Par une requête et des mémoires enregistrés le 17 octobre 2018, le 21 décembre 2018, le 9 janvier 2019 et le 19 mars 2019, M.C..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 18 septembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 février 2018 du préfet de la Gironde ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer une carte de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans le même délai et sous la même astreinte une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne le refus de séjour :
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 2° bis du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il justifie d'efforts de formation et d'une bonne intégration en France, tant sur le plan professionnel que personnel, qu'il n'a plus de liens avec sa famille au Maroc qu'il a quitté à l'âge de 15 ans ; par ailleurs, il ne constitue pas une menace à l'ordre public ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est dépourvue de base légale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2019, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir, par renvoi à son mémoire de première instance, qu'aucun des moyens de la requête soulevé par M. C...n'est fondé.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 décembre 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. Nicolas Normand pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D...a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., ressortissant marocain né en 1996, est entré en France, selon ses déclarations, en octobre 2011. Il a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance et a obtenu la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en application du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, renouvelé jusqu'au 2 mars 2017. Par un arrêté du 13 février 2018, le préfet de la Gironde a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C...relève appel du jugement du 18 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité du refus de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée ; (...) ".
3. M.C..., entré en France en 2011 alors qu'il était mineur, a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance par une ordonnance du 14 octobre 2011 du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bordeaux, à l'âge de quinze ans. Il ressort des pièces du dossier qu'après une prise en charge éducative à compter de 2012 dans le cadre du dispositif d'insertion pour primo-arrivants, il a suivi au cours de l'année scolaire 2014/2015 une formation en vue de l'obtention du certificat d'aptitude professionnelle (CAP) " Electricité " au sein du lycée professionnel Tréguey, à Bordeaux, et a bénéficié d'un contrat " jeune majeur " de mai 2014 à octobre 2016. Le requérant n'a toutefois pas obtenu son diplôme de CAP et si, à l'expiration de son contrat " jeune majeur " il a manifesté une volonté d'insertion professionnelle, occupant différents postes en intérim en tant que manutentionnaire ou jardinier, puis engageant des démarches de recherche d'emploi auprès d'organismes d'insertion en Gironde, avec l'assistance des services de Pôle Emploi et le soutien des associations OREAG et ARPEJE, il est constant qu'il n'atteste pas ainsi, à la date de la décision litigieuse, du suivi d'une formation qualifiante ou professionnalisante susceptible de lui ouvrir droit au bénéfice des dispositions précitées. Par ailleurs, M.C..., s'il fait état de relations conflictuelles avec son père et indique ne pas s'être rendu au Maroc au cours de l'été 2017, ne démontre pas plus avoir de liens avec l'ensemble des membres de sa famille dans son pays d'origine, notamment sa mère et ses frères et soeurs, ayant lui-même déclaré qu'il profitait habituellement des vacances d'été pour retrouver sa famille au Maroc. Dans ces conditions, M. C...ne peut être regardé comme remplissant les conditions posées par les dispositions précitées du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour bénéficier de plein droit d'un titre de séjour " vie privée et familiale ". Il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur ce seul motif. Dès lors, et à supposer même que la présence en France de M. C...ne puisse être regardée comme constituant une menace pour l'ordre public, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Si M.C..., qui réside en France depuis sept ans, peut être regardé comme justifiant d'efforts d'insertion professionnelle, il ne résulte en revanche d'aucune pièce du dossier qu'il ferait montre d'une insertion sociale aboutie. Il est célibataire et sans charge de famille et, si l'un de ses frères réside en France, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident, ainsi qu'il a été dit, ses parents et le reste de sa fratrie, avec l'ensemble desquels il n'établit pas avoir rompu tout lien. Dans ces conditions et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de M. C...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs qui la fondent. Par suite, cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle du requérant.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
6. Il résulte de ce qui a été dit que M. C...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire français.
7. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, le préfet de la Gironde n'a pas, en édictant cette mesure, porté une atteinte disproportionnée au droit de M. C...au respect de sa vie privée, ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
8. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du même jour fixant le pays de destination.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en litige. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'Intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. Paul-André Braud, premier conseiller,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 avril 2019.
Le rapporteur,
Caroline D...Le président,
Marianne POUGET
Le greffier,
Florence FAURE
La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 18BX03670