Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces enregistrées le 5 novembre 2018 et le 17 décembre 2018, M. A...B..., représenté par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 4 octobre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 4 mai 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de réexaminer sa situation et de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'existence d'une communauté de vie avec son épouse française est établie ; le préfet n'a pas procédé à une véritable enquête et ne s'appuie que sur les déclarations de son épouse dans le cadre de la procédure diligentée à son encontre pour violences conjugales ; il n'a pas été condamné de ce chef ; de nombreuses attestations confirment l'existence d'une communauté de vie entre les époux ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il justifie d'une insertion professionnelle réussie et d'un investissement dans le milieu associatif et que l'existence d'une communauté de vie avec son épouse française a été démontrée.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 janvier 2019, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir, en s'en remettant à ses écritures de première instance dont il joint une copie, que les moyens invoqués par M. A...B...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. Nicolas Normand pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gaillard, premier-conseiller,
- et les observations de Me Pirotin, avocat, représentant M. A...B....
Considérant ce qui suit :
1. M. C...A...B..., ressortissant algérien né en 1985, est entré en France le 5 août 2014 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Schengen de court séjour. Suite à son mariage avec une ressortissante de nationalité française, il a sollicité, le 28 avril 2015, son admission au séjour en qualité de conjoint de ressortissant français et a obtenu la délivrance d'un certificat de résidence algérien en cette qualité valable du 17 mars 2016 au 16 mars 2017. Il a sollicité le renouvellement de son certificat de résidence algérien sur le même fondement ainsi que la délivrance d'un certificat de résidence algérien de dix ans sur le fondement du a) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 4 mai 2018, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A...B...relève appel du jugement du 4 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) / Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux ". Il résulte de ces stipulations que le premier renouvellement du certificat de résidence en qualité de conjoint de français est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux. Aux termes de l'article 7 bis du même accord : " Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : / a) Au ressortissant algérien, marié depuis au moins un ans avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2) et au dernier alinéa de ce même article ; / (...) ".
3. Pour rejeter la demande de renouvellement de certificat de résidence formulée par M. A...B..., le préfet de la Gironde s'est fondé sur l'absence de communauté de vie effective entre l'intéressé et son épouse, Mme F...D.... Il ressort à cet égard des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal du 8 novembre 2017, que l'enquête de communauté de vie n'a pas pu être effectuée au domicile conjugal dès lors que M. A...B...avait interdiction d'entrer en contact avec Mme D...du 30 novembre 2017 au 30 mai 2018 et s'était vu dans l'obligation de quitter le domicile conjugal suite à une plainte de cette dernière pour des faits de violences conjugales. Si M. A...B...soutient que ces faits de violence n'ont donné lieu à aucune poursuite pénale, il ressort des pièces du dossier que le procureur de la République a néanmoins décidé d'engager contre l'intéressé, qui a reconnu les faits, une composition pénale. De plus, la lettre de son épouse au procureur de la République donnant suite à cette composition pénale atteste de l'absence de communauté de vie entre les époux à la date de l'arrêté attaqué. Son épouse a par ailleurs déclaré, lors de son audition suite aux faits de violences conjugales dont elle a été victime, être la seule locataire de son logement et que si son mari résidait avec elle, il ne participait à aucun frais du foyer et découchait au moins deux fois par semaine sans dire où il se trouvait. Les éléments que M. A...B...produit pour établir la réalité de la vie commune avec son épouse, à savoir des attestations non circonstanciées, quelques photographies et des factures établies au nom des deux époux, ne sont pas suffisants pour regarder la communauté de vie comme établie à la date de l'arrêté en litige, et ce quand bien même cette communauté de vie aurait repris par la suite au cours du mois de juin 2018. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par le préfet des stipulations précitées des articles 6 et 7 bis de l'accord franco-algérien doit être écarté. Pour les mêmes motifs, l'arrêté en litige n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation sur la réalité de la communauté de vie des époux.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français comparées à celles dont il dispose dans son pays d'origine, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A...B...né en 1985 est entré en France en 2015 à la suite de son mariage avec Mme D...et a bénéficié d'un premier titre de séjour en qualité de conjoint de Français. Toutefois, M. A...B...n'établit pas, ainsi qu'il a été dit, l'effectivité de la communauté de vie avec son épouse à la date de l'arrêté attaqué. Si le requérant se prévaut d'une bonne insertion professionnelle et de son investissement dans le milieu associatif, ces éléments ne suffisent pas, compte tenu notamment du caractère récent de son séjour en France, à démontrer l'intensité de ses liens en France alors, en outre, que l'intéressé est défavorablement connu des services de police. Par ailleurs, le requérant n'est pas isolé dans son pays d'origine où résident notamment ses parents et une partie de sa fratrie. Par suite, l'arrêté attaqué n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par le préfet des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. Paul-André Braud, premier-conseiller,
Mme Caroline Gaillard, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 17 avril 2019.
Le rapporteur,
Caroline GaillardLe président,
Marianne Pouget
Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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18BX03827