai 2017 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée. En outre, les pièces produites par M. C...sont insuffisantes pour établir l'ancienneté et la continuité du séjour alléguées, la communauté de vie avec son épouse à la date de l'arrêté contesté ainsi que sa contribution à l'entretien et à l'éducation de ses enfants. Si la réussite scolaire de ses enfants en France est établie, M. C...ne démontre pas que ses enfants seraient dans l'impossibilité de poursuivre leur scolarité en Haïti, pays dont ils ont, comme leurs parents, la nationalité. De plus, l'intéressé, qui s'est déjà vu refuser la délivrance de titres de séjour le 6 janvier 2014, le 17 mars 2014 et le 15 mars 2017, s'est maintenu irrégulièrement en France en dépit de la mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 27 février 2014. Enfin, il ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française et n'établit pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine. Par suite, et eu égard aux conditions du séjour en France de l'intéressé, et en dépit de la présence de sa soeur sur le territoire, avec laquelle il n'établit d'ailleurs pas entretenir des liens d'une particulière intensité, l'arrêté de refus de titre de séjour attaqué n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a ainsi méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Guyane n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision en litige sur la situation personnelle de M. C....
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes de l'article 16 de la même convention : " 1. Nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. 2. L'enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ". Aux termes de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Les enfants ont droit à la protection et aux soins nécessaires à leur bien-être. Ils peuvent exprimer leur opinion librement. Celle-ci est prise en considération pour les sujets qui les concernent, en fonction de leur âge et de leur maturité. 2. Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu'ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. 3. Tout enfant a le droit d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son intérêt. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. Ainsi qu'il a été dit au point 5, rien ne s'oppose à ce que M. C...reconstitue sa cellule familiale en Haïti avec ses trois enfants, âgés de 17 ans, de 16 ans et de 12 ans à la date de l'arrêté en litige, et son épouse de même nationalité. La seule circonstance que ses enfants soient scolarisés en France ne constitue pas un obstacle à la poursuite de leur scolarité en Haïti, pays dont ils ont la nationalité, tout comme leurs parents. Dans ces conditions, le préfet de la Guyane n'a méconnu ni les stipulations des articles 3-1 et 16 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ni celles de l'article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Par ailleurs, l'appelant ne saurait utilement se prévaloir des stipulations de l'article 9-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, qui créent seulement des obligations entre États sans ouvrir de droits aux intéressés.
8. En dernier lieu, le préfet, qui a rejeté la demande de titre de séjour formée sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a également mentionné dans l'arrêté en litige que M. C...n'entrait " dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " et ne présentait pas non plus de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires de nature à permettre son admission exceptionnelle au séjour au titre de l'article L. 313-14 du même code. Il doit ainsi être regardé comme ayant usé de la faculté dont il dispose de régulariser la situation d'un étranger sur un fondement distinct de celui invoqué par celui-ci.
9. Il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard à la situation personnelle de M.C..., telle qu'elle a été rappelée au point 5, qui ne permet pas de caractériser des circonstances humanitaires ou des motifs exceptionnels, que le préfet de la Guyane aurait méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de l'admettre à titre exceptionnel au séjour sur le fondement des dispositions de cet article, et en ne prenant pas de mesure de régularisation au titre du pouvoir discrétionnaire dont il dispose en la matière.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 juillet 2017 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. C...aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C..., au ministre de l'intérieur et au ministre des Outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Guyane.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. Paul-André Braud, premier conseiller,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 avril 2019.
Le premier-conseiller,
Paul-André Braud
Le président-rapporteur,
Marianne B...
Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°18BX03486