Par un mémoire en défense enregistré le 3 janvier 2019, M.A..., représenté par Me Laspalles, conclut :
1°) à ce qu'il soit admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) au rejet de la requête du préfet du Lot ;
3°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 alinéa 2ème de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
S'agissant de la régularité de la requête :
- le préfet ne justifie pas de la date à laquelle le jugement dont appel lui a été notifié de sorte qu'il ne peut vérifier si l'appel a été interjeté dans le délai ;
- le préfet ne critique pas la motivation du jugement de première instance de sorte que sa requête est irrecevable ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire :
- elle est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration dès lors que l'arrêté ne mentionne pas qu'il est parent d'enfants français et ne vise pas l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la procédure contradictoire n'a pas été respectée dans la mesure où il n'a pas été informé de la possibilité de formuler des observations auprès de l'administration tenant à sa situation personnelle ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux et attentif de sa situation comme l'a jugé le tribunal administratif de Toulouse ; l'arrêté contesté ne comporte pas sa qualité de parent d'enfants français alors même qu'il l'a signalé lors de son audition par la police ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; il est entré en France en 2002 à l'âge de 16 ans ; il est parent de trois filles de nationalité française avec lesquelles il entretient des liens forts malgré sa situation précaire ; aucune infraction pénale ne lui a été reprochée depuis sa sortie de détention en janvier 2012 de sorte qu'il ne peut être considéré comme présentant une menace pour l'ordre public ;
- la préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il n'a pas examiné si la mesure d'éloignement portait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant en ce qu'il n'a pas accordé une attention primordiale à l'intérêt de ses enfants ;
S'agissant de la décision de refus de délai de départ volontaire :
- elle est insuffisamment motivée ;
- le préfet aurait dû le mettre à même de présenter des observations comme le prévoit l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier et sérieux de sa situation personnelle ;
- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa situation justifie qu'un délai de départ volontaire lui soit accordé pour quitter le territoire ;
S'agissant de la décision portant interdiction de retour :
- elle est insuffisamment motivée dans la mesure où le préfet ne vise pas les quatre critères prévus par l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il ne précise notamment pas en quoi il constitue une menace à l'ordre public et les raisons pour lesquelles une durée de trois ans a été fixée ;
- le préfet ne l'a pas informé de la possibilité de former des observations auprès de l'administration ou de solliciter un entretien afin d'apporter des précisions sur sa situation personnelle ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux et attentif de sa situation ;
- aucun élément ne justifie le prononcé d'une telle mesure au regard des critères énoncés à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet a ainsi commis une erreur de droit et a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 janvier 2019 ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme Cécile Cabanne pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C...a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...A..., ressortissant marocain, est entré en France en 2002 selon ses déclarations. Il a sollicité son admission au séjour en tant que parent d'enfants français auprès de la préfecture des Pyrénées-Atlantiques le 28 avril 2006, titre de séjour régulièrement renouvelé jusqu'au 22 janvier 2011. Par une décision du 16 novembre 2012, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a refusé le renouvellement de son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français, refus confirmé par un jugement du tribunal administratif de Pau du 2 avril 2013 et un arrêt de la cour de céans du 10 décembre 2013. Le 17 septembre 2018, à la suite d'un contrôle d'identité, le préfet du Lot lui a notifié un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire assorti d'une interdiction de retour en France d'une durée de trois ans. Le préfet du Lot relève appel du jugement du 21 septembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 17 septembre 2018.
Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire :
2. Par une décision du 24 janvier 2019, M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, ses conclusions tendant à son admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ".
4. Pour annuler l'arrêté du 17 septembre 2018 par lequel le préfet du Lot a fait obligation à M. A...de quitter le territoire français sans délai, fixé le pays de destination et prononcé une interdiction de retour d'une durée de trois ans, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a jugé que cet arrêté était entaché d'un défaut d'examen sérieux de la situation personnelle de M. A...au motif que le préfet n'avait pas examiné si l'intéressé étant, père de trois enfants français, il faisait partie des étrangers ne pouvant pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement en application des dispositions précitées du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. L'arrêté en litige se borne à indiquer que la demande de titre de séjour de M. A...en qualité de parents d'enfant français a été rejetée par un arrêté du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 16 novembre 2012, que M. A...est célibataire et sans charge de famille, qu'il n'établit pas avoir fixé ses intérêts privés et familiaux en France et qu'eu égard aux conditions de son entrée en France et à la durée de son séjour, la mesure d'éloignement ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Or, lors de son audition par les services de police le 17 septembre 2018, l'intéressé a déclaré avoir trois filles vivant en France qu'il a reconnues mais qui ne sont pas à sa charge, précisé que la plus jeune était âgée de deux ans et demi et qu'il avait engagé des démarches en vue d'obtenir un titre de séjour " pour renouer des liens avec ses filles ". La motivation stéréotypée de l'arrêté attaqué, qui, au demeurant, se borne à relever un précédent refus de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français antérieur de près de cinq ans sans faire état de la naissance d'un troisième enfant postérieurement à ce refus de titre de séjour, ne permet pas d'établir que le préfet a procédé à un examen sérieux de la situation de l'intéressé, notamment au regard des dispositions précitées du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, le préfet du Lot n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'obligation de quitter le territoire français sans délai du 21 septembre 2018 ainsi que, par voie de conséquence les décisions du même jour fixant le pays de destination et l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Laspalles, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Laspalles de la somme de 1 200 euros.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande présentée par M. A...tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Article 2 : La requête du préfet du Lot est rejetée.
Article 3 : L'Etat versera à Me Laspalles la somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'Intérieur, au préfet du Lot à M. B... A...et à Me Laspalles.
Délibéré après l'audience du 20 février 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. Paul-André Braud, premier-conseiller,
Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 mars 2019.
Le rapporteur,
Nathalie Gay-SabourdyLe président,
Marianne Pouget
Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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18BX03711