Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 novembre 2018, MmeC..., représentée par Me Ondo, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 18 mai 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 mai 2017 du préfet de la Haute-Garonne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- ce défaut de motivation révèle un défaut d'examen complet de sa situation personnelle et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale au regard de ses attaches en France et de l'absence de toute attache aux Comores ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est entachée d'un défaut de motivation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2019, le préfet de la Haute-Garonne conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête de MmeC..., et à titre subsidiaire, à son rejet au fond.
Il fait valoir que :
- la requête est tardive ;
- les autres moyens soulevés par Mme C...ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 7 décembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 février 2019 à 12h00.
Par une décision du 27 septembre 2018, le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté, la demande de MmeC....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. Nicolas Normand pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B...a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., née le 5 mars 1993, de nationalité comorienne, a bénéficié de cartes de séjour temporaire d'un an délivrées par le préfet de Mayotte du 19 octobre 2012 au 18 octobre 2014 en qualité de mineure entrée en France avant l'âge de 13 ans. Elle est entrée sur le territoire métropolitain le 17 septembre 2014 sous couvert d'un visa de long séjour et a ensuite bénéficié de cartes de séjour temporaire en qualité d'étudiante de 2014 à 2016. Le 21 novembre 2016, Mme C...a sollicité son changement de statut afin d'obtenir un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale en qualité de mineure entrée en France avant l'âge de 13 ans sur le fondement des dispositions du 2° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 23 mai 2017, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme C...relève appel du jugement du 18 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire :
2. Par une décision du 27 septembre 2018, antérieure à l'enregistrement de la requête, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a rejeté, la demande de MmeC.... Par suite, les conclusions de Mme C...tendant à son admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont irrecevables et doivent donc être rejetées.
Sur la fin de non-recevoir soulevée par le préfet de la Haute-Garonne :
3. Aux termes de l'article 39 du décret du 19 décembre 1991 pris pour l'application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle en vue de se pourvoir en matière civile devant la Cour de cassation est adressée au bureau d'aide juridictionnelle établi près cette juridiction avant l'expiration du délai imparti pour le dépôt du pourvoi ou des mémoires, ce délai est interrompu. Un nouveau délai court à compter du jour de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle (...). Ce dernier délai est lui-même interrompu lorsque la demande de nouvelle délibération ou le recours prévus à l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 sont régulièrement formés par l'intéressé. / Le délai alors imparti pour le dépôt du pourvoi ou des mémoires court à compter de la date de la réception par l'intéressé de la notification de la nouvelle délibération du bureau ou de la décision prise sur le recours (...). / Les délais de recours sont interrompus dans les mêmes conditions lorsque l'aide juridictionnelle est sollicitée à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat ou une juridiction administrative statuant à charge de recours devant le Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article 56 du même décret, la décision de rejet d'une demande d'aide juridictionnelle devient définitive à l'expiration du délai de quinze jours à compter du jour de la notification de cette décision.
4. Il ressort des pièces du dossier que dans le délai d'appel d'un mois prévu par l'article R. 776-9 du code de justice administrative, courant à compter de la date de notification du jugement attaqué en date du 18 mai 2018, Mme C...a présenté le 4 juin 2018 une demande d'aide juridictionnelle qui, par application des dispositions précitées, a interrompu le délai d'appel. Le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui a été refusé par une décision du 27 septembre 2018. Aucune pièce du dossier ne permet d'établir la date de notification de cette décision. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé à soutenir que la requête enregistrée le 19 novembre 2018 serait tardive.
Sur la légalité de l'arrêté du 23 mai 2017 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme C...est arrivée en 2002 à l'âge de 9 ans à Mayotte où elle a vécu auprès de son père pendant douze ans. Ce dernier réside toujours à Mayotte. Lorsqu'elle est entrée en France métropolitaine le 17 septembre 2014, où réside régulièrement sa mère, elle était titulaire d'un visa de long séjour valable du 12 août 2014 au 11 aout 2015. Du 24 novembre 2014 au 23 novembre 2016, elle a bénéficié de cartes de séjour temporaire en qualité d'étudiante. A la date de l'arrêté attaqué, l'ensemble de ses attaches familiales se trouvaient toutes en France, soit à Mayotte, soit en France métropolitaine. Ainsi, dès lors qu'elle a quitté très jeune son pays d'origine et eu égard à la régularité de son séjour en France métropolitaine et à la présence de toutes ses attaches familiales en France, le préfet de la Haute-Garonne, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. L'annulation du refus de titre de séjour implique nécessairement l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi comprises dans l'arrêté du 23 mai 2017.
7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
8. Eu égard aux motifs ci-dessus, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet délivre à Mme C...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu de prescrire cette mesure dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Ondo, avocat de MmeC..., de la somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE
Article 1er : Le jugement n° 1703706 du 18 mai 2018 du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté du 23 mai 2017 du préfet de la Haute-Garonne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à Mme C...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme C...la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C..., au ministre de l'Intérieur, au préfet de la Haute-Garonne et à Me Ondo.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, présidente,
M. Paul-André Braud, premier conseiller,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 17 avril 2019.
Le premier conseiller,
Paul-André Braud
Le président-rapporteur,
Marianne B...Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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18BX03969
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